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  • Éclairage Covid-19 | Une élue rennaise témoigne de son expérience

    Présentation de Nadège Noisette Élue depuis 2014, en charge de la politique d'approvisionnement de la ville de Rennes, j'ai travaillé sur la question de l'alimentation notamment dans le cadre de l'approvisionnement des cantines scolaires. J'avais envie que les petit-e-s rennais-e-s puissent avoir des produits bio et locaux dans leurs assiettes. Je voulais que l'achat de denrées alimentaires par la ville de Rennes puisse aussi encourager des pratiques agricoles plus durables et que l'on diminue le gaspillage alimentaire. A travers des projets comme le plan alimentaire durable (PAD) de la ville et Terre de Sources porté par la collectivité Eau du Bassin Rennais (CEBR), le système alimentaire rennais progresse peu à peu vers un modèle plus résilient. La crise sanitaire que l'on traverse le démontre en partie. Dès le début du confinement, beaucoup se sont rué-e-s dans les grandes surfaces afin d’acheter des produits de base en grande quantité par peur de manquer. Puis se mettant à cuisiner, et particulièrement inquiet-e-s pour leur santé, certain-e-s se sont tourné-e-s vers les produits frais, bruts, sains et locaux. Cette crise permet alors de créer de nouveaux liens solidaires entre différent-e-s actrices/acteurs que ce soit pour favoriser la vente de produits locaux, pour lutter contre le gaspillage alimentaire ou pour offrir une aide alimentaire aux plus démunis·es. Ainsi par exemple : Les supermarchés s’approvisionnent plus facilement auprès de productrices et producteurs locaux Les plateformes qui offrent des possibilités de commander en ligne mettent en avant des produits bio et issus d’une agriculture paysanne durable La cuisine centrale de la ville de Rennes a distribué les denrées prévues en vain pour les cantines via des circuits courts ou le don et fabrique actuellement des repas pour les personnes dans le besoin. Des coursiers en vélo font des livraisons de paniers à domicile Des systèmes alternatifs de distribution, souvent solidaires se sont inventés rapidement comme des achats groupés d’habitant-e-s Mais quand certain-e-s se démènent pour trouver des produits durables et locaux et soutenir les productrices et producteurs, d'autres n'arrivent pas à nourrir leur famille. Pour certains enfants, le repas à la cantine était le seul repas équilibré de la journée, avec la fermeture des écoles, se nourrir devient donc pour certaines familles une véritable question de survie. Paradoxalement, un certains nombres d'industriels de l'agroalimentaire, se retrouvent avec des stocks de denrées qu'ils n'arrivent pas à écouler faute de débouchés dans la restauration hors domicile, parce que les habitudes de consommation ont changé ou que la chaine de distribution montre quelques signes de faiblesse. Face à ce constat et l'impossibilité pour les associations d'aide alimentaire de fonctionner normalement, une grande et exceptionnelle solidarité s'organise à Rennes. Ainsi sous l'impulsion d'associations locales d'aide alimentaire comme Cœurs Résistants et L'Epicerie sociale de l'université de Rennes2, l'ensemble des actrices et des acteurs de l'aide alimentaire construisent un nouveau système de distribution alimentaire pour toutes celles et ceux qui en ont besoin. Une fois par semaine, en viso-conférence, les grandes associations nationales comme la Banque Alimentaire, le Secours Populaire, La Croix Rouge, les Restos du Cœurs… , les associations locales (Cœurs Résistants, L'Epicerie Sociale de Rennes2, Un Toit c'est Un Droit … ), l’Etat et la ville de Rennes se retrouvent pour trouver ensemble des solutions à la précarité alimentaire. Cette nouvelle coordination, efficace et mise en place dans l'urgence, me semble en soit déjà assez inédite pour être soulignée. Il en résulte alors que la ville met à disposition des associations, 2 écoles, qui servent de base logistique. Dans chacune de ces écoles des équipes de 5 à 6 bénévoles, qui tournent par demi-journée, réceptionnent, désinfectent, trient, rangent des denrées alimentaires. Celles-ci proviennent de la banque alimentaire, de dons des grandes et moyennes surfaces récupérées par la société Phenix et les associations, de dons des industries agro-alimentaires ou de l'agriculture (Chambre d'Agriculture) qui transitent souvent par la cuisine centrale de la ville de Rennes, d'achats réalisés auprès de grossistes comme la Biocoop ou par la ville de Rennes pour les couches. Une cagnotte a été mise en place (SolidaRennes) pour permettre ces achats. Une fois désinfectées au vinaigre blanc et triées, ces denrées sont ensuite mises dans des sacs par les bénévoles. Chaque sac doit contenir pour une personne de quoi manger de manière "équilibrée" pendant 4 à 5 jours. Le CROUS est chargé de la distribution. 2 agents du CROUS viennent ainsi avec leur camion frigorifique dans les écoles tous les jours pour récupérer les sacs préparés et les distribuer directement chez les personnes qui en ont fait la demande. Quelques autres associations de quartier ou qui suivent des squats viennent aussi chercher régulièrement quelques sacs. En tout se sont ainsi près de 300 sacs qui sont constitués par jour dans les 2 écoles. Les bénévoles affluents, les demandeurs et demandeuses aussi. En 2 mois, 10 000 personnes différentes sur Rennes ont ainsi été aidées. En plus de cette logistique mise en place dans les deux écoles, la cuisine centrale de la ville de Rennes produit chaque jour près de 500 repas chauds individuels qui sont livrés par des agents de la ville aux personnes logées dans des hôtels. La ville a en effet mis à l'abri dans des hôtels les personnes qui n'avaient pas de logements dont une grande partie de migrant-e-s. De mon côté, entre une élection municipale suspendue et la mise en place à la ville d'une cellule de crise très resserrée autour de la Maire, je me suis retrouvée, confinée sans moyen d'agir dans le cadre de mon mandat municipal alors que l'alimentation était au cœur des préoccupations du moment. Je connaissais l'association "Cœurs Résistants" car j'avais monté un projet artistique avec eux en 2019. Je les ai contactés afin de pouvoir prêter main forte. Un jour par semaine, j'ai alors encadré les équipes de bénévoles sur le site d'une des écoles. L'équipe du matin se chargeait de récupérer, désinfecter, trier les denrées qui arrivaient. Deux à trois arrivages différents étaient attendus. A partir de 14h, l'équipe de l'après-midi préparait entre 150 et 170 sacs en essayant de répartir au mieux les différents aliments et en prenant en compte les régimes alimentaires des bénéficiaires. Ensuite on nettoyait et désinfectait tous les locaux. Concrètement on avait assez peu de fruits et légumes frais. Les pâtes, riz, huiles avait été achetées. On avait par contre beaucoup de plats préparés, de produits laitiers avec des DLC très courtes et énormément de viennoiseries. Les échanges entre bénévoles témoignaient vraiment d'un questionnement et d'une inquiétude partagée quant à la qualité nutritive des denrées que l'on donnait et de la surproduction de certains produits (viennoiserie par exemple). Les aliments étaient aussi pour la plupart suremballés. Je continue ce bénévolat au moment du déconfinement. Avec la réouverture des écoles, l’aide alimentaire s’organise désormais dans un gymnase. Cette fois ce seront plutôt les bénéficiaires qui viendront directement se servir dans ce gymnase transformé alors jusque fin aout en épicerie solidaire. La question de la précarité alimentaire a toujours été au cœur de mes préoccupations sans forcement d’ailleurs trouver des réponses. J’espère vraiment que cette formidable solidarité de l’aide alimentaire va perdurer pour justement co-construire les solutions qui permettront demain à toutes et tous de manger sainement. Il ne faut pas que les personnes les plus fragiles ne puissent manger que les « restes » de la société de consommation, ce n’est pas sain, ce n’est pas juste. Il me semble vraiment urgent qu’un nouveau modèle puisse être pensé et expérimenté au moins déjà à l’échelle de la ville de Rennes.

  • 01/11/2017 | Optimisation de la logistique dans les chaînes alimentaires de proximité

    De nombreux travaux sur les chaînes alimentaires courtes de proximité montrent que leur contribution à la durabilité des systèmes alimentaires dépend de la logistique associée, c’est-à-dire de l’organisation des flux de matières, des flux d’informations et des flux financiers. Cette organisation appelle à explorer les solutions techniques et les nouvelles formes de coordination entre acteurs mises en œuvre dans les territoires. Dans le cadre du RMT Alimentation Locale et de son groupe de travail « Organisations collectives », la FNCUMA, avec l’appui de l’INRA, a organisé en 2016 deux journées d’étude afin d’approfondir les enjeux et leviers de l’optimisation logistique dans les chaînes alimentaires courtes de proximité (CACP), en s’appuyant sur les regards d’acteurs de terrain, de chercheurs, d’experts et d’organismes de développement. Cette synthèse reprend les éléments clés à retenir des interventions et échanges conduits dans le cadre de ces deux journées qui se sont tenues à Paris le 4 mai et le 6 septembre 2016. Ces journées ont fait l’objet d’une synthèse de 8 pages « La logistique dans les chaînes alimentaires courtes de proximité : enjeux et leviers d’optimisation ». Télécharger la synthèse

  • Hors-Série de la revue Village, coordonné par l’INRAE : Du champ à l'assiette.

    Village est un magazine trimestriel national réalisé par des journalistes ruraux dont le but est de valoriser les initiatives innovantes partout en France pour que les lecteurs puissent se les approprier et les transposer sur leur territoire. Ce hors-série aborde la question de l'alimentation de proximité grâce à un partenariat entre Village et les équipes de l'INRA (à présent INRAE). Il a été coordonné par Yuna Chiffoleau, Directrice de recherche à l'UMR Innovation, avec la collaboration de Sarah Lachenal, stagiaire AgroParisTech et Axel Puig, journaliste Village. Ce hors-série est alimenté par une étude menée dans le cadre du métaprogram-me Did'it (Déterminants et impacts de la diète, interactions et transitions) de l'INRAE (lien) qui vise à identifier des leviers pour favoriser la durabilité des systèmes alimentaires. Il présente les principales tendances observées autour de la reterritorialisation de l’alimentation, à travers une diversité d’initiatives, que des chercheurs de disciplines variées éclairent sous l’angle de la durabilité. Un hors-série essentiel pour y voir plus clair et trouver des pistes concrètes pour s’engager dans la transition agroécologique et alimentaire. L'étude complète a été présentée à l'occasion du colloque Reterritorialisation de l'alimentation qui s'est déroulé à Paris le 28 novembre (lien). Commander le Hors Série Crédit photos : RMT Alimentation Locale Edit : le 04/05/2020

  • Compte-rendu du colloque Reterritorialisation de l'alimentation

    Le colloque « Reterritorialisation de l'alimentation : quelle contribution à la durabilité des systèmes alimentaires ? » a été organisé par l'INRA (à présent INRAE) et le Réseau Mixte Technologique Alimentation Locale, en collaboration avec le Ministère de l'agriculture et l'alimentation, le Ministère de la transition écologique et solidaire, le Commissariat général à l'égalité des territoires, la Caisse des dépôts et consignations et le GDR Policy Analytics. Il s'est déroulé le 28 novembre 2019 à la Caisse des dépôts et consignations (Paris) et a réuni 50 intervenant·e·s (ou personnes ayant contribué à des interventions) et plus de 200 participant·e·s aux profils très divers (agents de développement agricole et rural, acteurs institutionnels et économiques, représentants d’associations et chercheurs...). Un grand merci à toutes et à tous pour avoir fait de cette journée une rencontre riche en échanges et en enseignements, nous espérons qu'elle aura contribué à ouvrir de nouvelles pistes de recherche et de collaboration ! Nous avons aujourd'hui le plaisir de vous partager le compte-rendu ainsi que les vidéos et supports de présentations du colloque : Compte-rendu Merci aux élèves du groupe Système Alimentaire Territorialisé d'Agrocampus Ouest Angers pour leur contribution à la rédaction de ce compte-rendu et aux intervenant·e·s pour leur relecture. Les vidéos et présentations des intervenants sont accessibles dans le compte-rendu ou directement aux liens suivants : Introduction Vidéo Les grands enjeux économiques et environnementaux de la reterritorialisation de l'alimentation Présentation / Vidéo Présentation de l'enquête nationale "Reterritorialisation de l'alimentation" Présentation / Vidéo L'exemple des filières céréales territorialisées Présentation / Vidéo Session 1. Diversité et performances des circuits de proximité Présentation / Vidéo Session 2. Approvisionnement des villes, entre autonomie et résilience Présentation / Vidéo Session 3. Nouveaux environnements alimentaires et changement des pratiques de consommation Présentation / Vidéo Conclusion et perspectives Présentation / Vidéo Nous restons à l'écoute de vos retours et questions sur la journée, merci d'écrire à animation@rmt-alimentation-locale.org pour nous en faire part. Retrouvez toutes les vidéos de la journée et de nos autres événements sur notre chaîne YouTube. Retrouvez les présentations des partenaires du colloques sur l'article suivant : 11/12/2019 | Retour sur le colloque Reterritorialisation de l’alimentation

  • 28/11/2019 | Colloque, Reterritorialisation de l’alimentation.

    Reterritorialisation de l’alimentation :  quelles contributions à la durabilité des systèmes alimentaires ? Edit le 04/02/2020 : Le compte-rendu du colloque est disponible ici. Colloque coordonné par l’Inra, Paris, 28 novembre 2019 Caisse des dépôts et consignations, 15 quai Anatole France, 75 007 Paris En collaboration avec le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, le Ministère de la transition écologique et solidaire, le Commissariat général à l’égalité des territoires, la Caisse des dépôts et consignations, le GDR Policy analytics et le Réseau Mixte Technologique Alimentation locale. Ce colloque, ouvert à tous, sera d’abord l’occasion de partager les résultats de l’étude coordonnée par l’INRA sur la reterritorialisation de l’alimentation en 2018-2019, basée sur plus de 200 interviews d’acteurs nationaux et régionaux et la collecte de données chiffrées. Dans un second temps, la présentation d’autres travaux de recherche, portés par différentes disciplines, viendra éclairer une première série de questions soulevées par l’étude. Les approches et les résultats seront mis en perspective par des acteurs de terrain. Le public sera composé d’ acteurs institutionnels (ministères, régions, départements, métropoles, communes…), d’agents de développement agricole et rural, de représentants d’associations, d’acteurs économiques, de chercheurs, d’étudiants… Le nombre de places étant limité, il est possible que nous ne puissions accueillir toutes les personnes souhaitant participer. Nous validerons donc les inscriptions en veillant à représenter la diversité des acteurs. Les inscriptions au colloque sont clôturées. Nous avons reçu un très grand nombre de demandes d’inscriptions et ne pouvons plus en accepter. Retrouvez ci-dessous le programme : Programme Pour tout complément d’informations, merci de vous adresser à Anne-Cécile Brit : animation@rmt-alimentation-locale.org

  • Éclairage Covid-19 | Impact sur les exploitations et filières agricoles des îles de l’Atlantique

    Les îles, havres de tranquillité épargnés par la crise du coronavirus ? Pas si sûr pour les agriculteurs insulaires ! Pour savoir de quelle manière ceux-ci ont été impactés par les mesures de confinement, et ont adapté leur activité, le Réseau agricole des îles atlantiques (RAIA) a réalisé une série d’enquêtes téléphoniques au cours du mois d’avril auprès d’agriculteurs et de différents acteurs des filières agricoles insulaires. Les témoignages recueillis ont servi à élaborer la note qui suit, présentant les conséquences à ce jour de la crise et les enseignements à en tirer pour l’avenir. Le RAIA est une association qui regroupe des agriculteurs, des citoyens et des élus dans l’objectif de faciliter le maintien et le développement d’une agriculture durable dans les îles de la façade atlantique française, en région Bretagne et dans les départements de Vendée et de Charente-Maritime. Ses membres se répartissent sur les îles de : Bréhat, Ouessant, Sein, Groix, Belle-Ile-en-Mer, Hoëdic, Arz, Yeu, Noirmoutier, Ré, Aix et Oléron. La note a été rédigée par Mary-Anne Bassoleil, animatrice du RAIA. Cette synthèse peut également être consultée sur le site internet de l’association : https://raia-iles.fr/ Activité agricole En ce qui concerne les travaux prévus normalement pour cette saison, les principales difficultés exprimées sont liées à la perturbation des services de transport maritime. En effet, le nombre de dessertes quotidiennes a été réduit pour la majorité des îles (en moyenne, les 2/3 des trajets ont été supprimés). Dans certains cas, les produits indispensables à l’activité commandés par les producteurs n’ont pas pu passer sur le bateau, car considérés comme non prioritaires : plants maraîchers, engrais. Néanmoins, l’adaptation progressive de la législation (plans et semences considérés ultérieurement comme de première nécessité) et la négociation avec les sociétés de transport ont permis de résoudre ces difficultés. Les difficultés persistent néanmoins dans le cadre des déplacements nécessaires à la réparation du matériel agricole, car il n’y a pas de concessionnaires sur les îles. Trouver de la main d’œuvre saisonnière n’a pas présenté de difficulté majeure, des saisonniers étaient déjà arrivés au mois de mars et la main d’œuvre est pour partie locale. Pour les agriculteurs qui faisaient habituellement appel à des stagiaires et dont les stages ont été annulés, la charge de travail s’est alourdie. Le temps de travail d’encadrement des salariés est multiplié par les mesures sanitaires mise en place sur les exploitations. Dans l’ensemble, les travaux agricoles (plantations, semis…) prévus pour cette période ont été réalisés. Les travaux de construction ou d’aménagement ont en revanche pris beaucoup de retard, la plupart des entreprises réalisant ces travaux étant fermées. Cette situation est extrêmement pénalisante dans le cas des installations en cours, pour lesquelles le démarrage de l’activité dépend de l’arrivée du matériel commandé et de travaux de construction spécifiques (laboratoire de transformation, serre…). Dans ces cas-là, les difficultés sont aggravées par les retards administratifs (obtention de crédits), l’absence de clientèle déjà établie et l’impossibilité de commercialiser auprès d’une clientèle touristique. Ces constats nous alertent sur la nécessité de : - Soutenir spécifiquement les agriculteurs en cours d’installation dans les îles, dont l’établissement est particulièrement délicat (Loi Littoral, coût du foncier…) et néanmoins crucial pour le renouvellement des générations d’agriculteurs et le maintien d’une certaine autonomie alimentaire dans les îles. - Faire reconnaitre, pour l’avenir, la spécificité des produits nécessaires à l’exploitation agricole, au même titre que les produits alimentaires, dans les documents qui régissent les dessertes maritimes entre les îles et le continent. Accès au marché pour les productions insulaires Plusieurs tendances distinctes se dégagent selon le type de production et le mode de commercialisation habituel (vente directe, filière mixte ou longue) : Pour les productions maraîchères, la crise intervient à une période de soudure entre les légumes d’hiver et d’été : il y a relativement peu de volume à la vente si l’on compare aux productions estivales. Toutes les personnes enquêtées réussissent pour le moment à commercialiser l’intégralité de leur production en frais. En élevage, la situation va rapidement se détériorer. Pour la plupart des éleveurs bovins ou ovins, la nécessité de transporter les animaux sur le continent pour l’abattage et la découpe de la viande est complexifié par le faible nombre de dessertes (sauf pour les îles à pont). A Belle-Ile-en-mer, par exemple, le camion de transport des bovins ne fait pas partie des véhicules prioritaires sur le bateau. De plus, certains débouchés ont disparu : fermeture d’une partie des marchés au cadran où sont vendus en vif les veaux, les jeunes bovins et une partie des vaches de réforme. En élevage ovin, les lots d’animaux qui devaient être vendus en vente directe pour la période pascale ont pu l’être pour partie, mais ils ne constituent qu’une faible part du total des animaux produits pour la saison estivale. Les éleveurs concernés gardent les animaux pour l’instant, mais cela occasionne des surcoûts importants notamment en termes d’alimentation animale. Pour les agriculteurs réalisant de la vente directe, individuelle ou collective, le constat de l’apparition de nouveaux clients est unanime. L’arrivée de résidents secondaires ou des familles de résidents permanents en début ou en cours de confinement a créé une clientèle supplémentaire, même si les agriculteurs relativisent les annonces faites par la presse d’arrivées « massives ». Les avis sont cependant mitigés sur la pérennité post-confinement de cette clientèle. Les agriculteurs qui commercialisent via des filières longues très structurées, pour lesquelles le transport a été peu impacté, font état de « très peu de changement » : filière lait à Belle-Ile-en-Mer : le camion de lait fait partie des véhicules prioritaires sur le bateau, et pour l’instant la laiterie n’a pas demandé de diminution de production, filières légumières de Batz : le service de la barge transportant le fret est globalement maintenu, et les grossistes du continent qui se chargent d’écouler les produits semblent trouver des débouchés assez facilement en GMS et magasins bio, la filière pomme de terre à Noirmoutier : la coopérative a continué son activité, le confinement intervenant pendant les deux mois que dure la saison des pommes de terre primeur, filières sel sur les îles de Ré et Noirmoutier : les ventes des coopératives se maintiennent grâce à la demande de la grande distribution. Des baisses de prix sont cependant déjà apparues (pommes de terre primeur de Noirmoutier) ou annoncées (filière lait). Les produits bio tirent leur épingle du jeu, car la demande en produits alimentaires bio a augmenté depuis le début du confinement. Les producteurs réalisant de la vente directe auprès d’une clientèle touristique saisonnière sont très fortement impactés : c’est le cas des sauniers indépendants sur l’île de Ré, et des viticulteurs réalisant de la vente directe (hors coopérative) à Ré et Oléron. Ces témoignages nous alertent sur : - La nécessité d’un appui financier complémentaire post-crise pour les producteurs dont le cycle d’exploitation et la trésorerie seront obérés sur une année complète, du fait de la forte saisonnalité de leur activité. - L’importance de travailler à la mise en place d’équipements permettant de transformer et commercialiser les produits bruts sur les îles pour limiter la dépendance au transport. Stratégies d’adaptation A court terme Les modalités de commercialisation se sont déjà adaptées afin d’appliquer les mesures sanitaires. Ainsi, la livraison de paniers à domicile est un débouché qui a pris beaucoup d’ampleur. Les systèmes de pré-commande par internet connaissent un grand succès. Des parcours de vente adaptés ont été mis en place dans les points de vente collectif et à la ferme. Enfin, le recours aux réseaux sociaux est important : il s’appuie sur des structures préexistantes (par exemple, le « Forum de discussion Belle-Ile », un groupe Facebook qui regroupe une partie de la population belliloise) et permet de communiquer facilement sur les nouvelles modalités de commercialisation. Ces changements dans l’organisation logistique quotidienne génèrent une augmentation importante du temps de travail affecté aux tâches de préparation des produits et des commandes, ainsi qu’à la livraison. A moyen terme Les interrogations des producteurs sont vives sur la conduite à tenir pour les mois qui viennent. En ce qui concerne la production à proprement parler, la majorité des agriculteurs n’a pas arrêté sa décision sur la stratégie à adopter, car les incertitudes et l’anxiété se cristallisent autour de l’existence ou non d’une réelle saison touristique cet été. Des arbitrages sont déjà réalisés sur l’embauche ou non de salariés en juillet et août : se passer d’une embauche, surtout si les ventes restent faibles, permettra de limiter les charges. D’autant qu’avec l’arrivée de la saison estivale, de grandes quantités de produits vont se retrouver à vendre en même temps : s’il y a peu de clients, les prix vont baisser. En ce qui concerne la commercialisation, la plupart des agriculteurs en vente directe n’ont pas encore pris position pour rechercher des débouchés complémentaires. En effet, la mobilisation de nouveaux débouchés interroge sur leur maintien ultérieur : pourra-t-on « laisser tomber » dans quelques mois des structures qui ont dépanné pendant la crise, mais auxquelles le recours est plus complexe (magasin bio VS vente à la ferme). En ce qui concerne les mesures de soutien, les agriculteurs sont globalement défavorables à des mesures type avances remboursables ou report de cotisation, qui ne feront « qu’alourdir la facture dans quelques mois, alors qu’il n’y aura toujours pas de trésorerie ». La mesure qui semble la plus adaptée est le décalage sans frais des mensualités des crédits en cours. Ces constats nous alertent sur la nécessité de : - Négocier dès maintenant des tarifications spécifiques de transport pour l’export de production agricole, afin de faciliter la mise en marché sur le continent pour les agriculteurs impactés par la perte des débouchés saisonniers, - Faciliter, par un appui politique et institutionnel, le report des échéances de crédit par les organismes bancaires, pour les agriculteurs qui le solliciteraient. Solidarité et soutien politique La crise encourage les solidarités entre agriculteurs. Le point de vente collectif de Belle-Ile a ainsi pris l’initiative de proposer des produits d’agriculteurs ou commerçants non-membres. A Oléron, les producteurs membres de l’association MOPS (Marennes Oléron Produits Saveurs) partagent leur production pour pouvoir répondre à la demande des clients et que les paniers proposés soient plus attrayants. Néanmoins, ces solidarités se construisent autour de collectifs existants. Par ailleurs, certains commerçants ont proposé des produits locaux dans leurs rayons. A Oléron, un directeur de GMS a écoulé la production maraîchère d’un agriculteur ayant perdu ses débouchés en restauration commerciale. A Belle-Ile, une supérette ne pouvant plus être approvisionnée pour certains produits laitiers via le continent a intégré des productions locales dans ses rayons et a découvert les producteurs locaux par la même occasion. Enfin, les élus insulaires ont dans l’ensemble montré de la bonne volonté pour défendre auprès des préfets le maintien ou la réouverture des marchés couverts ou de plein vent, permettant aux agriculteurs concernés d’écouler leur production. Les marchés sont donc maintenus, avec parfois des horaires réduits, sur la quasi-totalité des îles. Certains élus ont également incité les habitants à s’approvisionner localement via la presse et les réseaux sociaux, voire, dans certains cas, se sont mobilisés pour faciliter le transport des produits indispensables à l’activité agricole. Néanmoins, l’absence de concertation pour la mise en place des horaires aménagés de bateau, ainsi que la difficulté pour les agriculteurs à trouver un interlocuteur dans les communes pour lesquelles les élections n’ont pas pu être finalisées, créent des difficultés. Cela souligne l’importance d’encourager ou de mettre en place dans les îles : - des démarches agricoles collectives, conduites en concertation avec les élus locaux au sein de projets à dimension territoriale, - des circuits courts et de proximité pour l’approvisionnement alimentaire insulaire. Bilan En dehors des installations de jeunes agriculteurs qui sont fortement impactées par la crise, et de certaines filières spécifiques (viande, sel, vignerons indépendants), les agriculteurs enquêtés sur les îles ont pu pour le moment s’adapter à la situation. Le début du confinement est intervenu dans une période à laquelle le volume des productions à écouler est relativement faible. Des baisses de chiffre d’affaires sont toutefois déjà signalées, et les inquiétudes sont vives quant à la saison estivale à venir, qui représente la majeure partie du chiffre d’affaire annuel en vente directe. Pour certains, la situation risque de se compliquer rapidement à partir de la fin du mois d’avril. A ce jour, les agriculteurs ont très peu de visibilité sur la stratégie à adopter, et la plupart espèrent ne pas avoir à faire face à un « scénario pessimiste » dans lequel la totalité de la saison serait remise en cause. Les activités qui pâtissent le moins de la situation sont celles installées depuis longtemps, autonomes (peu d’intrants, transformation sur place) et avec des débouchés réguliers sur l’année. Il est crucial de mettre en œuvre, dès maintenant, des moyens permettant d’assurer rapidement l’évolution des exploitations et filières agricoles insulaires vers davantage d’autonomie et de résilience. Crédits photos : RAIA

  • Éclairage Covid-19 | Les plateformes d’approvisionnement et de distribution des produits locaux

    Comment les plateformes des producteurs sont-elles touchées, s’adaptent-elles et se reconstruisent-elles face à la crise sanitaire du Covid-19 ? Depuis le début du confinement, les circuits courts alimentaires sont plus que jamais convoités. Cette situation inédite confronte les initiatives à des changements rapides. Cet éclairage présente les témoignages des animateurs de trois plateformes d’approvisionnement en produits locaux aux professionnels et de quatre circuits courts de vente en ligne aux consommateurs, donnant un premier aperçu de la situation en Occitanie. Melise BOUROULLEC-MACHADO est enseignante-chercheuse en marketing des filières agroalimentaires à l’Ecole d’Ingénieurs de PURPAN et membre de l’UMR AGIR/INRAE. Ses travaux portent sur les transformations des mécanismes de coordination des filières agricoles et agroalimentaires, notamment les démarches collectives porteuses d’une plus forte valeur ajoutée pour les agriculteurs. Les circuits courts plus récents et/ou innovants et la capacité des acteurs de s’organiser autour de ces collectifs, font partie de ses thèmes de recherche. Les plateformes d’approvisionnement de produits locaux aux professionnels presque à l’arrêt. Depuis le début du confinement, une grande majorité des professionnels clients des plateformes d’approvisionnement en produits locaux ont cessé leur activité. La restauration scolaire publique, marché principal de la SCIC Terroirs Ariège Pyrénées, est à l’arrêt, la SCIC Resto Bio a réduit ses commandes au minimum et les marchés publics suspendus. Selon un responsable de la plateforme Agrilocal 31 « certaines commandes en cours ont pu être annulées ; d’autres, comme la viande, ont pu être surgelées par le fournisseur, en commun accord entre les parties (producteurs et cantines), et seront livrées à la reprise des activités ». Le surplus de quelques établissements a été ponctuellement distribué soit au personnel, soit à des associations. Seuls les EHPAD, centres hospitaliers, centre d’accueil d’enfants du personnel de la santé et quelques cuisines centrales positionnées sur du portage et la fourniture de repas en centres de soins, poursuivent leurs approvisionnements. Quelques réajustements de volumes et de type de produits sont observés. Les salariés de ces plateformes sont en chômage partiel (de 50% à 100%). La recherche d’alternatives pour les adhérents et fournisseurs. Pour faire face à la baisse significative des ventes des plateformes d’approvisionnement en produits locaux aux cantines, les agriculteurs ont vite cherché, individuellement ou collectivement, des alternatives de commercialisation. En Ariège, les moyens logistiques, commerciaux et humains de la SCIC Terroirs Ariège Pyrénées ont été mobilisés par les fournisseurs adhérents et d’autres agriculteurs ou artisans non adhérents, afin de fournir la grande et moyenne surface (GMS) sur le département et en limitrophe. Après quatre semaines, ces essais sont considérés peu concluants en termes de débouchés et d’engagement des responsables des GMS. Dans les Hautes-Pyrénées, la SCIC Resto Bio, a essayé de s’organiser pour mettre en place des lieux de vente collectifs là où les municipalités n’ont pas réouvert les marchés. En Ariège, la Chambre d’Agriculture, en partenariat avec les associations professionnelles agricoles du département (CIVAM Bio 09, Confédération Paysanne 09, FDSEA, JA 09, Coordination Rural, Parc Naturel Régional des Pyrénées Ariégeoises et La Maison de ma Région Foix), a mis en place, dans les communes le souhaitant, des « Halles fermières ». Les commandes sont passées sur le site de la Chambre d’Agriculture et livrées via des drives voiture ou piéton. Pour le drive voiture, la commande du consommateur est directement déposée dans le coffre de sa voiture. A Foix, un circuit fléché est suivi pour récupérer les achats sans sortir de la voiture. Les piétons accèdent aux Halles fermières grâce à un circuit particulier qui limite autant que possible les contacts. Selon la conseillère circuits courts de la Chambre d’Agriculture de l’Ariège, la réactivité est variable : « dix-huit producteurs sont mobilisés sur la GMS et plus d’une centaine sur les Halles fermières, et parmi eux une dizaine de fournisseurs la SCIC Terroirs Ariège Pyrénées ». Toujours avec l’objectif de compenser, au moins en partie, l'arrêt des cantines scolaires et des marchés de plein vent, et de proposer une offre alternative pour les producteurs, en Haute-Garonne la plateforme Agrilocal 31 a répertorié les surplus des agriculteurs afin d’essayer de répondre aux besoins spécifiques des communes (comme la livraison à domicile pour les séniors). Dans tous les exemples remontés, les changements ont exigé le développement de nouvelles organisations logistiques et commerciales (groupement de livraison, outils et process de prise de commandes, etc.). Certaines associations comme ERABLES et le CIVAM ont proposé une boîte à outils à destination des communes et des producteurs pour adapter l’organisation des marchés et respecter les règles sanitaires en vigueur. Les plateformes numériques de vente des producteurs aux consommateurs finaux prises d’assaut. Les plateformes numériques de vente des produits locaux des producteurs aux consommateurs finaux, tels les Drives Fermiers « Bienvenue à la Ferme » et les « Ruche qui dit oui ! », ont connu une forte augmentation de leur activité depuis le début du confinement. Le Drive Fermier Toulousain, association d’agriculteurs créée avec le soutien de la Chambre d’Agriculture de la Haute-Garonne, « [Le Drive Fermier] a multiplié par dix son chiffre d’affaires en doublant le panier moyen et en multipliant par 6 voire 8 le nombre de commandes par semaine ». Le Drive Fermier Montauban, était déjà un des drives Bienvenue à la Ferme les plus dynamiques de la région. Avec la crise sanitaire du Covid-19, le collectif d’agriculteurs a vu évoluer le nombre de commandes de ses sept points de distribution de 100 à 500 par semaine et le ticket moyen de 47€ à 90€. Deux plateformes Ruche qui dit oui !, une distribuant les produits locaux au centre-ville de Toulouse et l’autre dans sa banlieue, ont triplé le nombre de commandes. Elles sont passées respectivement de 80 à plus de 200 et de 30 à plus de 100. Les paniers moyens sont également en progression : de 35€ à 50€ pour la première et de 40€ à 60€ pour la seconde. Les consommateurs fidèles ont été rejoints par certains anciens mais aussi par de nouveaux consommateurs à la recherche de produits frais et d’une alternative aux supers et hypermarchés. Des changements dans le mode de distribution des produits ont dû être opérés pour faire face à la massification des commandes et intégrer les gestes barrières. En général, les consommateurs sont compréhensifs et très reconnaissants des efforts des producteurs. Les producteurs sont cependant confrontés aux remarques de certains nouveaux consommateurs, toujours à la recherche de produits calibrés et habitués aux standards de leurs anciens circuits d’achats. Un travail de fourmi qui démontre la capacité d’adaptation des circuits courts collectifs mais aussi le tiraillement des ressources. Pour faire face à la massification des commandes, les circuits courts collectifs ont dû s’adapter d’une semaine à l’autre aux nouveaux besoins en matériel, en ressources humaines ou en espace de distribution. Si, avant le confinement, dans les Drives Fermiers deux ou trois agriculteurs s’occupaient de la préparation des commandes et de la distribution aux consommateurs, plus de dix s’impliquent aujourd’hui pour gérer les 500 commandes du Drive Fermier Montauban. Aux 175m² préexistants pour la préparation des commandes, deux autres locaux ont été nécessaires. Il a fallu trouver en urgence des caisses, des cartons et des poches isothermes pour gérer la chaîne du froid. Pour gérer l’augmentation des volumes, les producteurs ont été incités à simplifier leurs offres : « à la place de proposer trois formats de poireaux, un seul permet de mieux gérer le temps de préparation pour les producteurs et au moment de la distribution ». Certains maraîchers sont passés aux paniers uniques. Après quatre semaines de confinement, la demande reste toujours plus forte que l’offre. Malgré les aménagements, un plafond du nombre de commandes a dû être établi en fonction des capacités logistiques amont et aval. Dans les Ruche qui dit oui ! les produits ne sont plus rassemblés par les consommateurs au moment des distributions. Comme pour les drives piétons, les commandes sont préparées en amont. Seuls les produits frais sont ajoutés à l’arrivée des consommateurs. Le temps de distribution a été augmenté d’une heure et des petits groupes de consommateurs sont positionnés par créneau de 30 minutes. Le premier quart d’heure est réservé aux personnes fragiles mais également très convoité par les femmes enceintes. Le Drive Fermier Toulousain, en plus d’un point de rassemblement et de distribution, a démarré un service de livraison à domicile en partenariat avec l’entreprise Aplicolis. Après les premières semaines, les livraisons ont été étalées sur deux jours. Dans le Drive Fermier Montauban, pour faire face à l’afflux des clients et respecter les gestes barrières, la préparation des commandes et la distribution démarrent le jeudi pour s’étendre jusqu’au vendredi. Les changements dans les processus de préparation et de distribution des produits ont dû être faits dans l’urgence. Ceci n’est pas allé sans stress et quelques tensions entre les producteurs ont vu le jour. Selon les animateurs des circuits courts collectifs, il a fallu trois semaines pour trouver le bon mode de fonctionnement mais les processus restent fragiles et peuvent être bouleversés à tout moment. La surcharge de travail pour les agriculteurs est non négligeable (préparation des commandes à la ferme et remise des paniers aux clients) mais ils ont su faire preuve de beaucoup de réactivité, d’adaptation et de créativité. L’épuisement de certains produits et les doutes sur les semaines à avenir. Le nombre de producteurs par circuit court reste stable. L’augmentation de la demande est en partie compensée par l’arrêt de la restauration collective publique et de certains marchés de plein vent. Quelques ajouts de produits issus des producteurs voisins sont observés mais les producteurs n'ont parfois pas assez de marchandises. Selon le Drive Fermier Toulousain : « il est parfois difficile de suivre entre élevage, transformation et livraison ». Des nombreuses ruptures de stock surviennent et certains produits sont épuisés en seulement quelques heures après l’ouverture des ventes. Un fort engouement est observé autour des fruits et légumes, viandes, œufs, farines et pâtes. L’arrêt prématuré des ventes est nécessaire, un jour voire trois avant la date habituelle de clôture des commandes en ligne. Dans le Drive Fermier Montauban, la demande pourrait atteindre plus de 700 commandes par semaine ce qui est incompatible avec les capacités logistiques. Après quatre semaines de vente intensive, des questions commencent à émerger sur la disponibilité future des produits. Pour le maraîchage, c’est la fin des légumes d’hiver et pas encore l’arrivée des légumes d’été. Les producteurs se sont beaucoup investis pour la vente et certains ont pris du retard dans la production. Pour les viandes, devant la forte demande, certains éleveurs ont dû abattre des animaux de plus en plus maigres (notamment les porcs), et par conséquent devront reconstituer leurs cheptels. Les fromages frais semblent moins profiter de l’augmentation des commandes et souffrent davantage de la fermeture des marchés de plein vent et des artisans-crémiers. Un avenir incertain mais rempli d’espoir. Les plateformes d’approvisionnement aux cantines scolaires ont bien souffert de la perte intempestive d’activité. L’équilibre économique, la trésorerie et le maintien du lien avec les producteurs fournisseurs font partie des interrogations futures. Les essais menés en GMS et les Halles fermières pourraient être valorisés après la crise afin de diversifier les débouchés et de réduire les risques liés à la concentration sur un seul marché. Cependant, des analyses sur les freins et les marges de développement restent à faire. L’équilibre entre le poids de la mise en commun (ressources matérielles, humaines, etc.) et les gains des nouveaux débouchés est à construire pour que ces derniers deviennent pérennes. Les circuits courts de vente aux consommateurs finaux s’interrogent sur la demande après le retour à la normal. Les consommateurs qui se sont tournés vers les circuits courts par peur de se rendre dans les super et hypermarchés et qui cherchent avant tout des produits calibrés, indépendamment de leurs saisons, reviendront très certainement à leurs anciennes habitudes d’achats. L’espoir réside dans la fidélisation des consommateurs qui ont découvert l’achat des produits locaux à travers les circuits courts pendant cette période de confinement. Une partie des consommateurs devrait s’intéresser davantage à la proximité entre lieu de production et de consommation et contribuer de manière active à la reterritorialisation de l’alimentation. L’évolution du nombre de demandes d’ouverture de nouvelles Ruche qui dit oui !, de 32 par semestre à 97 ces quatre dernières semaines, annonce de belles perspectives. Crédits photos : Drive Fermier Toulousain

  • Bulletin de partage 3 - Les Solidarités face la détresse alimentaire des plus pauvres

    Alors que la solidarité alimentaire est devenue une urgence pour les plus pauvres, les actions de solidarité ne cessent de se multiplier et l’on perçoit l’importance de la proximité et de la structuration des partenariats pour le développement de solidarités. La pauvreté, facteur d’aggravation de la détresse alimentaire La détresse alimentaire des plus démunis, des plus pauvres, s’exprime cette quinzaine avec acuité : une confirmation du fait que les inégalités sociales se creusent en période de crise. En France, la presse s’en fait l’écho : “Les quartiers populaires entament leur deuxième mois de confinement à bout de souffle, mais encore soutenus par un faisceau de solidarités inédites, réinventées dans l’urgence” titre Le Monde (18 avril 2020) ; “Il y a urgence, les gens ont faim. Avec le confinement, le nombre de personnes dans le besoin explose dans le 93” scande Le Parisien (17 avril 2020) ; “Les personnes en situation de précarité basculent dans la pauvreté” (Ouest France, 24 avril 2020). Cette précarité parfois préexistante est renforcée par la perte d’emploi occasionnée par la crise. Ainsi, la disparition des petits boulots du fait de la crise renforce les inégalités sociales, notamment entre les étudiants : “Je suis intérimaire et là je n'ai plus de missions, je fais avec le peu que j'ai… 60 à 70% en moins dans le portefeuille”. Parmi les doléances recueillies auprès des étudiants, on peut trouver : « urgent, plus rien à manger »; (AFP agence, 16 avril 2020). A l’étranger, l’injustice alimentaire se fait également criante. En Colombie, elle est révélée par des “chiffons rouges” accrochés aux fenêtres qui expriment l’appel au secours et la protestation de “nombre de Colombiens des quartiers pauvres [qui] souffrent des conséquences immédiates de l’absence de travail : le manque de nourriture” : à Itaguï par exemple, “La majorité des familles ici a faim, ce sont des gens qui vivent au jour le jour, des vendeurs ambulants, des mères de famille qui travaillent comme employées de maison. Certaines de ces familles n’ont pas mangé depuis deux jours et nous essayons tous de nous entraider, mais tous les portefeuilles sont vides” (Courrier international, 18 avril 2020). Au Royaume-Uni, la détresse alimentaire est aussi palpable. The Guardians exhorte le gouvernement à aider les « 1,5 million de personnes [qui] passent toute la journée sans nourriture », causé par à la fois par la crise sanitaire et la politique d’austérité (11 avril 2020). Le même problème explose aux Etats Unis : “Alors que des millions d'Américains ont perdu leur emploi depuis le début de l'épidémie de coronavirus, des populations de plus en plus pauvres peinent à survivre” (Huffingtonpost, 11 avril 2020). Pour tenter de faire face à cette détresse alimentaire, plusieurs types d’actions sont mises en place : En France, l’Etat vient de renforcer son plan d’aide en débloquant 39 millions d’euros supplémentaires au bénéfice de personnes et familles en situation de précarité, notamment alimentaire ( lien, 23 avril 2020). Les communes et intercommunalités sont aussi à la manœuvre. La Métropole Aix-Marseille-Provence met en œuvre “un ensemble de mesures significatives pour venir en aide aux habitants les plus fragiles et les plus exposés à la crise actuelle mobilisant plus de 800 000 euros.” (Communiqué de presse de la Métropole Aix Marseille Provence, 14 avr. 2020) et “La ville de Marseille a décidé de rouvrir sa cuisine centrale pour pouvoir fournir des repas aux plus démunis, touchés de plein fouet par l'épidémie de coronavirus” (5.000 repas par jour) (Figaro Economie, 16 avril.2020). D’autres organismes publics interviennent. Les étudiants en détresse alimentaire et sociale peuvent ainsi bénéficier de certains soutiens institutionnels. Par exemple, à Bordeaux, le CROUS annonce avoir alloué depuis le confinement “70.000 euros d'aides sur évaluation sociale (…) à 500 étudiants, auxquels s'ajoutent 60.000 euros en bons d'achat, en cours de distribution et des portages de colis alimentaires en lien avec la ville de Bordeaux et la Banque alimentaire”. De son côté, l’Université de Bordeaux se serait “également adaptée avec des coups de pouce financiers pour s'alimenter ou “réduire la fracture numérique” et en mobilisant les permanences téléphoniques de suivi médical et psychologique (Espace santé étudiants). (AFP agence, 16 avril 2020). Les ONG y travaillent aussi : « Pour Eux Lille », mouvement de solidarité citoyen qui recrée du lien social avec les personnes qui vivent dehors (SDF ou exilé.e.s.), propose “Quand on cuisine, de préparer un panier repas en plus et de l'inscrire sur sa plateforme bit.ly/CommandesPourEuxLille ; un livreur citoyen viendra le chercher au domicile en vélo et le donnera jour même aux personnes qui en ont besoin” (Facebook du groupe « Pour Eux Lille », 10 avril). D’autres organisations réutilisent les denrées invendues de la restauration et/ou de la grande distribution pour les redistribuer. C’est le cas d’Entraides Citoyennes qui mentionne qu’en ce moment ils ont “plutôt plus de dons que d'habitude” (75018 Paris, 18 avril) ou de l’Association MJF-Jane Pannier, qui accueille des jeunes filles, des femmes seules ou avec enfants, des personnes isolées et des familles en demande d’asile, qui reçoit «”de plus en plus de produits alimentaires par l'intermédiaire de chaînes de solidarité qui se sont fortement développées sur Marseille” (Association MJF-Jane Pannier, Marseille, 14 avril). A l’étranger, des initiatives équivalentes sont développées. Selon Nourish Scotland (Company Limited by Guarantee and Charity Registered in Scotland), les gouvernements du Royaume-Uni et d'Écosse ont versé “d'importantes sommes d'argent” au profit des banques alimentaires et des réseaux collectifs de distribution alimentaire (Nourish Scotland). Aux États-Unis, les banques alimentaires sont assaillies et tentent de répondre : “Jeudi 9 avril, ce sont plus de 10.000 familles des environs qui ont eu recours aux services de l’organisme pour faire face au week-end de Pâques. Un bien triste record dans l’histoire de la banque alimentaire” (Huffingtonpost, 11 avril). Les initiatives en faveur de la justice alimentaire peuvent également être le fait de citoyens. En France, pour les étudiants en détresse alimentaire, le collectif citoyen “Solidarité-Continuité alimentaire Bordeaux” “monté dans l'urgence” a mis en place une cagnotte Leetchi, ce qui a permis d’acheter des denrées alimentaires et sanitaires, de préparer des colis (“À l'intérieur: conserves et gel douche - préalablement nettoyés à la lingette -, féculents, café, papier WC, lessive mais aussi serviettes menstruelles et 5 copies d'autorisation de déplacement, «pour ne pas se mettre en danger». Pas de périssable, «compliqué», ni de gel hydroalcoolique, “trop rare!”), livrés “au pied de l'immeuble, un étudiant à la fois” (AFP agence, 16 avril). A l’étranger, selon Nourish Scotland, les citoyens du Royaume-Uni ne sont pas en reste : en réponse à la détresse alimentaires des populations les plus démunies, “nous avons vu une mobilisation citoyenne impressionnante (…). Des milliers de personnes se sont inscrites pour faire du bénévolat, des voisins interviennent pour se soutenir mutuellement et de généreux dons ont été faits à des organismes de bienfaisance qui s'occupent des personnes les plus vulnérables de notre société” (Nourish Scotland). La proximité, moteur de solidarité La proximité se révèle un véritable moteur de solidarité. L’existence d’une petite communauté, formée autour d’un village, rend parfois plus facile le recensement des difficultés : “en moins d'une semaine, après le confinement, toutes les personnes fragiles ou âgées du village avaient été contactées pour leurs besoins spécifiques. Bienheureusement, tous avaient du soutien de la famille, ou de voisins” (69650 Saint Germain du Mont Dore, 17 avril) ; “Le fait d'être deux, dans ce même petit village, à avoir le même type d'alimentation, et donc les mêmes habitudes pour faire ses courses (magasin bio) surtout quand il s'agit de l'alimentation, m'a soutenu pendant le confinement” (consommatrice 76610 17 avril). Le "voisinage" est ainsi propice à la solidarité. Il permet des échanges et troc de denrées alimentaires, “des oeufs contre du pain de mie maison” (participant à "incroyables comestibles" 35730 17 avril). Certains préfèrent partager, tels ces 4 voisins qui font des “courses partagées une fois par semaine le pain pour tout le monde » et des « commandes en commun aux producteurs régionaux” (habitant 31270 17 avril) ou à des restaurants qui livrent : “ça arrange les producteurs et les consommateurs” (Montpellier, 17 avril). Le quartier est aussi un lieu de développement de solidarité, par exemple pour constituer des achats groupés en circuit court : “depuis maintenant 2 semaines, nous avons mis en place un groupe "WhatsApp" des habitants de la rue pour que chaque habitant puisse proposer des achats groupés en circuit court en solidarité avec les producteurs et en solidarité avec les habitants les plus âgés ou les plus faibles de la rue” (9 avril, Rennes). Enfin, le commerce alimentaire de proximité, parfois maltraité par la concurrence des grandes surfaces, peut reprendre de la vigueur et jouer son rôle de soutien pour la population locale qui redécouvre ses vertus. Est ainsi mentionné le cas d’un petit commerce de proximité spécialisé en primeur fruits et légumes “qui était en grande difficulté financière depuis l’ouverture d’une GMS en centre ville”. Or “aujourd'hui il bosse beaucoup” et dit : “c'est dommage d'en arriver à ça (covid) pour enfin travailler” (consommateur 05100 7 17 avril). Coordination des actions de solidarité : des partenariats historiques mais pas seulement... Forts de leurs habitudes de collaboration d’avant la crise sanitaire, certains réseaux réussissent à proposer de nouvelles actions coordonnées : “grâce à la coordination des (13) associations d'aide alimentaire avec le CCAS et les services de la ville, a été très rapidement mis en place une aide financière aux familles qui bénéficiaient à la cantine, de la gratuité ou du tarif de la tranche la plus basse” (Chargée de mission alimentation Brest Métropole, 14 avril). C’est le cas aussi du réseau Cocagne qui organise, le plus souvent avec des partenaires habituels, la “distributions de paniers solidaires exceptionnels à destination de personnes en situation de précarité, relayées principalement par les CCAS, mais aussi des associations comme RESF, la livraisons de fruits et légumes frais pour les distributions d’aide alimentaire qui en manquaient cruellement, (…) avec les partenaires historiques tels que le Secours Catholique ou le Secours Populaire” (Réseau Cocagne, 17 avril) Plus généralement, à propos des AMAP et des groupements d’achat, il semble que “ces réseaux [déjà] interconnectés, ont une grande capacité de réaction en situations tendues ou de difficultés” (30000 Nîmes, 17 avril). Ces liens antérieurs à la crise n’empêchent pas de nouvelles collaborations et l’élargissement des réseaux de solidarité. Le réseau Cocagne a développé de nouveaux partenariats pour la livraison de fruits et légumes frais “avec les banques alimentaires directement », a réalisé « des appels aux dons de produits non périssables auprès des réseaux d’adhérents pour fournir une antenne Caritas ayant des difficultés d’approvisionnement” et a accéléré “des partenariats avec d’autres producteurs” (Réseau Cocagne, 8 avril). Les AMAP sont aussi le lieu de nouvelles solidarités lorsqu’elles organisent de nouveaux partenariats avec “différents autres producteurs non habituels, qui, compte tenu des circonstances cherchaient des débouchés” (paysan boulanger, éleveur de Camargue, pisciculteur des Cévennes) (30000 Nîmes, 17 avril). De façon plus ponctuelle, on a pu voir des organisations de solidarité spontanée, à l’image de la collaboration de bars et restaurants obligés de fermer, pour mettre en place un marché anti-gaspillage dans l'un des établissements avant fermeture (réseaux sociaux Rennes, 16 mars) ou l’alliance intelligente des forces entre une association, une commune et un particulier à l’occasion de distribution de paniers : la commune a prêté les locaux et assuré la sécurité, les bénévoles de "Voisins de paniers" ont assuré la distribution avec des masques confectionnés et offerts par une couturière (Saint Brieuc, 27 mars). Pour proposer de nouvelles observations cliquez ici. Présentation du Bulletin n°3 Article précédent : Des circuits courts toujours attractifs mais des interrogations pour la suite | Article suivant : Le retour de la politique

  • Bulletin de partage 3 - Le retour de la politique

    Les mangeurs et les acteurs de l’alimentation ont d’abord posé des questions de politique locale, focalisées sur des questions immédiates : où m’approvisionner, comment assurer la sécurité au marché, comment permettre l’alimentation des ménages à bas revenus ? Ils abordent désormais des questions plus larges et englobantes, en exprimant leurs visions de l’avenir. L’accumulation de plateformes d’information et la construction de nouveaux réseaux Nous enregistrons, confirmation de la période précédente, un nombre important de retours qui signalent l’accumulation de plateformes pour que les ménages trouvent des fournisseurs de proximité : ainsi, dans un département d’Occitanie (9 avril) “nous constatons aujourd'hui que sur un même territoire, plusieurs cartographies ou recensement sont proposés, sans aucune mise en relation et coordination”. Elles sont pour la plupart participatives dans la mesure où elles invitent les concernés (producteurs, artisans, transformateurs,...) à se signaler. Certains se réjouissent de la multiplication des sources d’information, d’autres déplorent un gaspillage d’énergie, le manque de lisibilité et la multiplication des tâches pour des producteurs déjà sur-sollicités. Les différents niveaux de collectivités peuvent générer un empilement où, selon les plus petites qui ont été très réactives, les “grosses” tentent de s’imposer à l’existant en faisant valoir leur capacité d’harmonisation et de coordination. Selon le même contributeur “en cette période de crise, les acteurs du monde agricole ont raté l'opportunité de travailler ensemble au service d'un même objectif : soutenir les agriculteurs et aider les consommateurs à consommer local.” Pourtant, selon un habitant de Rhône Alpes (14 avril), la crise a rapproché société civile et collectivités “en quelques semaines nous avons pu observer des initiatives, non soutenues par les collectivités ou institutions, [prendre corps alors qu’elles] piétinaient depuis des mois pour ne pas dire des années.” Pendant ce temps, les rapprochements inédits entre producteurs à l’échelle locale se poursuivent, facilités par les outils de repérage “les producteurs locaux s'associent entre eux pour vendre leurs produits dans différentes fermes. Ils ont tellement de sollicitations qu'ils sont obligés de refuser des clients!” consommatrice d’Auvergne (20 avril). L’expression de visions politiques de la situation et de l’avenir La tendance nouvelle que nous voyons émerger relève du retour du débat politique sur le thème de l’alimentation. Les remontées que nous avions eu jusqu’à présent concernaient principalement 2 thèmes : - La solution de problèmes pratiques par les mairies : lieu de dépôts de paniers à trouver, secours alimentaire pour les familles à bas revenu, organisation sanitaire des marchés,... ; - La question des marchés, marquée par les interactions entre les mairies et l'Etat (central ou déconcentré). Nous notons dorénavant un retour d’actions et de réflexions politiques qui dépassent les considérations pratiques de court terme. Elles émanent de tous types d’acteurs et de tous niveaux géographiques : - en Bretagne, on nous signale le 14 avril que “un collectif [dans une commune] a créé un réseau d'intelligence collective pour permettre de consommer local et bio, s'entraider pour les commandes et réceptions des commandes, réfléchir et débattre de façon collective pour trouver des réponses/propositions face aux problèmes découlant du covid et autre (qui pourraient venir d'une catastrophe climatique)”. A Lyon, une grande diversité d’acteurs locaux a lancé un “appel : Nourrir Lyon, autrement, localement, solidairement” ; - dans le Grand Est, un citoyen a pris l'initiative (le 13 avril) d’interpeller les élus : “j'ai proposé mon aide au maire, président de la métropole pour mettre en place un PAT…”. Ce message met en évidence la recherche progressive d’organisation pour l’après-crise, que l’outil Projet Alimentaire Territorial pourrait faciliter. Ainsi, un message posté sur LinkedIn autour du 12 avril avec la question “est-ce que les territoires qui ont engagé un PAT depuis quelques années sont effectivement plus résilients face à la crise du COVID actuelle ?” continue une semaine plus tard à susciter de nombreuses réactions, que l’on peut résumer par “on pense que oui, mais on n’a pas de preuves, et il serait utile de chercher” ; - à l’échelle nationale, des manifestes, interpellations ou adresses appellent à une réflexion sur l’après-crise, souvent pour proposer une réorganisation en profondeur du système alimentaire fondée sur la proximité. Le magazine “le 1” a publié dans son édition du 18 avril une tribune “assurer la sécurité alimentaire des populations”, cosignée par des experts, des paysans, des militants associatifs, des représentants du monde de la culture, des cuisiniers de renom. Seize membre de l’Académie d’Agriculture ont diffusé le 10 avril l’appel “pandémie du coronavirus et autonomie alimentaire : actualité et nécessité d’une re-territorialisation des systèmes alimentaires”. Les syndicats agricoles, unanimes à défendre l’ouverture des marchés, affichent des positions divergentes sur les conséquences à tirer de la crise. Dans un article intitulé “la pandémie de coronavirus ravive le débat sur l’autonomie alimentaire de la France”, le quotidien Ouest France détaille les divergences : “Bernard Lannes, président de la Coordination rurale [...] dénonce un modèle consistant à exporter des céréales à bas prix dans le monde entier et se dire pour le reste qu'on trouvera toujours de tout dans les marchés mondiaux”, alors que la Confédération Paysanne estime “qu'il y a eu une volonté des grandes filières céréales, lait et viande d’accéder aux marchés mondialisés. On en oublie quelque part la réponse au marché intérieur”. La FNSEA, quant à elle, affirme que “l’agriculture française démontre qu’elle est en capacité de tenir la chaîne alimentaire et satisfaire les besoins des Français [...] Il faut certes [...] relocaliser les filières fruits et légumes tuées par la tyrannie des prix bas, mais ne pas renoncer à exporter des semences, des animaux reproducteurs, du fromage, du vin” ; - à l’échelle internationale IPES-Food (panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables) a publié un communiqué, daté d’avril, “COVID-19 and the crisis in food systems: Symptoms, causes, and potential solutions” (annoncé comme devant être traduit sous peu en français), alors que la FAO diffusait le 9 avril une note sur le rôle des collectivités locales “urban food systems and COVID-19: The role of cities and local governments in responding to the emergency”. Son comité d’experts de haut-niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition explique dans son rapport “impact of COVID-19 on Food Security and Nutrition” que les effets de la crise se feront sentir à long terme. Dans ce contexte de politisation, certains consommateurs estiment que les circuits courts font l’objet de traitements discriminatoires par rapport aux formes classiques de distribution, à l’échelle locale à propos de la non-réouverture d’un marché “c'est un choix politique. C'est une mise à l'écart des circuits courts” (Centre-Val de Loire, 18 avril), ou à l’échelle nationale “la politique nationale semble mieux soutenir les GMS qui confinent autant de monde voire plus qu’en marché plein vent, avec plus de contacts sur les mains (on prend, on repose)” (Occitanie, 10 avril). Les frottements entre niveaux de décision Une question largement débattue sur les réseaux sociaux, alors qu’elle génère peu de remontées sur le formulaire d'enquête, porte sur les relations entre l’Etat et les collectivités, particulièrement les communes, qui ont acquis un rôle de poids (cf. bulletin de partage 2). L’appel par le ministre de l’agriculture à la réouverture des marchés, le 19 avril, sous réserve du respect des mesures sanitaires, a heurté des maires qui s’étaient mobilisés pour garder leur marché ouvert ou le ré-ouvrir. Les collectivités ont pu pointer un manque de cohérence de l’Etat. Dans une conversation téléphonique le 14 avril, une chargée de mission de collectivité met en évidence la différence de traitement entre départements voisins, liée au choix du préfet. Un maire ayant affaire à un préfet “compréhensif” déclare pourtant le 13 avril sur un réseau social “pour une fois qu'un gouvernement laisse un peu de liberté aux maires en accord avec le préfet, je ne vais pas me plaindre. Qui plus est quand cela permet au final un bon équilibre entre l'économie des producteurs en circuit court et la gestion d'une crise sanitaire”. Eléments de contexte juridique : que dit la loi ? Eclairage de Luc Bodiguel, directeur de recherche au CNRS Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat (jurisprudence constante), la liberté des maires doit s’exprimer dans le cadre de la loi: dès lors qu’a été institué un pouvoir de police spécial au bénéfice de l’Etat en raison de la crise sanitaire (loi du 23 mars 2020), le maire ne peut prendre aucune mesure destinée à lutter contre la catastrophe sanitaire au titre de son pouvoir de police générale « à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat ». Hors de cette dérogation rarement admise, il ne peut prendre que des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat. Ainsi, ne pouvant justifier de spécificités locales et l’Etat ayant décidé de ne pas exiger le port de masques, le maire de Sceaux ne pouvait subordonner « les déplacements dans l’espace public de la commune des personnes âgées de plus de soixante-dix ans au port d’un dispositif de protection buccal et nasal » (CE, 17 avril 2020, Commune de Sceaux). Pour proposer de nouvelles observations cliquez ici. Présentation du Bulletin n°3 Article précédent : Les solidarités face à la détresse alimentaire des plus pauvres | Article suivant : Crise et solutions à partager, pour maintenant et pour l'après

  • Bulletin de partage 3 - Les chaînes alimentaires tiennent, avec réajustements et interrogations

    Après plus d’un mois de confinement et de perturbation, la plupart des chaînes alimentaires tiennent bon. Si les pénuries temporaires sur certains produits n’étonnent plus, la hausse des prix alimentaires est un motif d’inquiétude chez les consommateurs. Les difficultés économiques présentes ou à venir se font d’ailleurs de plus en plus sentir, aussi bien chez les producteurs que chez les artisans et commerçants alimentaires. Les circuits continuent malgré tout de se réorganiser, tantôt à la faveur d’initiatives d’entraides, tantôt au contraire en générant des tensions. Après les rayons vides, la question des prix Les remontées concernant les ruptures d’approvisionnement dans les points de vente continuent : Manque de farine dans deux supermarchés. J’ai voulu faire mon pain. Est-ce la même chose pour les autres, qui explique cette pénurie ? Consommateur, Ile-de-France, 9 avril Plus aucun produit acheté sur des MIN n'est disponible (pas de bananes, d'oranges, de tomates, de courgettes, de concombre...), pas de produits boulangers. Consommatrice à propos d’un marché de centre ville, Occitanie, 9 avril Certains rayons sont vides depuis des semaines : farine, levure, les fruits et légumes locaux et français sont devenus rares. Consommatrice, Occitanie, 16 avril Ces pénuries ponctuelles ou chroniques qui s’installent dans le temps participent à la montée des discours sur la vulnérabilité des chaînes logistiques et sur l’autonomie alimentaire de la France (Ouest France, 21 avril). La politisation de la question alimentaire se poursuit en conséquence (voir Le retour de la politique). Suite aux problèmes de volumes, nous commençons à observer quelques retours relatifs à l’évolution des prix : “J'avais personnellement l'espoir que si le marché me permettait d'éviter le plus possible d'aller au supermarché, je l'aurais vraiment privilégié, mais le manque de variété d'offre dans les produits frais (pas le coût, il a augmenté, mais comme partout) [...] m'oblige quand même à braver les allées du supermarché une fois par semaine.” (consommatrice, Occitanie, 9 avril) “L'épicerie bio dans laquelle je me rends environ une fois par semaine dans le centre de Rennes a vu dernièrement ses prix augmenter. Les propriétaires, dont les produits sont bio, éthiques et souvent locaux, avouent rencontrer de plus en plus de difficultés pour s'approvisionner en quantité aux prix habituels. Ils s'inquiètent notamment d'une baisse des capacités d'approvisionnement des fournisseurs en France mais indiquent aussi que la situation pour les produits provenant d'Espagne par exemple (notamment des fruits) est d'autant plus critique.” (consommatrice, Bretagne, 17 avril) Cette tendance à l’augmentation des prix sur certains produits alimentaires devrait se poursuivre selon les industriels de l’agroalimentaire qui affirment voir leurs coûts de production augmenter de 3 à 16% et leur chiffre d’affaires diminuer, parfois très fortement (Baromètre de l’ANIA, 17 avril). L’augmentation des prix en rayons contraste avec les difficultés économiques rencontrées par de nombreux agriculteurs dont les productions se vendent à prix bas (voir la rubrique 6 sur la situation des agriculteurs). Difficultés et réactions des artisans et intermédiaires locaux Plusieurs retours ou articles de presse apportent un éclairage sur la situation difficile dans laquelle se trouvent nombre d’artisans commerçants de produits alimentaires : “De nombreuses épiceries de proximité de la ville ont fermé. Par mesure de précaution, le petit supermarché Sitis, une épicerie qui écoulait des produits frais à bas prix a subi une fermeture de la préfecture pour hygiène.” (consommateur, Ile-de-France, 11 avril) “Ils ont entre 50 et 80% de pertes chaque jour. On estime que 20% d'entre eux sont en très grande difficulté. Ils risquent de mettre la clé sous la porte." (le président de la fédération des boulangers du Cantal, à propos des artisans boulangers, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, 15 avril) Les livraisons et les plateformes numériques de commande se multiplient pour maintenir les débouchés tandis que d’autres types de ventes génératrices de revenus voient le jour : “Jusqu’à présent la boulangerie ne vendait ni farine ni levure, désormais face à la demande elle affiche sur une ardoise bien visible à l’entrée qu’elle vend de la farine (3€/kg) et de la levure (1€ les 50g).” (consommateur, Ile-de-France, 11 avril) “Mise en place d'un site web en une semaine par l'équipe Cacao Barry pour apporter du soutien aux chocolatiers et pâtissiers juste avant les fêtes de Pâques. [...] Les artisans se connectent à cette plateforme en ligne et peuvent renseigner les informations concernant leur boutique ainsi que les services qu'ils ont mis en place dans le cadre du confinement : livraison à domicile, carte cadeau, à emporter, etc.” (consommatrice, Ile-de-France, 17 avril) “Les principaux commerçants du marché (fromager, maraîcher bio, primeur, boulanger) ont proposé de faire de la livraison à domicile (minimum de commande). Affiche placardée dans la commune.” (consommateur, Ile-de-France, 18 avril) La crise est pour certains l’occasion de rappeler l’importance sociale de ces commerces de proximité : “Nous nous sommes posés la question (pas très longtemps) si nous restions ouverts mais il allait de soi que l'épicerie était "utile" à maintenir. C'est typiquement ce genre de lieux qui sont pour nous indispensables en temps de crise comme celle là. Pour plusieurs raisons : 1/ En tant "qu'indicateur de santé mentale" du village : depuis 9 mois, nous avons développé une relation de confiance et d'interconnaissance avec les habitants et dans ce contexte anxiogène, ils aiment à venir chez nous pour faire leurs courses tranquillement, avoir quelqu’un à l'écoute, pouvoir se confier si besoin, croiser d'autres habitants et prendre des nouvelles, rester dans la vie active du village.” (commerçant à propos d’une épicerie récemment ouverte dans un village de 500 habitants, Bretagne, 18 avril) Réorganisation des filières entre coopération et tensions La relocalisation des filières d’approvisionnement et de distribution se poursuit et favorise de nouveaux partenariats entre commerces et producteurs : “La Biocoop a fait un partenariat avec un producteur de plants local afin que les consommateurs puissent acheter leurs plants directement en même temps que leurs courses. Au menu : plusieurs variétés de tomates, des fraises et des plantes aromatiques.” (consommateur, PACA, 14 avril) “Je connais une dame qui travaille dans ce magasin, je lui ai parlé de ma difficulté à écouler mes oeufs comme les marchés sont fermés, elle en a discuté avec son chef et le magasin a choisi de travailler avec moi. Je leur vends mes oeufs au même prix que celui que je pratique en vente directe.” (une agricultrice, France 3 Nouvelle Aquitaine, 17 avril) Toutefois, certaines filières sont marquées par des difficultés croissantes chez les producteurs, parfois en conflit avec les industriels en aval. C’est le cas pour la filière viande bovine, où les éleveurs menacent de ne plus envoyer leurs bêtes aux abattoirs face à la diminution des prix d’achat alors que les ventes en grandes surfaces restent bonnes (Ouest France, 21 avril). La filière lait est toujours confrontée à une surproduction. Les labels de qualité et les petites laiteries sont les premières à souffrir de la crise (Réussir, 20 avril), tandis que certaines marques de grande consommation voient leurs ventes progresser (La France Agricole, 21 avril). Les entreprises de l’agroalimentaire parviennent à contenir les problèmes liés au manque de personnel ou à l’absence de masques de protection, mais les commandes ont continué à diminuer ces deux dernières semaines et un tiers rencontre toujours des difficultés pour s’approvisionner en emballages ou en matières premières agricoles (Baromètre de l’ANIA, 17 avril). La question des emballages est également mise en lumière du fait de l’usage important du plastique en cette période pour conditionner les produits. Les représentants de la filière en Europe et aux Etats-Unis ont d’ailleurs cherché à faire valoir auprès des décideurs les qualités hygiéniques du plastique et à faire retirer certaines mesures antérieures visant à en réduire l’usage (Le Monde, 12 avril). Enfin, les stratégies déployées par certains acteurs de la distribution pour écouler leurs produits ne sont pas toujours bien accueillies. La mise en place d’une plateforme de livraison aux particuliers par Rungis a par exemple suscité la colère des autres grossistes et commerçants, redoutant une concurrence déloyale (Réussir, 7 avril). Pour proposer de nouvelles observations cliquez ici. Présentation du Bulletin n°3 Article précédent : Dans les foyers la lassitude commence à se manifester | Article suivant : Des agriculteurs sous tension

  • Bulletin de partage 3 - Des circuits courts toujours attractifs mais des interrogation pour la suite

    Les circuits courts de proximité restent très plébiscités et les modes de distribution se stabilisent après une période très incertaine notamment autour des marchés. Les producteurs s’interrogent à présent : pourront-ils continuer de répondre à cette demande élevée ? Celle-ci se maintiendra-t-elle ? Une demande élevée qui se prolonge face à une production qui atteint ses limites La demande élevée de produits en circuits courts se maintient sur cette nouvelle période avec des ventes largement supérieures à la moyenne dans la plupart des circuits de distribution (magasins de producteurs, vente à la ferme, drive fermier…) (voir bulletin 1 et bulletin 2) : - “La fréquentation de notre site bonplanbio.fr, référençant les points de vente de produits bio près de chez vous, a été multipliée par 5 au mois de mars.” (association de développement de l’AB, Bretagne, 17 avril) - “Pour les légumes les commandes [de l’AMAP] sont passées de 37 à 62 paniers!” (client d’AMAP, Bretagne, 19 avril) - “Nous vendons actuellement entre 190 et 200 paniers au lieu de 120 habituellement !” (salariée d’un système de vente de paniers, Bretagne, 16 avril) - “[Le Drive Fermier] a multiplié par dix son chiffre d’affaires en doublant le panier moyen et multipliant par 6 voire 8 le nombre de commandes par semaine” (Eclairage de Mélise Bourroullec, Occitanie, 23 avril) Ce maintien d’un niveau de vente élevé questionne de plus en plus les producteurs des circuits courts sur leur capacité à répondre à cette demande, d’autant que la période est habituellement “creuse” pour les maraîchers (période de “creux du maraîcher”, voir la rubrique “des agriculteurs sous tension”). De plus en plus de systèmes de vente directe sont ainsi contraints de limiter les ventes soit car ils arrivent au maximum de leur capacité (organisationnelle ou de réserve de produits) soit pour anticiper les ventes futures et s’assurer de préserver un stock minimal : - “Le Locavor d’Ecuelles enregistre habituellement une trentaine de commandes pour la livraison hebdomadaire d’Avon. Les commandes sont en forte hausse depuis 2 semaines. Le 11/04 la vente en cours pour la semaine suivante a été stoppée prématurément car elle enregistrait déjà 150 commandes, soit la limite de capacité de préparation du Locavor.” (consommateur, Ile de France, 11 avril) - “Nous avons dû limiter le nombre de paniers à 200 car nous n’avons pas assez de bénévoles pour en proposer plus. Depuis le début du confinement, nous avons dû ouvrir une liste d’attente car nous ne pouvons pas répondre à toutes les demandes !” (salariée d’un système de vente de paniers, Bretagne, 16 avril) - “Pour certains produits, l’approvisionnement est limité (légumes, farine, oeuf). Les clients commandent beaucoup plus tôt donc certains produits se trouvent en rupture très vite. Depuis le début de la crise, les ventes ont triplé, passant de 130 paniers par semaine à entre 300 et 400. Nous avons des demandes jusqu’à Rennes ! Dans ce cas, nous réorientons les clients vers des structures plus proches de chez eux. ” (salariée système de vente de paniers en ligne, Ploërmel, 16 avril) Des producteurs et des acheteurs qui trouvent leurs marques malgré les incertitudes concernant la décision publique. La question de l’ouverture des marchés, lieu crucial de commercialisation pour les circuits courts, reste problématique (déjà souligné dans le bulletin n°2). Après l’interdiction des marchés de plein vent par le gouvernement le 23/03, Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, a appelé les maires et les préfets à favoriser leur réouverture le 10/04 (France TV Info, 12 avril). A cette date, seuls 3 000 marchés étaient ouverts contre 10 700 habituellement (France TV Info, 12 avril). Ce point mentionné dans « Des tendances qui se confirment en matière d’approvisionnement et d’implication » et « Des agriculteurs sous tension » est particulièrement impactant pour les circuits courts. Nous avons ainsi reçu des témoignages contrastés selon le positionnement politique à ce sujet, parfois conciliant, parfois inflexible : - “Le collectif Agricole et les commerçants sont intervenus aussitôt l'annonce de la suppression des marchés pour que le maire fasse une dérogation, ce qui a été fait. Le marché n'a pas été supprimé et le préfet a signé la dérogation.” - “Autour des halles à Tours se tient un marché de plein vent où viennent en particulier des petits producteurs. Depuis le confinement la préfecture a supprimé ce marché. On n'a donc plus accès aux petits producteurs locaux. Il faut aller dans les halles où vendent des négociants ou alors dans les supermarchés. Il eût été facile d'organiser le marché de manière à ce qu'il respecte les règles de distanciation. Il y a la place. C'est un choix politique. C'est une mise à l'écart des circuits courts. Il est plus difficile d'obtenir les légumes de saison (asperges, fraises).” (consommateur, Centre Val de Loire, 18 avril) - “Depuis le confinement je complète mes achats sur le marché (à condition que des producteurs bio y soient présents- je regarde sur le site de la mairie quels commerçants viennent car ils ne sont plus que 15 au lieu de 60 auparavant) afin de soutenir les petits producteurs bio locaux. Mais la ville n’a autorisé l’ouverture des marchés que bien tardivement et suite à des pressions.” (consommateur, Bretagne, 19 avril) Malgré tout, après plusieurs semaines de confinement et d’organisation chamboulées, de plus en plus de producteurs et d’acheteurs semblent trouver leurs marques et stabiliser leur organisation, mise en place dans l’urgence (voir la reconfiguration réactive des circuits de proximité) : - “Après une certaine angoisse chez les producteurs maraîchers et surtout élevage de moutons pour viande d'agneau, chaque producteur a pour l'instant trouvé ses marques” (membre d’une association agricole, Bretagne, 10 avril) - “A partir du 1er avril 2020, des producteurs du marché ont commencé à s’organiser pour mettre en place un service de livraison à domicile. Commande par texto et livraison de la commande un jour donné en fonction du lieu. Paiement par chèque sans contact direct avec le producteur.” (Consommateur, Provence Alpes Côtes d’Azur, déposé le 19 avril) - “cette AMAP a introduit des contrats d’1 mois en complément des contrats de 6 mois prévus habituellement.” (client d’AMAP, Bretagne, 19 avril) - “Des fermes du coin mettent en place des livraisons de paniers commandés au préalable, on peut aussi aller acheter à la ferme du village directement.” (consommateur, Bretagne, 10 avril) - “Les distributions se font désormais avec les mêmes bénévoles selon les précautions d’usage et toujours dehors grâce à la météo clémente. Les Amapiens prennent les paniers des voisins pour éviter des déplacements. Un tableau d’horaires est envoyé pour que 3 personnes maxi s’inscrivent à l’avance sur un créneau.” (membre d’une AMAP, Bretagne, 19 avril) - “les producteurs "mas des canotiers" d'habitude au marché des arceaux font un "drive paysan" hyper bien organisé au bout de notre rue depuis le 1er avril” (consommateur, Montpellier, 16 avril) - “Le marché du samedi matin institutionnel sur Morlaix où l'on trouve énormément de producteurs locaux et bio (viande, pain, yaourts, fromage, légumes, poissons... (au moins 50 vendeurs différents) a été mis en veille durant 2 semaines pour cause de confinement. De nombreuses questions se sont posées pour les nombreux habitués du marché : comment continuer à manger local ? comment continuer à acheter les produits de nos producteurs? comment et où vont-ils vendre leurs produits? Samedi dernier 4 avril, une dérogation avait été demandée pour remettre en place ce marché du samedi. Mais malheureusement, nous nous sommes trouvés très nombreux dans une file d'attente interminable pour seulement 10 producteurs présents (choisis parmi les anciens et adhérents à la MSA (pourquoi?)).” (consommateur, Bretagne, 4 avril) Nous notons derrière cette stabilisation un point de vigilance : la question du coût de ces nouvelles organisations est très peu abordée et repose souvent sur les producteurs ou les bénévoles. Ainsi, plusieurs producteurs proposent désormais la livraison de leurs produits et le coût n’est généralement pas répercuté sur les prix. De même, les achats de masques, gel et gants représentent, à la longue, un coût non négligeable. Par ailleurs, plusieurs personnes impliquées dans des circuits courts bretons ont évoqué dans un entretien avec une animatrice de la FR CIVAM Bretagne le surcoût lié à l’arrêt des consignes sur tout ou partie des emballages, un point sur lequel peu d’informations claires ont été diffusées par le gouvernement : - “Nous avons arrêté le retour des emballages ce qui nous coûte notamment pour les bouteilles de lait et limite également nos ventes car nous n’avons plus assez de bouteilles” (Système de paniers, Bretagne, 22 avril) - “Nous avons décidé de ne pas reprendre les consignes au magasin pendant 1 mois, les clients sont compréhensifs et les producteurs ont confiance dans le fait qu’ils ramènent les consignes quand la crise sera terminée” (Magasin de producteurs, Bretagne, 22 avril) - “Nos producteurs doivent utiliser des emballages neufs alors qu’habituellement ils fonctionnent en vrac ou avec de la consigne. Au delà du coût que l’achat de nouveaux emballages représente, et qui devient non négligeable, cela n’est pas en accord avec les valeurs de la structure qui défend le zéro déchet. Nous nous demandons sous quelles conditions nous pouvons reprendre les emballages ?” (Système de paniers, Bretagne, 16 avril) A cela s’ajoute le coût humain (temps, énergie) de la mise en place de ces nouvelles organisations qui demandent souvent plus d’échanges dans les collectifs de producteurs et des temps de présence allongés pour les bénévoles : - “L’implication demandée aux bénévoles est plus importante, ils doivent à présent préparer les paniers alors qu’avant chacun se servait, et il y a de plus en plus de paniers. Vont-ils tenir dans la durée ?” (Système de paniers, Bretagne, 16 avril) Ces différents surcoûts, à l’image des livraisons, ne sont généralement pas répercutés aux consommateurs, selon les témoignages reçus. Une animatrice d’un groupe de vente directe en Bretagne explique que “les producteurs sont conscients de leur rôle essentiel et ne souhaitent pas faire augmenter leurs prix dans cette situation de crise” : l’occasion de s’interroger sur les prix pratiqués dans les différents circuits de commercialisation (voir : Les chaînes alimentaires tiennent, avec réajustements et interrogations). Les producteurs s’interrogent néanmoins, “est-ce que les gens seront reconnaissants de l’effort que nous avons fait ?” questionne Mme Bousquet (agricultrice qui est passée de 140 à 230 volailles tuées par semaine pour répondre à la demande) dans un article du Monde. “Ce questionnement taraude tous les agriculteurs qui se sont démenés pour produire et trouver, dans l’urgence, de nouveaux modes de commercialisation.” (Le Monde, 20 avril). Un enjeu de communication auprès des nouveaux clients des circuits courts Alors que les circuits courts de proximité attirent plus que jamais, les clients habituels et les producteurs s’interrogent. Les nouveaux clients comprennent-ils les valeurs portées par les acteurs des circuits courts de proximité ? Se rendent-ils comptent des efforts et adaptation mises en place par les producteurs et les bénévoles ? Continueront-ils de venir après la crise ? - “Entre début avril et le 15 avril, entre 2 et 6 appels journaliers de nouveaux clients dont nous n'avions jamais entendu parler avant la "crise" du COVID-19. (...) Nous avons noté que ces nouvelles personnes, clients potentiels de la ferme, ne devaient pas être au fait des saisons et des légumes qui viennent avec. De même, ce profil de personnes, habitant Plomelin, ne nous connaissaient pas avant la crise, malgré notre communication via la presse/télé/site internet/répertoire Mangeons Local et bon plan bio. On peut penser qu'avant le COVID-19, ces personnes ne consultaient pas les plateformes répertoriant les productions locales et que notre absence des réseaux sociaux ne nous avait pas permis d'entrer dans leurs cercle d'information.” (maraîcher, Bretagne, 16 avril) - “A 11h, il n'y a plus rien, [les producteurs] sont ravis de repartir "à vide" [du marché], et espèrent très fort qu'à la fin du confinement les gens poursuivrons leurs achats ici en production locale et de saison. Des producteurs locaux dévalisés...enfin une bonne nouvelle !! “ (consommateur, Nouvelle Aquitaine, 10 avril) - “De nouveaux acheteurs du voisinage surpris par la qualité et le prix abordable des articles.” (agricultrice magasin de produits locaux, Occitanie, 13 avril) Il est donc crucial d’expliquer les modes de fonctionnement aux clients dès aujourd’hui et également au moment de la sortie de la crise, comme l’a souligné l’animatrice d’un groupe de vente directe breton. “Pour l’après-crise, nous voudrions montrer aux médias et aux clients la différence entre magasin de producteurs et d’autres modes de fonctionnement comme La Ruche qui dit oui!” (16 avril). Les prochaines semaines semblent décisives pour que les acteurs des circuits courts parviennent à fidéliser cette nouvelle clientèle et à lui transmettre les valeurs souvent associées à ces circuits alors que beaucoup s’interrogent sur les comportements des consommateurs après le déconfinement et tentent d’élaborer des scénarios (Vosges Matin, 23 avril). Pour proposer de nouvelles observations cliquez ici. Présentation du Bulletin n°3 Article précédent : Des agriculteurs sous tension | Article suivant : Les solidarités face à la détresse alimentaire des plus pauvres

  • Bulletin de partage 3 - Des tendances qui se confirment en matière d'approvisionnement

    Supermarchés ou achats près de chez soi pour les uns, circuits courts pour d’autres, qui n’avaient pas forcément l’habitude de s’y approvisionner. La fermeture ou la réorganisation des marchés, toutefois, oblige à s’adapter et motive de plus en plus de consommateurs à s’impliquer pour faciliter la mise en place d’autres circuits courts. Deux grandes tendances en matière d’approvisionnement A l’image de ce qui s’observe plus largement, les consommateurs intègrent les exigences de prévention sanitaire dans leurs pratiques d’approvisionnement. Ce qui avait été observé dans les semaines précédentes se confirme : pour tous ou presque, tout d’abord, limiter les risques d’être contaminé, c’est limiter les déplacements pour faire ses courses, “passer moins de temps dans les magasins” (couple habitant à la campagne, 9 avril). La première grande tendance, c’est alors d’acheter tout et beaucoup à la fois en supermarché, si possible en version drive ou dans la moyenne surface située la plus près de chez soi. Comme le montre l’Institut Nielsen, spécialisé dans l’étude de la distribution, les hypermarchés sont délaissés au profit des commerces de détail plus petits et plus près des habitations. Les consommateurs y achètent “des produits qui se conservent (conserves, surgelés)”, “l'indispensable, des pâtes et du ketchup, le reste ça dépend” (élèves de terminale, interrogés par leur enseignante sur les achats au sein de leur foyer, 9 avril). Dans les rayons de ces magasins, témoigne un des répondants, “se succèdent des présentoirs remplis (droguerie) même le papier toilette, d'autres clairsemés (pâtes, conserves, produits secs, beurre) et d'autres vides (farine) ou presque. Les derniers paquets de farine de marque 1er prix sont toujours sur palette et ils sont emportés par 3 ou 4 paquets par personne… aussi je me surprends à en prendre un...je perds un peu mon sang froid... Je pense qu'en temps "ordinaire" peu de gens achète la farine par 3 à 4 kg à la fois et personnellement je n'avais jamais acheté de farine 1er prix” (consommateur à Rennes, 7 avril); “c'était un peu la folie dans le carrefour Market de la ville, des rayons dévalisés, une tension était palpable dans le magasin” (consommateur Ile-et-Vilaine, 10 avril); “[il] règne une atmosphère étrange dans le centre commercial” (consommateur de Rennes). Ce vécu contribue à expliquer le succès du drive mais amène aussi certains consommateurs à préférer les livraisons à domicile quand elles sont proposées par des commerçants de leur quartier, ou bien à se tourner vers des magasins bio, “moins engorgés”, (consommateur, Paris, 18 avril) où “le climat est beaucoup plus apaisant. Les gens font des courses “normales”, avec peut-être des quantités augmentées histoire de ne pas venir tous les 3 jours. Un respect des mesures et une bienveillance se ressent” (consommatrice, Ile-et-Vilaine, 10 avril). Les produits basiques, toutefois, y sont plus chers, rappelle un répondant. De plus, la tension, le sentiment de gêne peuvent aussi être ressentis dans ces magasins qui deviennent alors plus fréquentés : “Hier je vais faire mes courses [dans un magasin bio] et là une queue interminable (mon horaire n'a pas changé depuis les semaine précédentes), les gens s'agglutinent, beaucoup portent des masques et des gants, mais ne respectent pas les règles de distance... Les sourires sont rares, certains rayons sont vides... Le personnel semble fatigué et usé. Je ressens une ambiance lourde. Quand je rentre, je me sens mal, fatiguée “ (consommatrice de l’Hérault, 16 avril). La seconde tendance est de se tourner vers les circuits courts, dans lesquels beaucoup de répondants achetaient déjà, au moins un peu ou de temps en temps, mais la crise les amène à y acheter davantage: “circuits courts privilégiés, produits bio en priorité [...] Ces habitudes étaient déjà présentes avant le confinement mais ont cependant augmenté“ (consommateur, département Puy-de-Dôme). L’engouement va au-delà des consommateurs qui utilisaient déjà ces circuits, “pour recréer du lien avec les producteur près de chez soi, que ce soit par solidarité avec eux ou par peur de se rendre en supermarché” (salariée d’une association bio, Finistère); “Acheter local n'était la préoccupation que d'une partie de nos adhérents déjà sensibilisés (famille 0 déchets...) mais le confinement a permis à beaucoup de réfléchir et d'avoir envie de produits à proximité pour être sûr d'en avoir…, pour rémunérer les paysans proches de chez eux qui ne peuvent plus vendre sur les marchés…” (animateur d’une association environnementaliste, Finistère, 27 mars). Lors de ces achats, “de nouveaux acheteurs du voisinage [sont] surpris par la qualité et le prix abordable des articles” (productrice d’une boutique de producteurs, Aveyron, 13 avril). Ce n’est pas toujours facile, toutefois, d’acheter dans ces circuits : “Je souhaitais rejoindre une AMAP il y a quelques temps mais les deux présentes dans la ville sont déjà complètes malheureusement. Depuis le confinement, je tente désespérément de me fournir auprès de producteurs locaux mais il y a trop de demandes et beaucoup d'initiatives mais peu à proximité de mon domicile.” La fermeture des marchés a compliqué les achats auprès de producteurs locaux mais elle a aussi suscité la mise en place de nouveaux circuits, dont certains avec l’appui de consommateurs. Une fermeture des marchés qui révèle leur importance et encourage l’implication L’achat en circuits courts s’est nettement compliqué avec la fermeture des marchés, qui a fortement perturbé leurs habitués. A Morlaix, par exemple, “le marché a été mis en veille durant 2 semaines pour cause de confinement. De nombreuses questions se sont posées pour les nombreux habitués du marché : comment continuer à manger local? comment continuer à acheter les produits de nos producteurs? comment et où vont ils vendre leurs produits?” (consommateur, 4 avril). Certains marchés ont été maintenus mais moyennant une réorganisation dans le cas des gros marchés et/ou des grandes villes : les marchés ouverts ont souvent été réduits à quelques étals de producteurs. Ceux-ci ont une offre “moins diversifiée”, surtout pendant cette période charnière entre deux saisons, si bien qu’il est plus difficile de s’y approvisionner : “nous nous sommes trouvés très nombreux dans une file d'attente interminable pour seulement 10 producteurs présents. J'ai donc comme beaucoup renoncé à y aller” (consommatrice de Morlaix, 4 avril). Les répondants déclarent par contre que les consignes sanitaires y sont bien respectées et certains décrivent même minutieusement la façon dont la sécurité du lieu est assurée, en général avec l’appui de la mairie. Seulement un témoin évoque le fait que peu de personnes portent des masques et l’inquiétude que génère chez lui le fait que les exposants manipulent de l’argent. Si la fermeture ou la réorganisation des marchés a un impact particulier, c’est aussi parce que, comme le souligne un répondant, le marché est un lieu important pour permettre à tous d’accéder à des produits frais à des prix intéressants : ’’en temps normal, venir sur ce marché permet de se ravitailler sur tous les produits frais et périssables. En temps normal, on peut donc aller au supermarché seulement pour l'hygiène et les produits d'entretien et se nourrir, même à prix réduits en concentrant ses achats de fruits et légumes chez les marchands les moins chers. Or, dans cette nouvelle configuration, ce ne sont pas les étals les plus variés et les moins chers qui sont présents, mais les plus "locaux", avec des prix assez élevés et une belle qualité de produit. Ce marché de centre ville très fréquenté normalement par des retraités et des personnes à faibles revenus exclut une partie de ses consommateurs habituels” (consommateur des environs de Toulouse, 9 avril). Suite à la fermeture ou à la réorganisation des marchés, les consommateurs s’adaptent, changent de circuit, tout en essayant de conserver leurs critères d’achat : “Notre alimentation est en grande partie composée par des achats au marché auprès de producteurs. Il est à mon sens dommage que cet accès ait été interrompu. Nous complétons par une épicerie coopérative qui est devenue notre principale source d’approvisionnement. Des super initiatives des coopérateurs ont permis de mettre en place des distributions de produits de producteurs qui ne pouvaient plus écouler leur stocks (fromagers, maraîchers, volailles) et qui ont aussi augmenté les commandes de produits frais d’un distributeur de Rungis” (couple banlieue parisienne, 11 avril). Dans certains territoires, en effet, les consommateurs bénéficient de solutions mises en place par des producteurs, des revendeurs, des associations ou des collectivités (livraisons à domicile, installation d’un distributeur automatique, publication d’une liste de contacts sur le site de la ville…). Là encore, les répondants mettent en avant le respect des consignes sanitaires, appuyé sur une nouvelle organisation que certains décrivent précisément (créneau horaire pour chaque client, prix ronds pour éviter de rendre la monnaie…). Le développement de ces solutions pratiques et de proximité amène certains à déclarer que “cette crise nous aidera donc à consommer encore plus local” (consommateur de la banlieue parisienne, 19 avril). Des consommateurs, toutefois, déplorent “un manque cruel d’informations pour retrouver nos habitudes de marché” (couple au Havre, 16 avril) et regrettent que “la diminution des lieux d’accès à de l’alimentation rend de plus en plus incontournables les gros acteurs comme le Carrefour et le leader price” (consommateur de la banlieue parisienne, 11 avril). Confirmant ce qui était mentionné dans le bulletin n°2, un nombre croissant de consommateurs s’impliquent pour aider des producteurs à commercialiser leurs produits. C’est, comme dans la période précédente, le cas de membres d’Amap, qui proposent à d’autres producteurs de livrer des produits au moment de la distribution de leur Amap. Cela devient aussi, dans cette nouvelle période, le cas de consommateurs habitués à acheter au marché. A Rennes, par exemple, un des principaux marchés est maintenu mais avec la moitié des étals, ce qui génère des temps d’attente importants et ne suffit pas à couvrir la demande. Un couple de consommateurs de Rennes aide alors un maraîcher, auprès duquel ils s’approvisionnent d’habitude sur ce marché, à vendre directement ses produits dans leur réseau. Par sms, ils invitent leurs amis, leurs voisins à lui commander des produits mais aussi à comprendre ce que vit ce dernier : "Bonjour chères amies, chers amis, notre maraîcher, se lance dans la livraison de ses super légumes et fruits de saisons bio et locaux, ne soyez pas trop durs avec lui, s'il y a des cafouillages, c'est une grande première à si grande échelle, voici sa liste de légumes, son numéro, envoyez lui un sms avec votre adresse et il vous livrera” [...] A date du 15 avril, nous sommes 6 appartements à commander des légumes et des fruits chez lui et deux ami.e.s rennais.e.s. Chaque semaine, nous envoyons un petit sms, pour informer nos voisin.e.s et ami.e.s lorsque nous lui faisons des commandes pour lui éviter des A/R” (Rennes, 15 avril). L’implication des uns entraîne l’implication des autres, les témoignages confirment la multiplication de groupements d’achat qui se créent entre voisins : on se partage les commandes, les trajets pour faire des courses. Même ceux qui ne le font pas évoquent l'idée d’être solidaire vis-à-vis des producteurs mais aussi de s’organiser à plusieurs : “nous voulions trouver une solution pour les producteurs du marché et le quotidien faisant n'avons pas eu la force de créer de groupement d’achat ou tout simplement de les appeler....” (couple au Havre, 18 avril). Pour les adeptes du supermarché comme pour ceux des circuits courts, les commerces de proximité sont des compléments utiles. Les clients des supermarchés semblent plutôt se tourner vers les commerces qui livrent à domicile. Les clients des marchés reportent leurs achats vers les primeurs, les commerces de bouche ou bien privilégient les magasins bio, confirmant des liens déjà mis en avant dans des études sur la consommation en circuits courts ou de produits bio. Enfin, quand on peut, on cueille ce qu’il y a autour de chez soi, on sème pour produire soi-même : “Apparition de 30 M2 de jardin en trois parties, là où il n'y avait que sable et mauvaises herbes. 2 parcelles de 12m2 et une de 6m2” (habitant du département de la Charente-Maritime, 13 avril). Pour proposer de nouvelles observations cliquez ici. Présentation du Bulletin n°3 Article précédent : Dans les foyers la lassitude commence à se manifester | Article suivant : Les chaînes alimentaires tiennent avec réajustements et interrogations

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