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  • Offre d’emploi au Réseau Action Climat

    Chargé·e de mission « consommation et politiques alimentaires » (CDI) - Réseau Action Climat Retrouver cette offre d'emploi directement sur le site de Réseau Action Climat Date limite de candidature : lundi 5 octobre. Structure : Le Réseau Action Climat est une association créée en 1996 spécialisée sur les changements climatiques. Il est le représentant français du Climate Action Network International, réseau mondial de plus de 1300 organisations non gouvernementales, et du Climate Action Network Europe, réseau européen représentant 160 associations membres. Le Réseau Action Climat fédère 22 associations nationales et 10 associations locales et régionales de protection de l’environnement, de promotion de la transition énergétique et des transports soutenables et de solidarité internationale. Missions du poste : L’agriculture et l’alimentation sont parmi les postes les plus émetteurs de gaz à effet de serre en France. C’est à la fois étroitement lié au modèle de production et d’élevage mais aussi à la demande alimentaire : consommation de produits animaux, transformés, gaspillage alimentaire, etc. Le premier des leviers pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre de l’alimentation des Français est la réduction de la consommation de produits animaux, prioritairement ceux issus des modes d’élevage industriel. Cela passera à la fois par une évolution de la demande du grand public et par la mise en place de politiques publiques pour accompagner cette évolution. Le ou la chargé·e de mission aura en charge de promouvoir une alimentation saine et durable accessible à tous, et en particulier d’identifier et de promouvoir les politiques publiques nécessaires pour y arriver et d’identifier de nouveaux canaux pour communiquer vers le grand public. En coordination avec la responsable agriculture et alimentation, le ou la chargé·e de mission aura notamment pour mission de : Coordonner les associations membres du réseau sur la stratégie, le plaidoyer et la communication sur les sujets liant alimentation et climat et plus spécifiquement sur la consommation de produits animaux. Coordonner la production d’études, de statistiques et la formulation de recommandations de politiques publiques. Formuler des messages et communiquer avec les médias. Initier de nouvelles formes de communication visant le grand public. Développer et mettre en œuvre des alliances et des partenariats. Assurer un lien avec les acteurs européens sur la thématique de l’alimentation saine et durable. Suivre, analyser et porter nos positions et recommandations en matière de politiques publiques lors des opportunités politiques identifiées : loi “convention citoyenne pour le climat”, plan de relance pour la France, etc. Accompagner des acteurs locaux et collectivités dans la mise en place de politiques “alimentation et climat”, capitaliser sur les résultats. Représenter le Réseau Action Climat dans différentes instances liées à l’alimentation (notamment au Conseil national de l’alimentation). Réaliser le reporting et la gestion administrative et financière des projets en lien avec la responsable administrative et financière. Le ou la chargé·e de mission s’impliquera dans l’ensemble des missions du Réseau Action Climat et participera activement à l’atteinte des objectifs de l’association. Ces missions pourront évoluer en fonction des opportunités identifiées et de la stratégie décidée par l’association. Profil recherché : Formation bac+5 (sciences politiques, politiques publiques, communication, transition écologique, etc.). Qualités recherchées : Esprit d’analyse et de synthèse Intérêt pour les thématiques du dérèglement climatique et de la transition écologique Bonne connaissance des acteurs et des enjeux liés à l’alimentation et des politiques publiques qui y sont liées. Aisance relationnelle et dans la prise de parole en public Expérience en plaidoyer et en stratégie Disponibilité pour des déplacements occasionnels en France et à Bruxelles Bonnes capacités d’organisation et de travail en autonomie Bonnes capacités d’animation Goût du travail en équipe et en réseau Niveau d’anglais professionnel Conditions de travail : CDI à temps plein, à pourvoir dès que possible Salaire à partir de 2370 € brut / mois (selon expérience et grille de salaire interne) Participation aux frais de transports, chèques déjeuner (60 %), possibilité de mutuelle (50 %) Convention collective de l’animation Poste basé au siège du Réseau Action Climat à Montreuil (93) Merci d’adresser d’ici le lundi 5 octobre 2020 un CV et une lettre de motivation (avec les coordonnées de deux référents et la date de votre disponibilité) à Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat, à l’adresse suivante : recrutement@reseauactionclimat.org Merci de nommer les fichiers électroniques correspondants à votre CV et lettre de motivation avec votre nom de famille. Les candidatures incomplètes ne pourront pas être examinées. Les premiers entretiens auront lieu entre le 12 et le 16 octobre 2020. En l’absence de réponse de notre part d’ici cette date, veuillez considérer que votre candidature n’a malheureusement pas pu être retenue. N'hésitez pas à nous transmettre vos actualités et offres d'emploi en lien avec les chaînes alimentaires courtes de proximité à l'adresse animation@rmt-alimentation-locale.org

  • Éclairage Covid-19 | Alimentation en période de crise sanitaire à Rennes Métropole

    Cet éclairage présente les résultats d’une enquête menée d’avril à juillet 2020 auprès des communes de la métropole rennaise, dans le but de recueillir à chaud les actions mises en place pour assurer un approvisionnement alimentaire continu et juste. Ces entretiens ont été complétés de rencontres avec des acteurs de l’alimentation actifs sur le territoire métropolitain, puis par les témoignages recueillis par l’enquête « Manger au temps du coronavirus » du RMT Alimentation locale. Du 13 mars au 22 mai, cette enquête a permis d'en recueillir 43 sur Rennes Métropole. Eclairage rédigé par Morgane Avenel, étudiante en mastère spécialisé Eco-Ingénierie à l'INP de Toulouse, en stage auprès de Rennes Métropole. Ce texte n'engage que son auteure et pas l'ensemble du collectif qui rédige les bulletins. Dimanche 15 mars 2020. La toile s'affole, les rumeurs d'une éventuelle quarantaine vont bon train. Le lendemain, c'est une France fébrile qui se prépare à s'isoler pour faire face à la pandémie de coronavirus. Après un déménagement en hâte pour gagner la capitale bretillienne avant la paralysie du pays, c'est donc en plein confinement que débute mon stage à Rennes Métropole. La crise sanitaire ayant rendu mon sujet initial caduc, je consacre désormais mon travail à l'étude de l'impact de la crise sanitaire sur les systèmes alimentaires métropolitains. L'objectif de cette étude est non seulement de faire un état des lieux de la situation, mais aussi et surtout de tirer des enseignements de cette crise inédite, afin de nourrir la réflexion sur une stratégie alimentaire territoriale durable et résiliente. L'alimentation au cœur d'un quotidien perturbé Comme partout ailleurs, la période de confinement influence la façon de s'alimenter des citoyennes et citoyens de la métropole rennaise. Que ce soit au travers de comportements de panique ou au contraire au cours de questionnements profonds, l'alimentation se hisse au sommet des priorités. Les quelques témoignages recueillis par l'enquête "Manger au temps du coronavirus" relatifs aux jours précédant l'annonce du confinement (voir bulletin de partage n°1) concordent avec les images largement relayées par les médias de ruée vers les produits alimentaires stockables, en particulier dans la grande distribution. Passés ces premiers jours perturbés, une routine d'approvisionnement alimentaire adaptée aux circonstances se reconstitue. Elle est le produit d'une combinaison de facteurs personnels, de facteurs liés aux infrastructures de distribution à disposition et de conditions propres au confinement. Du point de vue personnel, les convictions tiennent une part prépondérante dans cette reconstitution alimentaire. Malheureusement, les témoignages recueillis sur Rennes Métropole par l'enquête "Manger au temps du coronavirus" manquent de représentativité, d'une part à cause de la faible taille et de la composition de l'échantillon, majoritairement sensibilisé aux questions d'alimentation locale, saine et/ou durable, et d'autre part parce que les répondants sont pour la plupart à la maison pendant le confinement, situation qui influence l'adaptation du comportement alimentaire. Les circuits de distribution influencent aussi la façon de s'approvisionner, notamment du fait de la contraction des déplacements et possibilités de sorties. Les marchés fermés ou peu accessibles en raison de longues files d'attente sont parfois boudés au profit d'autres circuits courts qui semblent peu perturbés, "plus résilients" (d'après un.e rennais.e fréquentant les AMAP le 2 avril). Les petits commerces (épiceries bio, boucheries, boulangeries, supérettes vendant des produits locaux) des centre-bourgs sont également plébiscités, comme le constatent certaines communes : "Sur Acigné il était possible de faire tous les achats de première nécessité à pieds". Les commandes de paniers mis en place pour l'occasion, à la ferme ou en épicerie, sont également en plein essor. À l'inverse, les communes interrogées remarquent que les épiceries vendant des produits plus haut de gamme (non indispensables) ont été perdantes. Enfin, les nouvelles règles imposées par le confinement nécessitent des adaptations alimentaires : La recomposition du foyer : le régime alimentaire et les quantités s'adaptent aux regroupements familiaux ; L'atmosphère régnant dans les magasins : plusieurs témoins relatent une ambiance plus apaisée et des consignes sanitaires mieux respectées dans les magasins spécialisés qu'en grandes surfaces ; Les contraintes sanitaires, qui poussent parfois à renoncer à des pratiques écoresponsables (zéro déchet par exemple) ; Le respect le plus strict possible du confinement, soit lorsque l'on présente des facteurs de risques, en se reposant sur ses voisins, soit par volonté de limiter au maximum ses déplacements en augmentant les volumes de courses ; La santé, soit pour éviter d'augmenter les risques liés au coronavirus, soit pour veiller à équilibrer son alimentation dans une situation où "l'ennui donne faim" (une rennaise le 31 mars). Le repas retrouve, le temps du confinement, sa place de moment convivial pour rythmer des journées parfois monotones. Certaines pénuries ponctuelles (beurre salé, farine) traduisent d'ailleurs l'intérêt largement porté à la cuisine. Ces nouvelles tendances sont le reflet de réflexions plus profondes survenues pendant la période de confinement. En effet, plusieurs témoins se surprennent à questionner leur rapport au temps, au travail, et in fine, à la vie dans son ensemble. L'assiette devient alors le support de remise en question du mode de vie, le temps gagné semble parfois moins considéré comme une contrainte que comme l'occasion de se consacrer à des activités stimulantes et riches de sens. Au-delà de la cuisine, une envie d'extérieur et de jardin se fait sentir, sans doute renforcée par un printemps très ensoleillé. Le jardinage et la cueillette reviennent en effet plusieurs fois dans les témoignages recueillis par le RMT Alimentation Locale. Un habitant d'un village à l'ouest de Rennes témoigne le 18 mai : "La pratique du télétravail me libère du temps (2h de gain quotidien de temps de transport) que je peux entre autres consacrer à cette activité". La tendance se vérifie aux Jardins Familiaux de Rennes, qui enregistrent 100 demandes de parcelles supplémentaires par rapport à une année habituelle (250 à 300 demandes). Vert le Jardin, association de sensibilisation au jardinage, notamment sur les jardins partagés, a également reçu plus d'appels de demandes pour cultiver dans ces jardins, pourtant fermés pendant le confinement contrairement aux jardins familiaux. Les motivations relèvent plutôt du désir de passer plus de temps en extérieur après une période d'enfermement, plutôt que la crainte de subir des difficultés d'approvisionnement alimentaire en fin d'année. À Bécherel, la plus petite commune du territoire, le confinement a par ailleurs permis la réalisation d'un projet de jardin communautaire, depuis longtemps imaginé mais jamais concrétisé. Sur un terrain mis à disposition par un habitant, le jardin réunit des personnes de tous âges et tous niveaux afin de partager des savoirs potagers dans une ambiance conviviale. Cette volonté de retour à la terre s'est par ailleurs fait remarquer dans une ferme permacole rennaise, ou encore à l'association Les Cols Verts au Blosne, qui ont reçu plus de demandes de stage que d'habitude, en particulier de la part de personnes qui souhaite se réorienter. Les demandes de participation bénévole aux chantiers sont également plus nombreuses, se soldant par une présence plus régulière au jardin. Reste à savoir si cette tendance s'inscrira dans la durée ou si elle n'est que la réaction face à une perte de repères dans une période contraignante. Le renouveau de la solidarité alimentaire La crise sanitaire a bouleversé les systèmes d'aide alimentaire, les obligeant à adapter leurs modes d'interventions. Tout d'abord les bénévoles habituels, souvent âgés et donc à risque, sont restés confinés, et les grandes associations d'aide alimentaire ont été d'abord prises au dépourvu, avant que d'autres générations désormais disponibles ne se manifestent. D'autre part, le confinement a entraîné des pertes d'emploi et de ressources, et le nombre de personnes précaires a augmenté, comme leurs besoins d'aide alimentaire. En outre, les pénuries caractéristiques du début du confinement ont entraîné une diminution de la quantité d'invendus des grandes enseignes. L'aide sociale, notamment alimentaire, a été le point d'attention majeur des communes. Les centres (inter)communaux d'action sociale (CCAS et CIAS) s'en sont fait les coordinateurs. Le déploiement de cette aide reste relativement identique partout. Un recensement des personnes en difficulté s'effectue systématiquement, par téléphone, courrier ou via l'affichage municipal. Il s'agit en premier de cibler les personnes âgées, plus à risque, qui doivent limiter voire arrêter leurs déplacements et se retrouvent donc souvent isolées. Les communes prennent contact avec elles via les listes constituées par l'ADMR, le CCAS ou pour le plan canicule. Un recensement complémentaire permet de cibler un public plus large, inconnu des services municipaux : des foyers ayant perdu une source de revenu, devant cuisiner plus et en plus grande quantité après la fermeture des écoles notamment. Une équipe de bénévoles est ensuite constituée, autour d'élus coordinateurs. Les personnes en difficulté n'ont souvent affaire qu'à un bénévole référent afin d'instaurer une relation de confiance. Les actions de soutien alimentaire à proprement parler sont ensuite mises en place. Dans la majorité des cas, il s'agit de portage de courses. Ce mode permet, outre la distribution de produits de première nécessité, de maintenir un lien avec les personnes isolées. Deux communes interrogées font appel à des fermes locales pour pallier l'approvisionnement en frais limité de l'épicerie solidaire, et livrent des paniers avec des recettes, ceci afin de soutenir les fermes tout en permettant à des personnes en situation précaire de s'alimenter sainement. Plus rarement, des bons alimentaires sont distribués, parfois en complément des distributions ou pour élargir l’offre de l’épicerie sociale. Peu de produits périssables des cantines ont été redistribués ou jetés, l'annonce de la fermeture des écoles ayant eu lieu le jeudi soir alors que les commandes sont souvent faites le vendredi pour la semaine suivante. Les nombreuses omelettes et produits laitiers de la cuisine centrale de Rennes ont pu trouver preneurs grâce à la mobilisation des services et des réseaux sociaux. Le fonctionnement de l'aide alimentaire sur la ville de Rennes se distingue cependant des autres communes. "SolidaRen", réseau et fondation d'innovation sociale et solidaire mis en place avant la crise sanitaire, a facilité la mise en place d'un circuit d'aide alimentaire adapté au début du confinement. À défaut de pouvoir se rencontrer, la coordination se fait par le biais de visioconférences entre les associations locales et nationales, la ville et les entreprises pourvoyeuses de dons alimentaires. La fermeture des écoles a été l'occasion d'expérimenter une coopération nouvelle : deux écoles réquisitionnées ont accueilli des associations (Secours Populaire, Un Toit c'est Un Droit) pour préparer des colis alimentaires avant d'aller les livrer dans les structures d'hébergement d'urgence et directement dans les foyers. Les repas sont confectionnés par la cuisine centrale, celle-ci a également écoulé certains produits via les AMAP notamment. Les produits distribués proviennent de différentes sources : banque alimentaire, dons de grandes et moyennes surfaces et d'entreprises défiscalisés à 60%, achats réalisés auprès de grossistes. Durant les deux mois, le dispositif a permis la distribution de près de 300 sacs par jour et par école, permettant à 10 000 personnes de bénéficier d'une alimentation régulière. Une cagnotte organisée par SolidaRen a permis de récolter 20 000€ de particuliers et 10 000€ des entreprises de la fondation pour financer des achats en frais à des grossistes (notamment bio) ainsi que des équipements logistiques. À la reprise de l'école, c'est un gymnase qui a été transformé en "Village Alimentaire", où cette fois les bénéficiaires viennent chercher eux-mêmes leurs colis, la logistique liée à la livraison à la personne par les bénévoles étant trop lourde sur du long terme. Après plusieurs mois, la structure est appréciée, les bénéficiaires peuvent s'investir en devenant bénévoles, mais la question de la pérennisation après la réouverture du gymnase pour le public à la rentrée se pose. Le nombre de bénéficiaires reste en effet toujours à un niveau élevé, après un "tsunami" au début du confinement. Cependant, même si le nombre de bénéficiaires a augmenté, les communes ont souvent été moins sollicitées qu'elles ne l'imaginaient, grâce à l'émergence d'initiatives citoyennes spontanées, parmi elles : Listes de diffusion entre voisins pour connaître les besoins de chacun, et partager bons plans et difficultés ; Commandes groupées auprès de producteurs locaux pour les soutenir tout en se nourrissant sainement, à l'échelle de la rue ou du quartier ; Soutien alimentaire à des étudiants isolés et en difficulté financière via SOS étudiants ; Portage de repas aux sans-abri par des particuliers avec l'initiative "#PourEux" sur Facebook : des bénévoles cuisinent un repas de plus chez eux et le transmettent à d’autres bénévoles chargés de les livrer lors de maraudes ; Finalement, la période a démontré que malgré les perturbations subies par les réseaux d’aide alimentaire habituels, la mobilisation et la réactivité tant des citoyens que des collectivités a permis de faire face à la croissance du nombre de personnes précarisées. Les communes ont démontré leur rôle central dans cette compétence, notamment grâce à des élus volontaires, à une bonne connaissance du terrain et à la simplification ponctuelle des démarches d’aide sociale (Rio, 2020). Cependant, certains points ne doivent pas être oubliés, en particulier en vue d’une crise économique et de perturbations probables du système alimentaire dans les mois à venir (Greniers d'abondance, 2020 - lien), comme le craignent plusieurs témoins. L’accessibilité à des produits frais, sains et durables (notamment sans suremballage) est encore insuffisante et, comme le souligne une élue rennaise dans son témoignage, « Il ne faut pas que les personnes les plus fragiles ne puissent manger que les "restes" de la société de consommation, ce n'est pas sain, ce n'est pas juste » (voir article d’éclairage). Des partenariats non pas ponctuels mais permanents restent à imaginer avec les producteurs locaux, les cuisines centrales par exemple. Une adaptation rapide des circuits courts La période de confinement a révélé les circuits courts dans toute leur diversité. Les témoignages soulignent quasiment unanimement le succès de ces circuits : plus grande fréquentation des magasins de producteurs avec des paniers-moyens bien plus conséquents, augmentation des demandes d'adhésion pour les AMAP et multiplication du chiffre d'affaire des drives fermiers… Durant la première semaine d'incertitudes concernant les protocoles sanitaires à mettre en place, 40% des appels sur le numéro vert de la Chambre d'agriculture concernaient les circuits courts. Ils ont ensuite rapidement su s'adapter pour faire face à l'augmentation de la demande et à la perturbation de leurs débouchés. L'essor du numérique a été un facteur déterminant pour développer de nouveaux circuits de vente à la ferme ou en collectif, à l'image du comptoir paysan, initiative de drive fermier accélérée par le confinement, avec le soutien de la Chambre d'agriculture, ou de pages Facebook créées spécialement par les producteurs pour organiser les commandes et livraisons. Beaucoup d'entre eux relèvent néanmoins un fort surcroît de travail lié aux précautions sanitaires et la fatigue s'installe au fil du confinement. Certaines communes ont joué un rôle de soutien des circuits courts : Recensement de la situation des exploitations de leur territoire (également fait par Rennes Métropole) : finalement peu de difficultés sont remontées, en dehors de productions spécifiques, jugées non prioritaires (boissons, notamment le cidre, suite à la fermeture des crêperies, cailles, escargots…) et de problèmes de débouchés dus à un manque de diversification (notamment lorsque le seul débouché réside dans les gros marchés rennais) ; Communication via leur site internet ou la feuille municipale, voire relais auprès des correspondants Ouest-France ; Réaffectation de l'espace public pour proposer des espaces de vente directe. Cependant, d'après une enquête d'Agrobio 35 auprès d'agriculteurs bio d'Ille-et-Vilaine (Enquête menée par Agrobio 35 auprès de 63 producteurs, soit 20% des agriculteurs bio en circuit court en Ille-et-Vilaine, disponible ici), seuls 23% d'entre eux estiment que les collectivités locales leur ont apporté une aide. Certaines communes déplorent elles-mêmes un manque de coordination et de communication avec leurs agriculteurs, probablement faute de liens créés en amont de la crise, de temps et de moyens alloués. Par ailleurs, la solidarité citoyenne s'est aussi exercée auprès des producteurs locaux, avec quelques cas de prêt de garage de particuliers pour vendre. Concernant la restauration collective, peu de communes rapportent avoir eu vent de difficultés de la part de leurs producteurs fournisseurs. Le collectif de producteurs Manger Bio 35, qui approvisionne tous types de restaurations hors domicile, abonde en ce sens, arguant que leurs débouchés sont souvent diversifiés et donc plus adaptables. L'augmentation de la demande des particuliers compense globalement l'arrêt des commandes de cantines. En sortie de confinement, les ventes semblent avoir diminué de façon notable, mais restent souvent supérieures au niveau moyen d'avant-confinement. Les marchés de plein vent, à la croisée des enjeux Pilier de la vente en circuits courts, les marchés de plein vent constituent un débouché majeur pour de nombreux producteurs et commerçants locaux. La majorité des 43 communes de Rennes Métropole en dispose d'au moins un, seules 8 de moins de 3000 habitants n'en sont pas dotées, tandis que la ville de Rennes en totalise 17. Cependant, le 24 mars, le gouvernement français annonce la fermeture générale des marchés de plein vent, des dérogations préfectorales pouvant être accordées si des précautions sanitaires suffisantes sont mises en place. Dès lors, les marchés se hissent en tête des priorités de nombreuses communes, qui font rapidement le choix de demander une dérogation, argumentant que l'offre manque à proximité, notamment en frais, que la demande citoyenne est réelle, et que la limitation des déplacements nécessite une offre alimentaire au plus près des lieux de vie. Finalement, parmi les 21 communes ayant répondu à l'enquête et dotées d'un marché, une seule n'a pas demandé de dérogation, proposant à la place des créneaux horaires permettant d'accueillir 2 commerçants à la fois, et une autre a vu sa dérogation refusée car trop tardive. Finalement, ce sont presque 70% des marchés qui ont pu rouvrir, chiffre supérieur à la moyenne de 25% dans une enquête menée auprès de 30 villes et grandes agglomérations françaises (France urbaine, Résolis, Terres en Ville, 2020) et traduisant une forte implication des communes de Rennes Métropole, en particulier des élus qui n'ont pas hésité à participer à l'organisation sur le terrain. Cette réouverture ne se fait pas sans conditions : ils sont limités à 15 commerçants alimentaires et doivent répondre à un protocole sanitaire précis. Les plus gros marchés doivent donc sélectionner finement les commerçants, pour garantir une offre variée, excluant souvent les revendeurs et commerçants non locaux. À Rennes, des points de vente sont autorisés sur l'espace public, en parallèle du marché, sous réserve que les producteurs locaux autorisés gèrent leur communication et fonctionnent par commandes. Les plus petits marchés, moins limités, accueillent parfois certains commerçants ayant perdu des débouchés, de même que certaines petites communes sans marché mettent en place des points de vente à moins de 3 exposants. Les marchés remportent un franc succès, plébiscités pour leur caractère sécurisant (en plein air, où il est plus aisé de garder ses distances), leur proximité et pour soutenir les producteurs locaux. Malheureusement, la règle des 15 commerçants maximum perturbe les habitudes d'achat, et les mesures sanitaires engendrent des files d'attente de plus d'une heure, décourageant de nombreux clients. Par ailleurs, le mécontentement rencontré sur les communes dépourvues de marché durant le confinement montre le caractère crucial de ce mode de distribution, tant pour les commerçants que pour les habitants. Le marché de plein vent est donc au carrefour d'enjeux multiples, que la crise sanitaire a mis en lumière et appelle à envisager des pistes d'amélioration : Le marché permet un approvisionnement en frais et un débouché rentable pour les commerçants, mais il offre aussi un moment de convivialité ; Des marchés réduits aux seuls producteurs locaux sont en moyenne plus chers et empêchent des ménages plus modestes de s'y approvisionner ; La différenciation producteur/revendeur est parfois difficile, d'autant que certains producteurs pratiquent également l'achat-revente, ce qui est autorisé dans certaines limites mais a parfois généré des tensions ; Malgré un gain d'intérêt pour les productions locales et pour les considérations environnementales, les notions "circuit court", "local", "de saison", "frais" prêtent à confusion ; La gestion des déchets est contraignante ; De nouvelles crises pourraient à nouveau perturber le bon déroulement du marché. Conclusion La crise du Covid a bouleversé les habitudes alimentaires des consommateurs, les producteurs locaux et les acteurs de la solidarité alimentaire. Cet événement certes ponctuel a été riche d'enseignements : Les scènes de panique du début du confinement, remarquées par de nombreux témoins y compris à Rennes Métropole, laissent deviner l'importance de l'environnement immédiat d'achat (ces situations n'ont été relevées qu'en grande surface), et laissent penser qu'une éducation à l'alimentation sous l'angle de la sécurité (notamment pour la gestion des stocks) est nécessaire pour aborder de façon plus sereine les crises (Linou, 2019) ; Le lien est vital pour s'adapter rapidement en cas de crise et permet des prises de décision rapides, partagées, concertées et mieux acceptées : en période de crise, les décisions ont été émises de manière descendante depuis l'État jusqu'aux acteurs du territoire, ou alors entre décideurs de façon plus restreinte, pouvant donner lieu à des tensions (cas des marchés). À l'inverse, l'aide alimentaire a pu être adaptée très rapidement grâce à l'interconnaissance de ses acteurs et à une coordination partagée ; L'urgence a parfois occulté certains aspects environnementaux, tels que la gestion des déchets face au manque d'informations sur les consignes sanitaires, ou la qualité des produits fournis à l'aide alimentaires : hors période de crise, un travail à ce niveau est nécessaire ; Les concepts d'alimentation locale, durable et/ou en circuits courts restent encore méconnus et peuvent donner lieu à des confusions (un commerce de proximité n'est pas nécessairement approvisionné en circuit court, ni local, ni durable) ; Pour les collectivités, aborder la question de l'alimentation via la thématique de la restauration collective est nécessaire mais non suffisant : elle constitue un levier mais doit être adaptée en cas de crise, et ne doit pas occulter d'autres problématiques tout aussi importantes, telles que les marchés. Enfin, cette crise sanitaire ne devrait pas être vue comme un événement ponctuel, mais plutôt comme l'occasion de se préparer à d'autres perturbations à venir. Sans verser dans le catastrophisme, de nouvelles crises ne sont pas moins probables que celle à laquelle le monde doit encore faire face aujourd'hui. Les collectivités ont toute leur place à jouer dans l'amélioration de la résilience alimentaire, et cette problématique doit faire partie de leur Projet Alimentaire Territorial. Bibliographie France urbaine, Résolis, Terres en Ville. (2020). Villes et alimentation en période de pandémie : expériences françaises. Récupéré sur France Urbaine : http://franceurbaine.org/publications/villes-et-alimentation-en-periode-de-pandemie-experiences-francaises Greniers d'abondance. (2020, Mai 23). Covid-19 : qui veille au grain pour demain ? L'analyse. Récupéré sur Greniers d'abondance: https://resiliencealimentaire.org/covid-19-qui-veille-au-grain-pour-demain-lanalyse/ Linou, S. (2019). Résilience alimentaire et sécurité nationale. The Book Edition. Rio, N. (2020, Avril 20). Quand l'État gère la crise, les communes doivent assurer la résilience. Récupéré sur La gazette des communes : https://www.lagazettedescommunes.com/674771/quand-letat-gere-la-crise-les-collectivites-doivent-assurer-la-resilience/ RMT Alimentation Locale. (2020). Covid-19 et systèmes alimentaires. Manger au temps du coronavirus. Bulletins de partage. Récupéré sur RMT Alimentation Locale : https://www.rmt-alimentation-locale.org/bulletin-de-partage

  • Manger au temps du coronavirus - Retour sur l'enquête

    L'enquête "Manger au temps du coronavirus" lancée dès le début du confinement, a permis de témoigner à travers 5 bulletins de partage (https://www.rmt-alimentation-locale.org/bulletin-de-partage) et de nombreux éclairages (https://www.rmt-alimentation-locale.org/eclairages) de l'impact du coronavirus sur nos systèmes alimentaires. Pour faire le point sur les grands enseignements cette enquête, en attendant un bulletin conclusif qui paraîtra début octobre, des membres du collectif de travail "Manger au temps du coronavirus" reviennent en vidéo sur les éléments qui les ont marqués, font le lien avec leurs travaux antérieurs et proposent des recommandations pour la suite. Découvrez les 5 vidéos de retour sur l'enquête : Blaise Berger, consultant au cabinet de conseil coopératif Terralim (http://www.terralim.fr/) témoigne du rôle révélateur de cette crise et de la réactivité des producteurs et des élus locaux. Gilles Maréchal, consultant au cabinet coopératif Terralim, référent circuits courts à la FR CIVAM Bretagne et chercheur associé Espaces et Sociétés ESO-CNRS montre le rôle essentiel de l'alimentation et revient sur les solidarité de crise. Anne-Cécile Brit, animatrice à la FR CIVAM Bretagne, co-animatrice du RMT Alimentation Locale et membre de l'association des Greniers d'Abondance retient la place prépondérante qu'a pris l'alimentation pendant cette crise et son rôle de révélateur des vulnérabilités de nos systèmes alimentaires. Félix Lallemand, docteur en écologie et évolution du Muséum national d’Histoire naturelle, co-fondateur de l’association « Les Greniers d’Abondance » (https://resiliencealimentaire.org/) aborde les enjeux politiques autour de cette crise et présente une voie de résilience : la sécurité sociale alimentaire. Luc Bodiguel, directeur de recherche au CNRS en sociologie et sciences du droit, retient de cette enquête un certain déphasage de l'action centrale et une série de questionnement : quel apport des PAT (Projets Alimentaires Territoriaux) face à la crise ? le droit de l'urgence doit-il forcément être un droit du moins disant écologique ? Les vidéos ont été réalisées par Chloé Adelheim (L'assemblée des noues : http://lassembleedesnoues.fr/) à qui nous adressons tous nos remerciements.

  • Éclairage Covid-19 | Témoignages de producteurs et de distributeurs en Provence-Alpes-Côte d’Azur

    Depuis le début de la crise du COVID-19, les circuits courts alimentaires ont été extrêmement sollicités, mettant en évidence leur force mais aussi leur vulnérabilité. Plusieurs acteurs en Provence-Alpes-Côte d’Azur partagent leurs retours d’expérience et l’impact de cette période sur leurs activités : Comment ils se sont adaptés, les difficultés auxquelles ils ont dû faire face et comment ils envisagent aujourd’hui de poursuivre ou de réinventer leur activité. Ces témoignages permettent de dégager des pistes de réflexion pour consolider encore davantage ces circuits et construire un système alimentaire plus résilient. Agathe LAURE, professionnelle spécialisée sur les questions de transition alimentaire et agricole, co-anime le collectif ALiMENT (Association libre pour un manger équitable, naturel et territorial) qui regroupe des acteurs de terrain pour apporter leur expertise dans le développement du Projet Alimentaire Territorial (PAT) de la Métropole Aix-Marseille-Provence et du Pays d'Arles. Face à une demande exponentielle pour les produits frais, sains et locaux, les producteurs et distributeurs interrogés ont fait preuve d’une grande capacité d’adaptation pendant le confinement Une explosion de la demande de la part de consommateurs habitués des circuits-courts et de nombreux nouveaux clients Déstabilisés par le bouleversement des circuits courts alimentaires suite au confinement (fermeture des débouchés habituels : restauration collective, restauration hors domicile, hôtellerie, etc.) et contraints par les restrictions sanitaires, les acteurs interrogés ont dû faire face dans l’urgence à une demande très forte de la part des consommateurs. L’épicerie Terre de Potage, à Pierrefeu-du-Var (83), spécialisée dans les produits bio, locaux et le vrac, a ainsi enregistré pendant le confinement des ventes exceptionnelles, en très forte progression par rapport à l’avant confinement. En plus de nos clients habituels, explique Alexandra, en charge de l’épicerie Terre de Potage, nous avons eu énormément de nouveaux clients, qui voulaient soutenir les producteurs, manger plus sainement ou éviter les supermarchés. L’épicerie paysanne ADELE (Association de Distribution Equitable, Locale et Ecoresponsable) à Marseille, a également connu une forte demande, bien supérieure à la normale de l’année précédente, avec de nombreux nouveaux clients. De même, Marion du Réseau des magasins de producteurs en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Réseau TRAME) témoigne de l’augmentation globale de la demande dans les magasins du réseau qui ont malgré les contraintes sanitaires, maintenu leurs activités et ont vu leur chiffre d’affaire augmenter fortement. Pendant le confinement, si certains magasins ont observé une baisse de fréquentation, ils ont bénéficié d’une augmentation notable du volume moyen des achats, qui ont doublé en moyenne. Cependant elle note que cette hausse a concerné majoritairement les magasins en centre ville. Ceux qui dépendent davantage du tourisme local ont eux connu une baisse importante de leur activité et des difficultés économiques notables. Du côté des Paniers Marseillais (PAMA), association regroupant des associations de quartier à Marseille fonctionnant sur le principe des AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), l’augmentation de la demande s’est aussi fait sentir. Pendant le confinement, les adhérents étant déjà abonnés à des paniers hebdomadaires ont pu bénéficier de leurs paniers de fruits et légumes habituels. Mais leur intérêt pour les produits frais hors maraichage (viande, fromage) et les produits d’épicerie a également beaucoup augmenté. Les Paniers Marseillais ont également connu un intérêt grandissant de la part de nouvelles familles, à raison de 500 familles supplémentaires en deux mois, croissance incomparable par rapport aux années précédentes, après une demande en stagnation depuis quelques années. Pour répondre à cette demande soudaine, les Paniers ont vendu des paniers ponctuels et ont généralisé les paniers découvertes mensuels. Le système de parrainage, qui était également peu utilisé, a bien fonctionné pendant cette période. Même si une dynamique ascendante était observée en début d’année, la courbe a été exponentielle pendant le confinement explique Agnès, animatrice des Paniers Marseillais. Les nouvelles formes de distribution et initiatives mises en place dans l’urgence pour répondre à la forte demande ont rencontré un grand succès Les structures interrogées ont été extrêmement réactives face à cette nouvelle demande et ont reconfiguré certains de leurs circuits de distribution. Ainsi, dès la fermeture des marchés, les paysans du marché de la Gavotte (13), marché soutenu par l’ADEAR 13 (Association pour le développement de l’emploi agricole et rural) des Bouches-du-Rhône, se sont ainsi montés en collectif pour proposer un point de retrait aux clients du marché et aux autres clients potentiels. Face au succès de ce format, l’ADEAR, l’a proposé aux sept marchés paysans qu’elle accompagne dans le département. Trois points drive ont ainsi été mis en place, regroupant des paysans de tout le département et des départements limitrophes (Var, Gard, Vaucluse, Alpes de Haute Provence et Hautes Alpes). Les drives ont dans l’ensemble très bien marché, explique Anne de l’ADEAR 13, avec entre 150 à 250 commandes par marché par semaine. Certains paysans ont même fait de meilleurs chiffres d’affaires que lors des marchés Photo @Du marché au palier Pour répondre à la forte demande des consommateurs malgré sa fermeture, le Marché de producteurs de la Joliette à Marseille, a développé un système de livraison à domicile : « Du marché au palier ». Les débuts ont été laborieux explique Chloé, une productrice du marché qui a monté l’initiative, notamment pour la gestion comptable, mais une fois mis en place, les producteurs ont observé d’importants gains de temps et ont été très satisfaits. Cette initiative mise en place dans l’urgence, explique Chloé, a commencé très petit, puis s’est agrandie rapidement face à son succès, en passant d’une trentaine de commandes par semaine à 160 pendant le confinement. Ce système a extrêmement bien fonctionné avec un chiffre d’affaire total de 44 000 euros. De son côté, l’épicerie ADELE a rapidement mis en place un système de paniers d’assortiment de produits de saison en remplacement du libre service. En effet, explique Agnès, directrice de l’épicerie, la taille de l’épicerie ne permettait pas d’accueillir plus de trois clients à la fois avec les mesures sanitaires, ralentissant grandement la circulation. On s’est donc organisé pour permettre de répondre à la demande : un tiers de la boutique a été consacrée à la vente au détail (mais le service opéré par les salariés de l’épicerie) et les deux tiers à la fabrication des paniers. Le chiffre d’affaires de l’épicerie a connu une forte augmentation. Ce double système, explique Agnès, a permis de réduire l'attente des clients, de protéger clients et salariés, de préserver l'équilibre économique de la structure et d’écouler autant de marchandises produites par les paysans. Cela a nécessité un très gros effort d'adaptation pendant 15 jours, mais de 20 paniers par semaine, les ventes sont passées à plus de 50 paniers par jour. La forte demande et la réorganisation rapide de la distribution ont mis en exergue certains points de tension et limites de ces circuits Si les structures interrogées ont fait de beaux chiffres d’affaires, l’offre a été fortement mise en tension et parfois insuffisante pour répondre à l’augmentation soudaine de la demande Dans l’épicerie Terre de Potage, la disponibilité des produits a en effet été mise en tension, surtout pendant les deux premières semaines de confinement alors que la demande était énorme et que la quantité de production supplémentaire n’avait pas pu être anticipée. « La gestion a été nécessairement plus intense et plus compliquée pendant la période de confinement, explique Alexandra, avec des commandes plus importantes auprès des grossistes et des producteurs. Mais avec quelques rééquilibrages, il y a eu une offre de production localesuffisante pour y répondre, et ce, avec une grande diversité de produits. » Pour Marion du réseau TRAME, l’approvisionnement a également pu suivre la demande, notamment grâce à la redirection des productions dédiées aux marchés vers les magasins de producteurs. C’est la fermeture des autres débouchés qui a donc permis de pouvoir répondre à la forte demande. De même au sein des Paniers Marseillais, notamment grâce à deux producteurs qui travaillaient habituellement dans des marchés et ont donc eu d’importants surplus de production. De nouveaux producteurs ont également été accueillis dans les Paniers Marseillais pendant cette période. Leur intégration était en dormance depuis quelque temps, explique Agnès, mais cette crise a été l’opportunité de les intégrer rapidement pour écouler leurs productions et ils ont fait de belles ventes. Par contre, les initiatives de paniers qui ont été lancées ont rencontré un tel succès que le nombre de paniers a dû être limité par la demande. L’initiative Du marché au palier a ainsi dû bloquer le nombre de paniers à vendre. Certains producteurs ont également eu énormément de demande à la ferme, et pas assez de production pour y répondre. Dans l’épicerie ADELE, la demande de paniers a également dépassé largement l’offre disponible. A tel point que certains producteurs, ayant pourtant d’autres débouchés plus directs à leur disposition ont décidé de continuer à assurer l’approvisionnement de l’épicerie par solidarité, explique Agnès. Au début, explique Agnès, l’offre était surabondante par rapport à la demande, puis cela s’est inversé avec la demande grandissante des consommateurs et la mise en place progressive de ventes directes à la ferme par les producteurs. Les initiatives présentées ont rencontré un grand succès au prix d’une charge de travail importante de la part des producteurs, des distributeurs et des nombreux bénévoles sur lesquels reposent certains de ces circuits. Pour les paysans adhérents à l’ADEAR explique Anne, la mise en place de drive et de paniers a été très contraignante en termes d’organisation et a demandé énormément de travail supplémentaire en amont. Ce format était nouveau pour de nombreux paysans explique-elle et il semble que la majorité d’entre eux ont été satisfaits de reprendre le rythme des marchés. Les retours sont similaires auprès des épiceries interrogées, qui décrivent une période épuisante autant physiquement que psychologiquement pour les salariés, mais a été également extrêmement riche et gratifiante. C’est la mobilisation rapide de ses adhérents qui ont permis aux Paniers Marseillais d’adapter les distributions aux contraintes sanitaires, de trouver des locaux dans l’urgence pour la remise des paniers, ou de mettre en place le système de drive, explique Agnès. Cette période a été un véritable booster de mobilisation, redynamisant les forces bénévoles existantes et révélant de nouvelles personnes désireuses de s’impliquer. Pour les Paniers Marseillais, dont les associations adhérentes fonctionnent comme des AMAP, le fonctionnement de la structure et des distributions repose sur les particuliers adhérents, tous bénévoles, à l’exception d’une salariée. Pour Alexandra de l’épicerie Terre de Potage, cette période a également de créer de nouveaux liens et connections avec les habitants. Leur ancrage maillage local fort et leur réseau de bénévoles construit depuis quelques années avec l’association Pierrefeu Terre de Partage leur a également permis de soutenir et relayer de nombreuses actions solidaires comme la préparation et les livraisons de repas et de dons aux personnels de santé et aux personnes les plus précaires. Cette période a également mise en exergue les défis d’organisation qui se posent pour ces structures, notamment pour la logistique et le stockage Aux Paniers Marseillais, le confinement et la demande croissante pour les produits hors maraîchage (non compris dans les paniers hebdomadaires reçus par chaque adhérent), ont été l’opportunité d’expérimenter un nouveau système logistique pour faire parvenir ces produits jusqu’au lieu de distribution. Jusqu’à maintenant, ces produits étaient vendus sous forme de distributions « mutualisées » organisées ponctuellement, avec des commandes passées à l’avance, réunissant sur un même site l’ensemble des producteurs. Pour répondre à la forte demande, la distribution de ces produits a été multipliée et modifiée, avec un système de drive entre les producteurs et les référents de chacun des 30 Paniers Marseillais répartis dans la ville pour récupérer les commandes et les livrer sur leur lieu de distribution habituel du quartier. Grâce à ce système, les producteurs ont vu leur chiffre d’affaires sur ces produits augmenter de manière très importante pendant le confinement (20-22000 euros CA par évènement pour hors maraîchage). Pour Agnès, cette période a renforcé la dynamique de développement des paniers et la réflexion sur la logistique verte du dernier kilomètre, particulièrement problématique pour les circuits courts. Cela a été l’opportunité pour les Paniers Marseillais, explique Agnès, d’améliorer notre système logistique. Ce système s’est révélé plus efficient et plus rapide et a été très apprécié par les adhérents et les producteurs. Agnès de l’épicerie ADELE témoigne également des limites logistiques pour l’approvisionnement des produits. De nouvelles tournées de livraison des produits vers l’épicerie ont été ajoutées, en partenariat avec deux autres épiceries paysannes de la ville avec qui les trajets sont mutualisés. Ce coût dit « du dernier kilomètre » des approvisionnements en ville reste également selon elle, un défi important. Nous avons également été contraints par l’espace disponible de stockage et les capacités de réfrigération, explique Agnès, qui limitent les quantités de produits à écouler. La question de l’approvisionnement et de la logistique pour les épiceries soulève, selon Agnès, notamment l’importance des marchés d’intérêt locaux, qui gagneraient à être développés sur le territoire pour offrir des points de rencontre d’échange de marchandises pour ces circuits. Les adaptations et innovations mises en place par les acteurs mettent également en exergue des pistes de réorganisation, de structuration et d’essaimage des modes de circuits courts La fermeture des débouchés habituels et la situation d’urgence a été l’opportunité de renforcer ou de créer des nouvelles collaborations autour des circuits courts La plupart des témoignages relève une collaboration importante et renouvelée entre les producteurs. Pour Anne de l’ADEAR 13, ces initiatives ont mis en avant une grande solidarité entre les paysans et un véritable travail collectif. Cette période a vu se développer davantage de collaboration entre producteurs et territoires, avec par exemple des agriculteurs du nord de département qui ont mutualisé leurs efforts pour les productions à proposer ou la logistique. Certains acteurs interrogés témoignent également du rôle important des villes dans la mise en place ou non de ces initiatives, avec des exemples de mairies qui ont été très réactives pour accompagner ce processus et notamment autoriser des lieux de retrait. Par exemple explique Anne, lorsqu’elles ont rapidement autorisé que l’espace du marché soit utilisé avec toutes les mesures de gestes barrières. D’autres collectivités ont refusé la mise en place d’un drive et des livraisons ont été organisées à la place. En l’absence de tels lieux, des collaborations avec d’autres acteurs, entreprises ou associatifs se sont également construites. Ainsi Chloé, une productrice qui a aidé à monter l’initiative du Marché au Palier, décrit la collaboration importante qui a eu lieu entre les producteurs, qui sont à l’origine du projet, mais également l’apparition de nouveaux partenariats, qui ont permis de structurer et d’étendre l’initiative. D’un système de gestion des commandes en manuel par les producteurs, a été mis en place un système plus structuré de gestion des stocks, géré directement par un professionnel du domaine, et des livraisons assurées par les trois compagnies de coursiers impliqués. Afin de gérer les commandes de manière plus efficiente, la boutique en ligne de l’association de la Roue put être utilisée et le catalogue en ligne a été créé en un week-end. L’Olympique de Marseille a notamment rejoint l’initiative et le stade Vélodrome a servi de point de distribution pendant plusieurs semaines. Partie de quelques producteurs, et face à son succès, l’initiative s’est progressivement structurée en impliquant de nouveaux acteurs. Grâce a l’intermédiaire de l’association de la Roue, des compagnies de coursier de la ville, notamment Mistral Coursier puis Toutenvélo se sont impliqués. Pour répondre à l’exigence de la gestion du froid, du stockage et des commandes, un autre prestataire, Agilenville, déjà compétent dans ce domaine, a également rejoint l’initiative. Mais certaines initiatives ont été crées de manière spontanée par les consommateurs en créant une collaboration directe avec les producteurs de leur territoire. Comme en témoigne Antoine qui explique comment un groupe de particuliers à Meyrargues (13) a commencé une collaboration avec un maraîcher suite à la fermeture des marchés environnants. Afin de développer une alternative au supermarché voisin et privilégier les achats en direct auprès des producteurs, ils ont contacté un producteur pour organiser des livraisons groupées sur la place du village. Au fur et à mesure du confinement, les habitants impliqués se sont organisés pour assurer des commandes groupées et répartir les commandes en aval, pour éviter la surcharge de travail aux producteurs et préparer les commandes individuelles sur un mode de magasin coopératif explique Antoine. Les expériences recueillies témoignent également du rôle important des réseaux existants, dans la mise en place rapide des adaptations et le rassemblement des acteurs Pour l’initiative Du marché au palier, l’implication de l’association de la Roue, (Monnaie locale complémentaire et citoyenne en Provence – Alpes du Sud), a joué un rôle clef dans sa mise en place et l’implication rapide de nouveaux acteurs. Christelle, membre de l’association la Roue explique ainsi comment les différentes compagnies de coursiers à vélo ont travaillé ensemble autour de ce projet. Notamment afin de regrouper les commandes et d’organiser au mieux les volumes et les points de livraisons pour réduire les coûts et augmenter l’efficience du système. Le large réseau des producteurs du marché de la Joliette a permis notamment de proposer un catalogue de plus de 150 références aux particuliers et une grande variété de produits fermiers de la région ce qui est un atout majeur de l’initiative, souligne Chloé. Pour Christelle, qui a géré l’initiative au sein de la Roue : Les pros du réseau se sont rendus compte que la roue ce n’était pas qu’une monnaie, c’était aussi un réseau d’entraide. Elle facilite les liens et les échanges et permet à certains pro de se faire connaître à droit et à gauche. Aux Paniers Marseillais, cette période a également assise une plus grande collaboration et partage d’information entre les différent Paniers de quartier. Les améliorations logistiques par la mise en place d’un drive hors du centre ville avant la redistribution dans chaque quartier témoigne de la « force du réseau » explique Agnès. Cette période a également permis selon elle de faire vivre cette communauté et de mettre à jour le fort sentiment d’appartenance qui s’y attache. D’autant plus que les Paniers Marseillais regroupent en tout près de 1400 familles et une cinquantaine de producteurs. L’intérêt de ce réseau, rappelle-t-elle, c’est d’offrir une plus grande diversité de produits (près de 350 références produit maraîchers, frais et d’épicerie), pour fédérer les commandes et permettre à davantage de producteurs de les rejoindre. Le réseau TRAME de magasins de producteurs a également appuyé les producteurs en diffusant des conseils et informations aux magasins pour s’adapter aux contraintes sanitaires et en organisant des commandes groupées, de gels hydro-alcooliques et de masques notamment. Les bouleversements des débouchés ont également questionné les acteurs sur les différents modèles économiques et d’organisation du travail pour la vente en circuit court. Cette période, qui a permis un temps d’expérimentation particulier, a également entraîné des changements dans les approches de ventes et de distribution des produits notamment pour les producteurs. Pour Chloé, le succès d’une initiative du Marché au palier est un exemple de modèle parmi une multitude de possibles, qui dépend de nombreux facteurs, comme la situation des producteurs et de la diversité de leurs débouchés, la localisation, la demande ou les contraintes logistiques. Elle explique par exemple que beaucoup de producteurs qui ont participé à l’initiative étaient ceux qui étaient le plus mis en difficulté par la fermeture des marchés, par rapport à ceux qui avait déjà en place des débouchés auprès d’AMAP, de vente à la ferme ou en épicerie. Maintenant que l’on est déconfiné et que les marchés et restaurants ont repris leurs activités, explique-t-elle, il faut reprendre ses marques et se réorganiser en fonction des différents circuits de distribution possibles et cela n’est pas toujours évident. Le marché semble avoir repris avec succès, avec une demande qui demeure forte. Pour elle, il est essentiel que les gens reviennent au marché, ce contact et ces échanges avec les clients sont tellement important. D’autres producteurs ont arrêté les marchés pour essayer un autre type de distribution, testée pendant le confinement, qui sera plus adapté à leur situation. De même, Agnès donne l’exemple de certains producteurs des Paniers Marseillais, pour qui l’écoulement de la production à travers les Paniers a été tellement intéressant (ventes assurées, gain de temps de vente) qu’ils augmentent aujourd’hui la part de leurs produits à distribuer au travers de ce système et réduisent le nombre de marchés. La gestion des stocks et les aspects comptables peuvent être laborieuses au début mais une fois mis en place, certains producteurs sont très demandeurs explique Agnès. Anne de l’ADEAR 13 explique que pour quelques paysans, cela a été l’opportunité de développer d’autres circuits de commercialisation plus proches de chez eux et de réfléchir à une nouvelle organisation de leur travail, et n’ont donc pas repris les marchés. Comme des initiatives de vente à la ferme en direct, ou à plusieurs producteurs, ou des regroupements de livraison à domicile. Cependant, elle note que la grande majorité ont repris les marchés. Les outils numériques coopératifs, tels que cagette.net (logiciel libre qui permet de faciliter la vente directe de produits entre producteurs et consommateurs au travers de groupements d’achat), ont été également rapidement intégrés par certains acteurs afin d’augmenter l’efficacité de la gestion des commandes, notamment les drives paysans soutenus par l’ADEAR et les particuliers qui se sont organisés dans la commune de Meyrargues. Depuis, explique Antoine, cela a ravivé la discussion de développer sur la commune une "plateforme paysanne" et a permis de mobiliser encore davantage sur le sujet. Si de nombreux circuits ont retrouvé leur fonctionnement habituel, certaines initiatives expérimentées pendant le confinement se pérennisent et font l’objet de discussion au sein des acteurs pour leur structuration potentielle à terme. Dans l’épicerie Terre de Potage, la possibilité de livraisons à domicile pour les personnes ne pouvant pas se déplacer restent possibles dans la localité, avec un nouveau service de livraison à vélo avec remorque. L’épicerie paysanne ADELE a également décidé de maintenir cette option de panier de saison, en plus du retour du libre-service dans l’épicerie. Les drives soutenus par l’ADEAR par contre ont à nouveau laissé la place aux marchés. Il n’est pour l’instant pas d’actualité de les pérenniser explique Anne, à moins qu’il y ait une demande de la part des producteurs. L’initiative Du marché au palier s’est poursuivie après la fin du confinement pour répondre à la demande encore soutenue de certains quartiers et à l’intérêt de plusieurs producteurs. La demande, demeure en effet, même si elle a diminué, alors même que le marché de la Joliette est à nouveau ouvert, et qu’il voit le nombre de ses clients augmenter par rapport à l’avant confinement. Aujourd’hui, il est donc envisagé de pérenniser l’initiative pour ces quartiers et d’identifier un point de retrait fixe pour la distribution aux particuliers. Les producteurs envisagent également de s’adresser aux professionnels de la restauration et un site pour les professionnels est en construction. Ce qui s’est passé pendant le confinement, c’était exceptionnel, note Chloé. Le système Du marché au palier a une belle offre et la demande y est, donc il est important de continuer. Les gens ont découvert des produits et cette crise a créé un déclic face au manque de circuits courts dans certains quartiers, notamment au sud de la ville. De même, le système de drive et de redistribution mutualisée des produits non maraîchers testé pendant le confinement par les Paniers Marseillais, va aujourd’hui être conservé tout en gardant des évènements type marchés pour permettre la rencontre avec les producteurs et les faire découvrir à de potentiels nouveaux clients. Au sein des Paniers Marseillais, la réflexion sur un système logistique viable pour les adhérents et les producteurs est très présente depuis trois ans et le système de drive mutualisé mis en place pendant la crise répond en partie à cette problématique. L’afflux de nouveaux consommateurs vers les circuits courts s’est ralentie après le confinement, même si l’intérêt reste fort, et soulève l’importance de la sensibilisation et la fidélisation de ces nouveaux clients Dans l’épicerie Terre de Potage, quelques mois après le déconfinement, l’activité n’est pas aussi intense, également due au fait que le marché paysan hebdomadaire a réouvert, mais de nombreux nouveaux clients ont été fidélisés et ont changé leurs habitudes et la demande reste forte selon Alexandra. Les chiffres ne sont pas au niveau du pic de consommation au cœur du confinement mais cependant supérieurs aux années précédentes. Cette tendance pourra être confirmée ou non en hiver, selon elle, lorsque le marché paysan sera fermé. De même, pour l’épicerie ADELE, où la demande a certes baissé après le déconfinement, l’intérêt des clients demeure. « On observe de plus en plus de demandes sur les épiceries paysannes et cet épisode a renforcé la tendance note Agnès. Une raison supplémentaire de soutenir l’émergence d’épiceries paysannes en ville. » Aux Paniers Marseillais, environ une centaine des nouvelles familles ayant acheté des paniers pendant le confinement sont devenus adhérents (sur 500 familles qui avaient acheté des paniers pendant le confinement). Mais pour Agnès, cette période très particulière a surtout été l’opportunité de toucher des personnes qui n’étaient pas nécessairement familières avec l’agriculture paysanne. « J’ai vraiment foi dans le circuit court et je pense qu’aujourd’hui cette crise a permis aux personnes qui jusqu’à présent étaient en réflexion, de passer en mouvement. Bien sûr on va perdre des familles, mais ce shift, ce qui s’est passé là, ça n’a pas de prix. Les familles ont vécu cette expérience, ont goûté les produits, ont rencontré les producteurs. C’est un premier déclic qui peut porter ses fruits sur le moyen terme. L’enjeu pour nous aujourd’hui va être de pérenniser ces gens là. D’où l’importance de poursuivre les efforts d’information et de sensibilisation de tous les acteurs » C’est d’ailleurs pour sensibiliser davantage que les Paniers Marseillais ont créé pendant le confinement un outil pédagogique. Développé dans l’urgence pendant le confinement, l’équipe est maintenant en train de travailler sur une version plus aboutie pour l’utiliser comme outil pédagogique à part entière dans chacune des associations adhérentes : pour expliquer l’approche d’une AMAP, de l’agriculture paysanne, de l’importance de consommer sain et local. Avec l’explosion des demandes des paniers découvertes au mois (4 paniers hebdomadaires) pendant le confinement, ces paniers vont également être généralisés. Si ces paniers ne permettent pas un engagement des familles propre au fonctionnement d’une AMAP, ils constituent un outil de sensibilisation et de découverte très important selon Agnès, et ont l’avantage d’attirer un nouveau public et de lui faire découvrir la démarche. La question du prix a également été soulevé par plusieurs acteurs. Pour Chloé, productrice, la question est aujourd’hui de savoir si les gens sont prêts et en capacité à mettre de l’argent dans une alimentation de qualité, alors qu’on a été habitué à des prix particulièrement bas. Les professionnels selon elle sont donc amenés à s’adapter et se positionner pour se rendre accessibles et attractifs. La sensibilisation des consommateurs et la représentation mentale du prix d’un produit est un enjeu important, ajoute Christelle, pour les circuits qui visent à proposer des produits de qualité et à garantir une rémunération juste pour les producteurs. La résilience de ces circuits en question : pistes de réflexion pour poursuivre leur consolidation. Il ressort de ces témoignages, bien qu’ils ne représentent que l’expérience des structures concernées et ne peuvent constituer une généralité, que ces circuits ont traversé une période particulièrement riche. Cette crise a mis en lumière l’intérêt fort des consommateurs pour ces circuits et la grande capacité d’adaptation de ses acteurs. Les mois qui suivront permettront d’observer la tendance à moyen terme et d’établir si cette période a été un réel accélérateur pour les circuits courts et leur essaimage à travers le territoire. Ces retours d’expérience soulèvent également des contraintes communes. La surcharge de travail et la pression exercée sur les producteurs et tous les acteurs interrogés met en lumière l’enjeu important des ressources humaines dans ces circuits. Le métier d’agriculteur se pose dans ces exemples de façon de plus en plus complexe avec un l’arbitrage nécessaire entre le temps consacré à la production et celui consacré à la vente ou à la distribution. La dépendance de certaines structures à des forces bénévoles est également importante dans ces exemples. Tous témoignent d’une mise en tension importante de l’offre, partiellement compensée par la réduction des produits dont les débouchés ont été fermés. Ces observations posent la question de la connexion entre les différents débouchés et territoires mais aussi de la quantité suffisante d’une production locale et de qualité, sous-tendus par les questions d’artificialisation des terres agricoles et de la transmission des exploitations. L’importance des défis logistiques soulevés par les acteurs interrogés pose également la question de la dépendance de ces circuits au pétrole et des enjeux de diminution des gaz à effet de serre. Ces expériences font également écho à la question de la résilience des systèmes alimentaires, qui peut se définir comme la capacité d’un système alimentaire et de ses éléments constitutifs à garantir la sécurité alimentaire au cours du temps, malgré des perturbations variées et non prévues[1]. L’association des Greniers d’Abondance identifie différents critères de résilience appliquée aux systèmes alimentaires notamment : 1) La diversité (des productions, des variétés, des acteurs et de leurs interactions) pour permettre une plus grande adaptabilité lorsque le contexte évolue ; 2) l’autonomie du territoire, soit le fait de disposer localement des facteurs de production et de commercialisation pour subvenir aux besoins de base de ses habitants ; 3) la modularité et la connectivité du système fonctionnant par unités relativement autonomes mais pouvant se soutenir mutuellement ; 4) la redondance ou le fait qu’une même fonction soit assurée par plusieurs éléments du système ; et 5) la cohésion des acteurs qui facilite la solidarité, l’implication collective, les prises de décision, la flexibilité des interactions, le développement d’alternatives et l’évolution du système. La force mobilisatrice des circuits interrogés, la capacité d’adaptation et la diversité des initiatives lancées, la diversité des productions, la réactivité et l’inventivité des projets, l‘ancrage local, la cohésion et la solidarité entre différents maillons de la chaîne et l’apparition de nouvelles collaborations et acteurs, sont autant d’éléments qui s’inscrivent dans les caractéristiques de résilience et renforcent l’importance de développer encore davantage les circuits courts pour renforcer nos systèmes alimentaires. Les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT), en tant qu’outil de planification, de connaissance et de mise en réseau, offrent une opportunité majeure aux territoires, s’ils sont accompagnés d’une réelle volonté politique, de transformer en profondeur nos systèmes alimentaires et agricoles pour permettre une alimentation équitable, naturelle et territoriale pour tous. Le PAT des Bouches-du-Rhone, co-piloté par la Métropole Aix-Marseille-Provence et le Pays d'Arles est ainsi en cours développement. [1] Les Greniers d’abondance « Vers la résilience alimentaire. Faire face aux menaces globales à l'échelle des territoires », février 2020 Télécharger cet éclairage

  • Éclairage Covid-19 | Retour d’expériences de producteurs·trices et consommateurs·trices (Auvergne)

    La Fédération Régionale des Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu Rural (FR CIVAM) d’Auvergne est une association de loi 1901, agréée organisme de formation. Elle appartient au Réseau national CIVAM. Sa mission est d’accompagner des groupes de porteurs de projets dans leurs démarches de diversification de leurs activités et de professionnalisation : agriculture autonome et économe, alimentation durable et circuits courts, accueils en milieu rural. Fortement sollicitée par les producteurs et consommateurs tout au long du confinement imposé par la COVID-19, la FR CIVAM Auvergne a tenté dans l’urgence de proposer des solutions : organisation au maintien des marchés, lancement d’une cartographie participative des circuits courts, mise en place de drives fermiers,... Pour mieux préparer l’après-crise, la FR CIVAM Auvergne s’est donc tournée vers les consommateurs et les producteurs pour recueillir leurs expériences ainsi que leurs attentes vis-à-vis des circuits courts après la période de confinement à travers deux enquêtes. Télécharger la synthèse de ces enquêtes

  • Éclairage Covid-19 | L’agriculture insulaire au révélateur de la crise du coronavirus

    Note d'analyse La présente note s’appuie sur une série d’enquêtes téléphoniques ainsi que des contacts réguliers entre le Réseau agricole des îles Atlantiques et les agriculteurs, des acteurs des filières et des acteurs du développement agricole sur les différentes îles de la façade atlantique. Le RAIA est une association qui regroupe des agriculteurs, des citoyens et des élus dans l’objectif de faciliter le maintien et le développement d’une agriculture durable dans les îles de la façade atlantique française, en région Bretagne et dans les départements de Vendée et de Charente-Maritime. Ses membres se répartissent sur les îles de : Bréhat, Ouessant, Sein, Groix, Belle-Ile-en-Mer, Hoëdic, Arz, Yeu, Noirmoutier, Ré, Aix et Oléron. La note a été rédigée par Mary-Anne Bassoleil, animatrice du RAIA. Ce texte n'engage que son auteur·e et pas l'ensemble du collectif qui rédige les bulletins. Bilan de la crise Les situations des producteurs insulaires pendant la période de confinement ont été très contrastées. On peut toutefois identifier quelques grandes lignes directrices : Les activités dont le chiffre d’affaire est essentiellement lié à de la vente directe auprès d’une clientèle touristique saisonnière ont été très durement impactées : c’est le cas (entre autres) des sauniers indépendants sur les îles de Ré, Noirmoutier et Oléron, des viticulteurs réalisant de la vente directe (hors coopérative) à Ré et Oléron. De façon similaire, les activités d’agri-tourisme n’ont dégagé aucun revenu du fait du confinement. Le manque à gagner ne sera pas compensé, même si la saison estivale est correcte. Certains producteurs de viande, notamment ovine, ont été pris de court par l’impossibilité d’écouler leurs animaux sur le marché pendant la période de Pâques. Les animaux, gardés dans les fermes en attendant, risquent d’être dépréciés. Pour les autres productions, les effets de l’épidémie se sont fait moins durement sentir, même si des adaptations en matière de production ou de commercialisation ont été mises en place sur l’ensemble des exploitations insulaires. La production maraîchère, qui sur les îles est polarisée entre des activités de maraîchage sur de petites surfaces pour la vente directe (Yeu, Belle-Ile, Bréhat, Oléron…) et la production en plein champ pour la vente en coopérative (Noirmoutier, Batz), a pu dans certains cas tirer son épingle du jeu, grâce à la combinaison de plusieurs facteurs : irruption de l’épidémie à une période de creux de production, accroissement de la demande des consommateurs pour des produits maraîchers locaux sur les îles, capacité des coopératives à s’adapter aux demandes du marché tout en mettant en avant l’origine des produits. Malgré tout, certains maraîchers ont dû détruire leurs productions, en particulier celles destinées au marché de la restauration. Dans l’ensemble, les activités qui ont le moins pâti de la situation sont celles disposant d’une bonne autonomie (intrants, main d’œuvre, capacité de transformation et de stockage des produits) et de débouchés réguliers sur l’année et décorrélés de l’activité touristique. Les installations en cours, et plus largement les activités nécessitant le recours à des entreprises extérieures (travaux, aménagement, réparation ou livraison de matériel) ont été grandement retardées par la réduction des dessertes en transport maritime et des activités postales. En effet, les produits et matériels agricoles ne sont pas considérés comme prioritaires. Enfin, l’épidémie a reporté des évolutions stratégiques en cours : création de GAEC, projets de diversification, embauches. L’ensemble des professionnels s’accorde sur le fait que le bilan économique de la période ne pourra être tiré qu’en septembre : le retour à la normale est variable d’une île à l’autre, selon la rapidité de remise en place des liaisons maritimes notamment. Ce que la crise nous révèle des systèmes agricoles insulaires L’expérience du coronavirus a ainsi joué un rôle de révélateur en mettant en lumière la fragilité du modèle économique global du secteur agricole sur les îles. 1. Des productions alimentaires insuffisantes ou déconnectées des besoins locaux Elle a pointé la déconnexion entre la production agricole insulaire et l’approvisionnement alimentaire de la population locale. Cette déconnexion est de deux ordres et diffère selon les îles considérées : faiblesse ou inexistence de la production, non-corrélation entre les besoins alimentaires du territoire et les productions. Sur de nombreuses îles, la production est calibrée pour satisfaire les besoins d’une filière d’exportation sur le continent et/ou de la clientèle touristique estivale(1). Elle est donc commercialisée dans des circuits relativement distincts des circuits d’approvisionnement des résidents insulaires. En effet, parmi la population vivant sur les îles « à l’année », le recours aux circuits d’approvisionnement alternatifs de proximité reste limité (à l’image de l’ensemble de la population française moyenne) au profit de l’approvisionnement en GMS. Il y a donc une relative absence de recoupement entre l’offre alimentaire proposée par les producteurs en circuits de proximité (plutôt orientée vers la clientèle touristique « libre de son temps ») et la demande des résidents à l’année. Décorréler la vente de produits agricoles insulaires de la saisonnalité touristique nécessite de renforcer les possibilités de recoupement offre/demande à l’année. De nouveaux partenariats équitables sont donc à imaginer. Il peut s’agir de nouveaux modes de partenariats entre producteurs et GMS, entre producteurs et artisans de bouche, ou encore la mise en commun de productions au sein de boutiques de producteurs, de drive, d’AMAP, pouvant constituer une alternative intéressante aux GMS grâce à la présence en un même lieu de différents produits, ce qui évite la multiplication des trajets souvent pointée comme un frein. Un autre moyen de décorréler l’offre agricole de la saisonnalité touristique (et de la concurrence exacerbée en cas de disparition d’un débouché) est la diversification des activités : sur certaines îles, force est de constater d’une part, une spécialisation importante (viticulture, élevage ovin, maraîchage sur l’île de Batz…) générant alors un volume de produits identiques très largement supérieur aux besoins des résidents permanents, et d’autre part, l’inexistence de certaines productions (fruits, céréales, volailles, œufs…). Néanmoins sur la plupart des îles, les volumes totaux d’aliments produits sont tout simplement insuffisants voire inexistants au regard des besoins alimentaires locaux. Il est donc nécessaire, dans une perspective à moyen terme d’amélioration de l’autonomie alimentaire locale, d’adopter des dispositions en matière d’accès au foncier et infrastructures facilitant l’installation agricole et la transmission avec des projets diversifiés. Enfin, les coûts de production sur les îles sont plus élevés que sur le continent, même pour les exploitations agricoles très autonomes, ce qui se traduit par un prix des produits plus élevé que la moyenne. Pour autant, la présence d’une agriculture extensive et respectueuse de l’environnement sur les îles rend de nombreux services gratuits à la collectivité (entretien du paysage et des réseaux hydrauliques, protection de la biodiversité, réduction de la vulnérabilité aux aléas naturels comme les incendies ou inondations). Ces services pourraient être rémunérés par un système de paiement pour services environnementaux mis en place par les collectivités insulaires, qui permettrait de renforcer le modèle économique des exploitations. 2. Une dépendance accrue pour les agriculteurs insulaires au transport pour la transformation et la vente L’épidémie a également montré la nécessité de disposer d’infrastructures permettant de transformer les produits bruts sur place pour en reporter la vente, ainsi que les possibilités existantes de mutualisation de ces infrastructures. En effet, plusieurs producteurs ont été contraints de détruire leurs produits, ou de les vendre à un prix inférieur à leurs coûts de production pour faire face à l’impossibilité de les écouler via les débouchés habituels. Disposer d’outils facilitant la fabrication et le stockage de produits de report (laboratoire de transformation, autoclave, moulin, congélateur…) aurait permis d’éviter ces pertes. La mutualisation de ces outils, qui peut nécessiter des adaptations en matière de réglementation sanitaire, permettrait de limiter la construction d’infrastructures sous-utilisées. Cette logique de maîtrise de la chaîne de fabrication et de commercialisation peut se transposer à la problématique du transport, notamment maritime. La mise en place de Plans de transport adaptés lors de la crise pour la desserte maritime a été très contraignante pour les agriculteurs et a souligné leur dépendance à des chaînes logistiques dont ils n’ont pas la maîtrise. L’exemple de l’île de Batz, où les agriculteurs sont pour partie propriétaire de la barge de transport qui assure le passage des légumes vers le continent, ou encore du camion de lait de Belle-Ile, assimilé à un service public pris en charge par la collectivité et donc considéré comme prioritaire sur le bateau, montre que la reprise en main d’au moins une partie de la chaîne logistique est un facteur sécurisant en cas de modification des conditions d’exercice de l’activité. Cette situation nous interpelle également sur la notion de biens de première nécessité : en effet, les produits nécessaires à l’activité agricole ont la même finalité que les biens alimentaires, à savoir nourrir la population. Il est donc important de reconsidérer la qualification des biens agricoles dans les documents qui régissent les dessertes maritimes. 3. La dimension collective, un levier d’adaptation et un moyen pour encourager la disponibilité « multi-canaux » des produits locaux La crise a montré l’utilité et la pertinence des dispositifs collectifs ou multi-acteurs. Ainsi les magasins de producteurs, les coopératives, les collectifs, ont permis aux producteurs de ne pas être démunis face à la perte de débouchés, d’avoir plus de poids dans les demandes adressées aux élus locaux (notamment pour le maintien des marchés) et de trouver plus facilement des débouchés alternatifs. Au-delà des entités formelles, les proximités informelles préexistantes entre les acteurs ont favorisé la mise en place d’adaptations. On peut ainsi citer l’exemple d’un éleveur fournisseur d’un supermarché insulaire : ayant fait remonter au gérant du supermarché ses difficultés à écouler tous ses animaux, celui-ci l’a mis en relation avec les autres supermarchés de la même enseigne sur le continent. Il est donc important d’encourager le développement des dispositifs favorisant l’interconnaissance entre acteurs professionnels. Les Projets alimentaires territoriaux sont un exemple, mais on peut également citer les collectifs citoyens, les groupements d’achat, les AMAP, les filières locales… Par ailleurs, l’exiguïté des îles rend nécessaire une concertation entre les producteurs afin d’optimiser la gestion collective des débouchés possibles, évitant la concurrence et permettant de rendre disponibles les produits locaux dans tous les canaux de distribution, dont la plupart sont aujourd’hui sous-employés (cf. point 1). Cette concertation ne pourra se faire sans un cadre collectif idoine. La dimension collective de l’action doit s’entendre également au sens d’une prise en compte par les élus et collectivités des attentes des citoyens-consommateurs : ainsi, une enquête réalisée par la mairie de Palais (Belle-Ile-en-Mer) auprès des habitants afin d’identifier les axes de travail prioritaires en sortie de confinement a révélé que les deux préoccupations majeures des habitants étaient : « l’écologie et la biodiversité », suivies de « l’agriculture ». Cet exemple précis reflète la montée en puissance de la demande citoyenne pour une agriculture de proximité, c’est-à-dire porteuse de liens fonctionnels et positifs avec les non-agriculteurs, et respectueuse de l’environnement. Entendre cette demande signifie pour les collectivités agir de façon ambitieuse et efficace pour le développement sur les îles d’une agriculture correspondant à ces souhaits. Télécharger cet éclairage (1) Cette situation de dépendance au tourisme est globalement généralisable à l’ensemble des activités économiques insulaires : l’office du tourisme de Bréhat, suite à une enquête réalisée auprès des entreprises de l’île, a ainsi estimé que 70 % de l’activité économique de l’île dépendait du tourisme à la journée et à la semaine.

  • Éclairage Covid-19 | Les enseignements du contexte de crise sanitaire sur les circuits courts (35)

    Le groupement des agrobiologistes d'Ille et Vilaine est le grand acteur du développement de la bio sur le département. Via de l'accompagnement technique, sur la réglementation, la transformation, la structuration de filière ou encore la distribution, il accompagne les producteur·trice·s bio d'aujourd'hui et demain. Ce texte n'engage que son auteure et pas l'ensemble du collectif qui rédige les bulletins. Dès le début de la crise sanitaire nous avons été sollicité par nos adhérent·e·s pour qui le confinement a entraîné un déséquilibre dans leurs débouchés : restauration collective ou marchés supprimés, etc. Lors des premières semaines nous avons travaillé à la transmission d'informations sur les règles sanitaires relatives aux différents débouchés, à la mise en lien de l'offre et la demande ou encore à la mobilisation des collectivités pour le maintien des marchés de pleins vents. Il est ensuite venu le temps de réaliser une enquête afin de comprendre : Comment les producteur·trice·s vivaient cet épisode ? Quel était l'impact sur leurs débouchés ? Sur leurs fermes ? Quel était leur ressentis ? Les résultats que vous trouverez complet ici, nous donnent une image de la situation en Ille et Vilaine. Mais arrêtons-nous sur quelques chiffres : Pour beaucoup, l’activité commerciale s’est adaptée au contexte, le vente à la ferme a bien fonctionné tout comme la vente en ligne ou les magasins de producteurs. Sans surprises se sont les débouchés en restauration collective et restauration commerciale qui ont les plus diminués. Cette pandémie a mis comme un coup de projecteur sur nos fermes et nos activités de commercialisations. Le consommateur avec son regain d’intérêt nous a surpris les premières semaines. Et il nous a ouvert les yeux sur nos besoins de mise en réseau toujours plus fort. Agricultrice bio, Ille et Vilaine Bien qu’utile d’un point de vue communication, cette pandémie a engendré des difficultés pour les producteurs : La principale difficulté rencontrée pendant cette période a été la surcharge de travail. Surtout pour la vente directe : un système de paniers en précommande est chronophage comparé au marché classique. Engendrant alors un épuisement moral, physique et des problèmes de disponibilité auprès des enfants. 35% ont écoulé leurs stocks prématurément, principalement pour les maraîchers se trouvant dans une période creuse de légumes avec une demande importante. Pour atténuer l’écoulement des stocks, certains ont limité les commandes. Enfin, 1/4 des répondants ont eu des difficultés liées à la garde des enfants. Cette crise a remis notre métier au cœur de la société. Je n’ai pas compté le nombre de MERCI de la part de nos clients qui passaient au magasin à la ferme. Mais là encore, nous avons du travail à faire pour que notre métier soit mieux reconnu et considéré par les autorités. Aujourd’hui, nos enfants ne sont toujours pas reconnus comme prioritaires pour avoir accès à l’école Agricultrice bio, Ille et Vilaine La réalité du confinement pour les producteurs bio d’Ille et Vilaine « ce sont des journées à rallonge, un manque de temps à consacrer à nos enfants pour le travail scolaire à la maison… Si aujourd’hui le personnel soignant peut souffler après avoir beaucoup donné contre ce virus, nous sommes toujours en pleine action et on ne nous offre pas de solution. » Agricultrice bio, Ille et Vilaine Cette crise sanitaire aurait été bien pire, et les retombées économiques et sociales catastrophiques si les producteurs ne s’étaient pas mobilisé pour assurer la continuité de notre système alimentaire. Pourtant, aujourd’hui encore, ils ne sont pas reconnus comme « personnel prioritaire » aux yeux de l’état. Illustration : Magasin de producteurs Brin d'Herbe

  • Éclairage Covid-19 | Réflexions sur l’impact de la pandémie en Argentine ...

    et la possibilité de renforcer les systèmes alimentaires locaux Par Clara Craviotti, Chercheure au Conseil National de la Recherche Scientifique et Technique (CONICET) au Centre d’Etudes de Sociologie du Travail, Université de Buenos Aires (CESOT-UBA) (1) Ce texte n'engage que son auteure et non l'ensemble du collectif qui rédige les bulletins. La COVID-19 est arrivé en Argentine le 3 mars, le premier cas détecté provenant d’Italie. Le 20 du même mois, le gouvernement national a établi le confinement obligatoire, qui a été postérieurement flexibilisé dans certaines régions du pays, mais continue dans la région métropolitaine de Buenos Aires (AMBA), avec un durcissement plus élevé prévu pour à partir de juillet où « pic » de nouveaux cas est attendu. Dans cette région de 13,6 millions d’habitants réside le 34% de la population argentine (INDEC, 2010). Comme prévu, le confinement a réduit la propagation du virus. L’Argentine avec 1 124 décès signalés au 25 juin présente un des taux les plus bas au niveau latino-américain (25 décès par million d’habitants), avec ses voisins Uruguay et Paraguay. Mais dans le même temps, la pandémie et les mesures strictes de confinement mises en place se déroulent dans le contexte d’une grave situation socio-économique. En décembre 2019, la pauvreté touchait 36% de la population argentine, et le chômage montait à 10% de la population économiquement active. Le niveau d’endettement, quant à lui, représente 90 % du PIB, et ce dernier a connu une baisse de 4 % au cours des quatre dernières années (Manzanelli et al., 2020). On estime qu’en 2020, l’activité économique pourrait diminuer de 8 à 10 % et qu’entre 750.000 et 820.000 emplois seront perdus (Nations Unies, 2020).(2) L’approfondissement des inégalités préexistantes est prévisible à court terme en raison de la baisse des revenus et de l’emploi. Toutefois, il existe des différences régionales marquées sur l’impact de la pandémie. Considérant la plus forte diminution de l’activité dans l’AMBA due au confinement, et parce que cette région concentre la plus grande proportion de personnes infectées, les zones moins densément peuplées de l’Argentine peuvent valoriser leur rôle pour la production d’aliments essentiels à la vie quotidienne, et comme des lieux où, dans certains cas, on trouve des meilleures conditions de vie.(3) Mais quels sont les impacts de cette crise sur le système alimentaire du pays ? Quels changements peuvent être identifiés, qui pourraient être mis à profit pour des actions et des politiques en faveur d’un système alimentaire plus durable ? Cette réflexion peut commencer par souligner que du point de vue strictement sanitaire, il y a eu des cas de COVID-19 dans des entreprises agroalimentaires qui concentrent habituellement un grand nombre de travailleurs, tels que les abattoirs et les marchés en gros de fruits et légumes. Cela a déterminé des fermetures de certains d’entre eux pour quelques jours et la mise en œuvre de différents protocoles de santé par activité.(4) Ces faits, conjugués à l’augmentation des contrôles de police lors du transfert de marchandises, sont quelques-unes des raisons pour expliquer la hausse exceptionnelle des prix des denrées alimentaires, en particulier des produits frais, au cours des premières semaines du confinement.(5) Les ménages ont déployé des stratégies d’adaptation face à la hausse des prix et aux restrictions de mobilité (Craviotti, 2020) : entre d’autres, ils ont diminué l’achat de certains produits (dont la consommation est déjà en temps habituel inférieure aux recommandations des guides alimentaires, tels que les fruits et légumes), et ont augmenté celui des produits non périssables. Il y a eu d’autres circonstances tout aussi importantes du côté de la demande, comme les changements constatés dans les pratiques alimentaires. Nous voulons les considérer à l’aune de la (possible) transition vers un système alimentaire plus durable. La pandémie a eu un impact significatif sur les comportements et les perceptions ; dans ce contexte, certains lieux et activités sont devenus essentiels et d’autres ont perdu de l’importance. Parmi les premiers, nous notons l’intérêt pour les (multiples) usages des espaces dans les foyers ; dans les activités, toutes celles liées à la planification des repas, l’accès aux produits, leur achat et leur préparation, ainsi qu’une nouvelle commensalité, qui dont le rôle est devenu central. Un membre d’un réseau de commercialisation « solidaire » a réfléchi sur ce sujet dans le cadre d’un séminaire, en indiquant que la pandémie a renforcé la proposition de consommation organisée et planifiée qui caractérise son secteur. La crise a également élargi l’utilisation d’outils d’achat numériques qui étaient déjà expérimentés, basés sur un logiciel libre (INTA, 2020). Ceci met au premier plan le besoin de personnes dédiées à la gestion de ces ressources et d’équipes de communication qui traitent les contenus à télécharger sur les platesformes de médias sociaux. D’autre part, l’augmentation du temps passé par la famille à la cuisine et la baisse de l’achat de repas prêts-à-manger donnent l’occasion de réfléchir à ce que nous mangeons, d’où vient notre nourriture et la façon dont ces aliments sont produits. En ce qui concerne les pratiques alimentaires, la préparation de repas implique d’internaliser des tâches préalablement externalisées pour lesquelles, dans des situations normales, il n’y a parfois pas de choix réel ou la marge de manœuvre est réduite. Ici, nous pouvons faire un parallèle avec les circuits de commercialisation courts pour les producteurs, qui impliquent l’internalisation des tâches de transformation et commercialisation autrement déléguées à des agents externes. Ainsi, en tant que chercheurs préoccupés par l’évolution du système alimentaire, nous pouvons nous demander si ces comportements entraînés par la pandémie se cristallisent dans de nouvelles pratiques qui conduisent à une nouvelle géographie de la production et de la consommation alimentaires, et s’ils facilitent la transition vers un système alimentaire alternatif. Il est clair qu’il n’y a pas de réponses concluantes, car les données que nous avons indiquent des directions différentes. D’une part, dans les grandes villes et les villes intermédiaires d’Argentine, les canaux d’achat des denrées alimentaires ont été modifiés en fonction des restrictions de circulation. Le rôle des grandes chaînes de supermarchés et de leurs fournisseurs établis a été rapidement affirmé. De plus, la baisse de la demande des établissements de préparation et vente de repas (restaurants, entre autres) a affecté les petites entreprises qui vendent des produits pour approvisionner ces canaux. Au contraire de ces tendances, certains marchés alternatifs qui relient la population urbaine à l’agriculture familiale ont connu un accroissement. Ainsi on constate le renforcement des circuits existants de distribution des paniers de légumes, et la profonde réorganisation des dispositifs basés sur la vente directe, comme les marchés de producteurs (qui ont été suspendus et transformés en livraisons à domicile). Tout cela a été rendu possible par l’utilisation intensive des technologies numériques de l’information et de la communication. C’est un phénomène qui a été aussi vérifié dans d’autres pays d’Amérique latine comme l’Équateur et le Brésil, et dans des pays centraux comme la France et le Royaume-Uni (IPES Food, 2020). Cette homogénéité attire l’attention, car parce qu’elle a eu lieu malgré les disparités qui existent entre les pays. L’augmentation des marchés alternatifs est causée par diverses motivations : certaines sont de type instrumental ; pour de nouveaux consommateurs l’achat est associé à l’aspect pratique, lié à la nécessité de réduire les déplacements et aussi le coût de ces articles. Dans d’autres cas il existe des motivations idéologiques et politiques, comme le soutien à certains secteurs. Vu du côté de l’offre, on ne trouve pas seulement l’intention de profiter de la plus forte demande pour croître ; certains cas mentionnent également des dons alimentaires aux organisations communautaires (Castelli, 2020), générant et renforçant les liens avec des secteurs populaires. Quoi qu’il en soit, ces changements ont apporté d’autres : ils ont intégré un plus grand nombre de producteurs, de consommateurs et inclus d’autres produits à la distribution de paniers de légumes. Par exemple, dans le marché territorial de l’Université Nationale de Quilmes, qui compte déjà 95 nœuds de consommation, l’expansion de la demande à cause du confinement a conduit à la création de nouveaux nœuds et à incorporer des nouvelles organisations de producteurs (Interview, 2020). Cependant, nous ne pouvons pas ignorer que ces processus bénéficient davantage aux groupes de producteurs le plus organisés et proches des villes (en particulier les plus grandes) qui déjà utilisaient des technologies numériques pour la vente de leurs produits. L’information nous manque sur la situation de ceux qui n’ont pas été capables d’adapter leurs formes de vente aux restrictions imposées à la commercialisation. D’autre part, l’augmentation de la demande de paniers de légumes a mis en évidence les limites existantes dans les réseaux alternatifs (INTA, 2020), non seulement ceux de nature matérielle, mais aussi en termes de conditions des personnes dédiées à la logistique. Il y a en conséquence de fortes demandes de financement pour renforcer les infrastructures de production et de vente, l’accès à la connectivité numérique, ainsi qu’aux actions de formation pour faciliter l’utilisation de ces technologies. Avec un regard à moyen terme, il est important de noter que la croissance de ces canaux alternatifs d’approvisionnement alimentaire permet une plus grande visibilité pour l’agriculture familiale et les systèmes locaux d’approvisionnement alimentaire. Par conséquent, elle offre de nouvelles possibilités pour l’organisation du secteur en vue de la commercialisation et de son positionnement d’un point de vue politique en tant qu’acteur fondamental de la production pour le marché domestique, ce qui lui permet de renforcer sa présence à l’agenda des politiques publiques. D’un autre point de vue, la pandémie met au premier plan les actions nécessaires pour renforcer le lien entre les politiques de sécurité alimentaire et celles visées à l’agriculture familiale. Avant le début de la pandémie, le gouvernement qui a pris ses fonctions en décembre 2019 a lancé le Plan Argentine contre la faim (Plan Argentina contra el Hambre), qui comprend la livraison d’une carte de crédit aux ménages pauvres et aux travailleurs informels pour effectuer des achats de nourriture (Tarjeta Alimentar = carte alimentaire). Dans les premières étapes du plan, un effort a été fait pour stimuler des modes de consommation plus sains grâce à des conférences données par des nutritionnistes, ainsi que pour canaliser cette demande vers l’économie populaire par l’installation de marchés à côté des lieux de livraison des cartes. Il s’agissait d’un effort visant à unir les deux points de la chaîne (producteurs et consommateurs) qui, en raison du confinement, ne s’est pas concrétisé. Dans le même ordre d’idées, un canal d’approvisionnement pour les achats publics de denrées alimentaires provenant de l’agriculture familiale n’a pas encore été établi, comme il existe au Brésil. On a besoin de faciliter la gestion des contrats avec l’État et ses formes de paiement. Cela implique aussi la nécessité d’une plus grande formalisation des activités des organisations de producteurs familiaux, avec toutes les controverses que cela suscite. La croissance des initiatives dans les derniers temps ne doit pas nous faire oublier qu’elles sont encore des expériences limitées et qu’il y a une crise économique qui s’aggrave et qui a un fort impact sur les revenus de la population et aussi sur la consommation alimentaire. Les chaînes axées sur l’exportation, dans lesquelles le pays est un acteur important, sont également confrontées à une réduction de la demande internationale.(6) Cependant, cette production est soutenue et est comparativement moins affectée que les autres activités de l’économie. Par conséquent, elle restera comme base fondamentale pour la fourniture de devises, en particulier en raison du niveau d’endettement de l’Argentine. Il est alors nécessaire de revenir à la question mentionnée plus tôt : dans quelle mesure les processus générés par la pandémie conduisent-ils à une nouvelle géographie de la production et de la consommation alimentaires, et facilitent-ils la transition vers un système alimentaire alternatif ? En termes de la perspective des régimes sociotechniques (Spaargaren et al., 2012), les changements identifiés se produisent-ils dans le niveau des niches, ou on peut envisager des changements de régime, plus systémiques ? Bien que certaines lignes directrices commencent à apparaître en ce qui concerne la mise en valeur de l’agriculture familiale et la production de proximité, nous soutenons l’idée que dans des pays comme l’Argentine qui sont structurellement exportateurs de matières premières et denrées alimentaires, la tension entre le renforcement du secteur d’exportation et le soutien au secteur de la production alimentaire pour le marché intérieur sera exacerbée. Les politiques publiques sont alors essentielles pour empêcher l’expansion de cette agriculture d’exportation au détriment des actions visant à promouvoir la production et la consommation de proximité. Selon un rapport récent, l’une des nombreuses leçons données par la pandémie est l’importance de raccourcir les chaînes agroalimentaires et de renforcer les marchés locaux qui assurent l’accès à des biens fondamentaux comme la nourriture et offrent l’opportunité pour une production alimentaire plus saine et accessible pour la population et la création d’emplois plus résilients (Nations Unies, 2020). Aussi, elle a mis au premier plan le besoin d’activer des « ceintures vertes » à côté des villes, qui parfois n’existent pas ou ont disparus. Il est important de penser à ces systèmes alimentaires territoriaux dans des périmètres qui ne sont pas directement calqués sur les juridictions administratives. La pandémie est l’occasion de repenser ces aspects, et de mettre en avant de nouvelles modalités de gouvernance. Télécharger cet éclairage (1) Diplôme en Sociologie de l’Université de Buenos Aires (UBA), Master en Sciences Sociales avec mention en Etudes Agricoles de la Faculté Latino-américaine de Sciences Sociales (FLACSO), Doctorat en Géographie, Université de Buenos Aires (UBA). Chercheure au Conseil National de la Recherche Scientifique et Technique (CONICET) au Centre d’Etudes de Sociologie du Travail, Université de Buenos Aires (CESOT-UBA). Courrier électronique : ccraviotti@yahoo.com (2) Compte tenu de la probabilité de l’aggravation de la situation sociale, en particulier de la population vulnérable, le gouvernement national a mis en œuvre un certain nombre de politiques, y compris le renforcement de l’aide alimentaire directe, la mise en place d’un « revenu familial d’urgence » qui concerne actuellement neuf millions de travailleurs informels et en chômage, le personnel domestique et les travailleurs indépendants à faible revenu, ainsi que des aides partielles aux entreprises pour payer les salaires de leurs travailleurs. Toutes les mesures représentent environ 5 % du PIB (Manzanelli et al, 2020). (3) Selon les données du recensement de la population de 2010, près de 23 % de la population urbaine réside dans des quartiers vulnérables, avec une forte concentration de privations. (Argentine, 2016) (4) https://www.argentina.gob.ar/coronavirus/protocolos (5) Selon la FAO, pendant mars et avril 2020, neuf des onze pays d’Amérique Latine ont montré un taux mensuel d’inflation dans l’alimentation au-dessus des valeurs moyennes, principalement l’Argentine, la Colombie, le Guatemala, le Pérou et l’Uruguay. (6) L’OMC estime une baisse du commerce international entre 13 % et 32 % pour cette année (Manzanelli et al. ,2020)

  • Call for papers | Gouvernance des standards de durabilité dans les filières agri/agroalimentaires

    Mélise Dantas Machado Bouroullec (INRAE - INP - Ecole d'Ingénieurs de Purpan), membre du RMT Alimentation locale, participe à la coordination d'un numéro spécial de la revue SAFS (Systèmes Alimentaires/Food Systems) pour lequel nous vous transmettons cet appel à communication. Ce numéro spécial de la revue SAFS sera consacré à la gouvernance des standards de durabilité dans les filières agricoles et agroalimentaires. L’objectif de l’appel à communication est de fournir un état de la recherche sur la question de la gouvernance des normes de durabilité agroalimentaire et agricole, avec un accent particulier sur : les cas d’étude, les comparatifs entres pays et régions, les phases de la mise en place des normes de durabilité, les approches théoriques de la gouvernance multiniveau, les impacts positifs et/ou négatifs sur les parties prenantes des filières agroalimentaires, les nouveaux rôles des organismes de certification, ainsi que le rôle des normes de durabilité dans l’accès aux marchés, la crédibilité et le signalement des normes au niveau des consommateurs. Les méthodologies, expériences et cas d’études avant-gardistes sont concernés, qu’ils soient mises en places par des groupes de consommateurs, groupes de producteurs ou des institutions alternatives. Télécharger l'appel à communication scientifique

  • Bulletin de partage 5 - La mise en avant des politiques territoriales

    les acteurs convergent pour estimer que les politiques territoriales, depuis les micro-décisions des maires jusqu’aux stratégies concertées, ont un poids déterminant dans la juste réponse à la crise. Mais ils soulignent aussi qu’un cadre national favorable est requis. La presse a largement couvert les initiatives nées de la crise. Au sortir du confinement, elle souligne les relations originales qui se sont instituées. Ainsi, le 27 mai, l'édition de Rennes de Ouest France donne la parole à des restaurateurs qui se sont improvisés distributeurs de produits locaux et souhaitent continuer : “autre initiative qui a survécu au confinement : la distribution de paniers de produits locaux par six restaurateurs rennais. « Nous avons lancé ce projet pour faire travailler les producteurs du coin, qui étaient dans une situation difficile, explique Sybille Sellam, du restaurant Le Bercail. Nous avons eu un super accueil, les gens étaient très contents de retrouver ces produits. ». Pendant le confinement, les restaurateurs ont écoulé jusqu’à 160 paniers par semaine. Là aussi, la demande a baissé la semaine dernière, mais il y a toujours des clients. « Il est encore un peu tôt pour savoir si les gens ont vraiment pris de nouvelles habitudes, mais on y croit », ajoute Sybille Selam. Au Bercail, Sybille Sellam et Grégoire Foucher ne se sont pas contentés de la distribution de paniers : ils ont transformé leur restaurant en épicerie de produits locaux, ouverte du mardi au samedi, de 10 à 19 h. Ils proposent également des plats à emporter, préparés au barbecue, le mercredi, jeudi et vendredi midi, à l’Eclozr, sur l’ancien site de la CCI Bretagne. Et ils comptent bien continuer. « Nous n’allons pas rouvrir le restaurant le 2 juin, car on veut que ce soit convivial et on ne souhaite pas faire la police entre les clients inquiets et les autres, explique Sybille Sellam. Et finalement, l’épicerie locale nous amuse beaucoup, c’est un nouveau métier : depuis le début du confinement, on a acheté et débité trois cochons entiers ! On apprend et tant que cela sera possible, avec les aides de l’État, on continuera. » Dans cette même édition, Ouest France titre “les producteurs locaux rennais sont en train de se structurer en association et négocient avec la chambre d’agriculture pour continuer d’avoir accès à son parking, où se font les distributions”, se référant à un drive lancé pendant la crise. Concernant les institutions, des consommateurs ont pris conscience de l’importance des décisions locales, tel ce consommateur de l’Indre qui remarque le 11 mai : “les mesures mises en place par la mairie sur le marché (barrières, présence de la gendarmerie, restriction du nombre de stands alors qu'il y avait la place pour organiser deux marchés et avoir donc tous les producteurs habituels), a fait visiblement diminuer le nombre de clients. certains producteurs témoignaient qu'ils n'avaient jamais aussi peu vendu sur le marché de [...] alors que dans le même temps des marchés "secondaires" [...], voyaient leur chiffre d'affaires augmenter.” Ces transferts entre marchés ont également été notés en région rennaise, où un chargé de mission a enregistré que certains producteurs qui n’avaient plus de place dans les marchés de la ville centre se sont tournés vers les marchés des villes de la périphérie, qu’ils ont dynamisés. Une enquête auprès des élus de Rennes Métropole (rapport intermédiaire de Morgane Avenel, le 26 mai) montre la diversité des réactions sur les enseignements à tirer de la crise : pour les uns c’est “changement de cap, non !” ou “je n'imagine pas qu'il y ait une rupture avant après [sur ma commune]” ; pour d’autres, elle demande de “s'engager à être plus responsable dans notre façon de consommer”, voire de “ profiter de ce coronavirus pour faire un virage à 180°, pour retrouver une « souveraineté alimentaire »”. Une crainte fait l’unanimité “c’est que la crise économique qu’on va traverser va faire exploser la demande [d'aide alimentaire]”. Dans tous les cas, l’heure est au bilan et aux leçons à tirer, comme l’écrit un conseiller municipal de Grabels, commune d’Occitanie située en zone urbaine (19 mai), à propos du maintien du marché pendant la crise : “Il faudra deux samedis avant de trouver les bons repères. Aucune expérience acquise [préalablement], aucuns repères. Répartir les exposants en fonctions de leur volume de transaction, assurer les distanciations sanitaires, assurer la fluidité du passage, éviter les concentrations, mettre l'ensemble des informations à jour, formaliser les consignes, apporter une aide pour la logistique. Une multitude de détails à imaginer dans l'urgence.” Encouragés par la place qu’ils ont trouvée dans la réaction face à l’épidémie, les collectivités revendiquent un rôle dans les décisions. Le monde publie le 11 juin que “ les élus locaux plaident pour une relance territorialisée. Les collectivités veulent prendre leur part d'une redéfinition des priorités en matière de politique industrielle et de transition énergétique.” A l’échelle nationale, des corpus de propositions politiques intègrent l’alimentation, ainsi ce plan de sortie de crise co-signé par ONG, associations et organisations syndicales qui appelle une mesure très ambitieuse qui était en débat antérieurement (c’est nous qui soulignons) “ Mesure 16 : Pour l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous. Dans une situation d’urgence comme celle-ci, les restaurations collectives qui ne tournent pas à plein régime doivent être réquisitionnées pour la préparation de repas à destination de toutes les personnes en situation de précarité alimentaire. Face à une dualisation entre des produits de qualité, locaux et bios accessibles à une fraction aisée de la population, et une nourriture industrielle, standardisée, de mauvaise qualité nutritionnelle pour les populations à faible pouvoir d’achat, dont une majorité de femmes, la création d’une branche alimentation dans le régime général de la sécurité sociale, telle qu’elle a été pensée en 1945, doit être explorée.” Les chambres d’agriculture affichent une nouvelle priorité : rebâtir la souveraineté alimentaire, qui reprend le terme “souveraineté alimentaire” du manifeste publié par la FNSEA, traditionnellement mis en avant par la Confédération Paysanne. France 3 Auvergne Rhône Alpes note le 5 juin que “les chambres d'Agriculture espèrent bien capitaliser sur cette prise de conscience et proposent une série de mesures pour sortir de la crise et retrouver cette fameuse souveraineté alimentaire.” Le Ministère de l’Agriculture affirme le 5 juin sur son site que “Sur les territoires où il existe un Projet Alimentaire Territorial (PAT), des mesures ont pu être mises en place rapidement, s'appuyant sur un dispositif déjà existant et la grande réactivité des acteurs locaux. le PAT constitue un réseau d’acteurs de la chaîne alimentaire, qui se connaissent et ont pu lier des relations de confiance, parfois de longue date ; le PAT apporte une bonne connaissance du contexte local de la production agricole et alimentaire et du bassin de consommation (diagnostic à la base de la mise en place de tout PAT) ; le porteur du PAT joue le rôle d’animation des acteurs du territoire, ce qui a pu permettre d’articuler et de coordonner les actions à mettre en place en urgence ; des outils, notamment numériques, sont le plus souvent déjà en place pour communiquer, pour répondre aux besoins des consommateurs qui souhaitent avoir plus de visibilité sur les produits locaux disponibles et leurs lieux d’achats.” Un agent territorial d’Isère abonde dans ce sens en avançant le 2 mai que “dans la Métropole et ses territoires voisins, les démarches engagées, comme le Projet Alimentaire inter Territorial (PAiT) ou le Pôle Agroalimentaire à l’échelle iséroise (en partenariat avec le Département et d'autres EPCI isérois ainsi que les consulaires et les acteurs socio-économiques de l'alimentation) ont permis de se réorganiser très vite, probablement plus qu’ailleurs.” Il précise les champs d’action : “Un accompagnement des producteurs locaux pour éviter la perte de leurs productions et trouver des débouchés de substitution ; L’organisation de circuits de proximité et mise à disposition de lieux sécurisés de stockage ou d’échanges ; Le soutien aux publics précaires ou fragilisés ; Le soutien aux initiatives d’acteurs locaux ; Des actions de communications et de sensibilisation”. Cette perspective est reprise dans le rapport sénatorial précédemment cité (extrait du rapport “ VERS UNE ALIMENTATION DURABLE : UN ENJEU SANITAIRE, SOCIAL, TERRITORIAL ET ENVIRONNEMENTAL MAJEUR POUR LA FRANCE “ Délégation à la prospective du Sénat Rapport d’information de Mme Françoise Cartron, sénatrice de Gironde, et M. Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère.(28 mai) : “3. Soutenir et encourager les projets alimentaires et agricoles de territoire afin d’accroître la part des approvisionnements locaux dans la consommation régulière, en générant ainsi un développement territorial positif, une qualité optimale des produits et un renforcement de la confiance de tous les acteurs (exemple des AMAP)”. Les deux auteurs la situent cependant dans une optique qui dépasse la réponse à une crise : “20. Mettre en oeuvre un portage politique plus ambitieux de la transition alimentaire par les pouvoirs publics. Cette transition doit devenir une des priorités stratégiques affichée de l’État pour atteindre ses objectifs de santé publique et d’environnement.”. Trois mois après la déclaration de confinement, nous avons observé une multiplication de croisements inédits entre les acteurs locaux : entre maires et groupements d’achats, entre producteurs et commerçants de centre ville, entre restaurateurs et pouvoirs publics, entre services de l’action sociale et cantines scolaires. Les indices sont suffisamment nombreux pour penser que certaines de ces nouvelles relations auront des effets prolongés dans le nouveau contexte. La hiérarchie des priorités aura été bousculée pour certains, par exemple concernant la responsabilité locale sur les marchés ou les possibilités d’usages multifonctionnels des cantines, y compris pour l’aide alimentaire. La germination de toutes ces graines plantées dépendra d’un cadre général, qui a finalement peu bougé, les organisations nationales s’étant pour la plupart attachées à présenter la crise et ses effets comme une confirmation de l’opportunité de leurs propositions antérieures. Présentation du bulletin n°5 Article précédent : Face aux détresses alimentaires, la solidarité continue et le temps du bilan approche

  • Bulletin de partage 5 - Face aux détresses alimentaires, la solidarité continue et le temps du bilan

    La détresse alimentaire reste la toile de fond de cette dernière période, même si les retours d’enquête proposent plutôt à voir des actions concrètes de solidarité et de partage. Quelques éléments de bilan et de proposition émergent. La fragilisation alimentaire des populations qui s’en sortaient tout juste avant la crise se confirme. Ce constat ne ressort pas directement de notre enquête cette-fois ci mais des résultats de premiers travaux de recherche: “La précarisation alimentaire se manifeste à première vue par l’augmentation du nombre de personnes qui ont recours à l’aide alimentaire. (...) Mais le recours à l’aide alimentaire est la partie émergée d’un iceberg. Une partie de la population qui bouclait ses fins de mois difficilement mais ne bénéficiait pas d’aide spécifique ou d’une aide discrète (ex. tarif réduit à la cantine) se retrouve en plus grande difficulté. Mais elle n’a pas l’habitude ou ne veut pas recourir à des aides par honte ou car elle s’estime moins dans le besoin que d’autres. Une partie des personnes en précarité alimentaire sont donc hors des radars sociaux” (Nicolas Bricas et al., Premiers résultats d’enquêtes sur les solidarités alimentaires avec les populations précarisées par la crise du Covid-19, mai 2020, https://www.rmt-alimentation-locale.org/eclairages). La presse s’en fait aussi l’écho: “En l’absence de cantine scolaire, la « fracture alimentaire » redoutée La précarité gagne du terrain chez les familles modestes” (Le Monde, Mattea Battaglia, 26 mai 2020). Cette situation n’est pas propre à la France : “Les organisations caritatives opérant dans le domaine de l'alimentation dans de nombreux pays riches ont vu une forte augmentation de la demande de nourriture et d'autres besoins de base. C'est le cas aux États-Unis, où des voitures forment des files d'attente de plusieurs kilomètres devant les locaux des banques alimentaires, au Royaume-Uni, où cette augmentation survient après des années de hausse progressive de la fréquentation des banques alimentaires, au Canada et en Italie, où des réseaux solides d'organisations caritatives étaient en place depuis des décennies. (...) En Italie, l'approvisionnement en denrées alimentaires à des fins caritatives est mis à rude épreuve pour la deuxième fois en moins de dix ans (la précédente fois étant le ralentissement économique et l'austérité de 2011-2013). Aujourd'hui comme hier, Caritas [1] est sur la ligne de front de l'urgence en Italie depuis les premiers jours de la pandémie et a mené une enquête visant à comprendre comment ses agences locales faisaient face à COVID-19. Les résultats préliminaires de l'enquête montrent un doublement du nombre de personnes qui se tournent pour la première fois vers les centres de conseil de Caritas (Centri di Ascolto, NDA), soit une augmentation de 114 % par rapport à l'année dernière” (traduit de Sabrina Arcuri, How has COVID-19 affected food poverty? Challenges and perspectives, 20 mai 2020). La fin du confinement pourrait accélérer ce triptyque appauvrissement économique/détresse alimentaire/ recours à l’aide alimentaire : “Je suis plus regardante sur les prix que les semaines précédentes, car mes revenus ont baissé, et nous sommes deux fois plus nombreux à la maison (par rapport à avant le confinement)” (#584 consommatrice 30133, 20 mai). “Les enjeux pour la suite sont importants et le manque de revenus des familles précaires laisse de lourdes traces sociales. Tout le travail effectué depuis dix ans sur l’accompagnement au changement des pratiques alimentaires a volé en éclat face à la réalité du retour de la faim ou de la peur d’avoir faim. La démocratie alimentaire soutenant l’appropriation par les populations, des systèmes alimentaires dont ils ont besoin, est plus que nécessaire. Mais cet épisode de mise en place d’une aide humanitaire risque d’engager des réponses assignant les populations à petits budgets à n’accéder à l’alimentation que sous cette seule forme (l’aide alimentaire). Le dispositif d’aide alimentaire existant depuis 1985 [2] a déjà largement creusé ce sillon. Et le paradoxe se durcit entre la population qui s’est saisie des circuits courts pour s’alimenter et celle qui va continuer à dépendre de cette aide humanitaire” (Dominique Paturel, De l’aide alimentaire à l’aide humanitaire, récit d’un dérapage social, mai 2020). Selon Anne Lambert et al., ,Comment voisine-t-on dans la France confinée ?, Population & Sociétés Numéro 578, juin 2020: “Tous âges réunis, les revenus du ménage ont diminué pour 55 % des artisans et commerçants, 40 % des ouvriers, 31 % des employés, 23 % des professions intermédiaires, 20 % des cadres et chefs d’entreprise”. Les actions de solidarités perdurent tout au long de cette période de déconfinement progressif. Les retours de cette période concernent les personnes fragiles, mais aussi les professionnels, agriculteurs et commerçants, touchés par la crise. Les réseaux déjà constitués proposent leur aide : “Nous avons monté un projet nommé D.A.L.E (Distribution Alimentaire Locale et Eco-Solidaire) dont les objectifs étaient de fournir des bénévoles aux agriculteurs pour assurer leurs productions, mettre en place un réseau de vente sur Montpellier et Sète dont les bénéfices serviraient à donner des légumes frais à des réseaux de distributions encore en place, à des familles et certains squats. Ces produits étant majoritairement d’origine biologique (labellisé ou non donc naturelle). Le projet commença la troisième semaine du confinement et dura 8 semaines. Nous avons mobilisé une quarantaine de personnes chez des agriculteurs, fournis des paniers pour 80 familles différentes (environ 20 chaque semaines), vendus et acheté pour 20 000 euros et donner environ 8000 euros de produits.” membre de l’association “la cinquième Saison”, 34 000, 4 juin). Même lorsque ce n’est pas leur fonction première : “Durant toute la période de confinement, en plus des paniers pour nos adhérents, nous avons proposé, en lien avec nos producteurs, des paniers supplémentaires et solidaires que nos adhérents pouvaient commander et offrir à des voisins, des personnes malades…” (président d’AMAP, 54000, 13 mai) “Nous avons assuré un soutien à une associations, Artisans du Monde, en proposant à plusieurs reprises des commandes groupées auprès de nos adhérents. Cela pour permettre à cette structure de maintenir une activité et des ventes” (président d’AMAP 54000, 13 mai) Mais les réseaux ne sont pas les seuls à agir comme nous l’avons déjà observé. La solidarité peut naître de la rencontre entre des individus sans lien initiaux : “Lassées de se sentir inutiles, nous nous sommes rapprochées d’un maraîcher habitant à quelques kilomètres et nous sommes allées l’aider 3 matins par semaine environ, pendant 3 semaines. Jean est maraîcher depuis 10 ans dans le coin. Il devait accueillir un stagiaire mais le confinement l’a empêché. Seul à travailler sur plus d’un hectare au printemps, période intensive de plantation et de désherbage (surtout quand on est en bio), il était soulagé de récupérer 4 autres mains. En échange il nous a donné de nombreux légumes, de sorte que nous avons pu manger entièrement local et bio à certains repas ! Nous en étions très fières !” (femme, 86000, 7 juin). “Je produis l'essentiel de nos fruits et légumes, et même certaines légumineuses dans mon jardin. Le confinement a été compliqué car pendant 2 semaines nous ne pouvions pas nous rendre au jardin qui est situé à près de 2km de notre domicile. Une autorisation spécifique aux jardiniers puis le déconfinement ont permis de reprendre un rythme de jardinage normal. Par rapport au Covid, la seule différence, c'est que j'ai prévu de mettre davantage de légumes en culture en prévision d'une éventuelle pénurie à l'automne, afin d'en donner à des amis et voisins qui pourraient se trouver dans le besoin. J'ai aussi produit davantage de plants de légumes, que j'ai donnés” (femme, 86000, 7 juin). Pendant la période considérée, évolution des règles concernant les aliments pouvant faire l’objet d’un don dans le cadre de l’aide alimentaire (Arr. 19 mai 2020, NOR : AGRG2012537A : JO, 23 mai ; Arr. 19 mai 2020, NOR : AGRG2012531A : JO, 23 mai ; Instr. techn. DGAL/SDSSA/2020-290, 19 mai 2020 : BO min. Agr. n°21/2020, 14 mai); évolution aussi dans le domaine de l'entrée en France et l'admission au travail des saisonniers agricoles et travailleurs détachés dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19 (Instr.n°6171/SG, 20 mai 2020 ). Comme dans chaque bulletin, l’action des communes dans le secteur des solidarités nous est également rapportée : A Grenoble par exemple: “Réouverture des cuisines centrales de plusieurs communes métropolitaines (Grenoble, Echirolles, Saint-Martin-d’Hères, Pont-de-Claix…) pour la confection et la distribution de repas aux précaires et démunis; Distribution de repas à domicile via les CCAS; Distribution de paniers de première nécessité via les CCAS avec le soutien de la Banque alimentaire; Ouverture de la plateforme du Pôle Agroalimentaire aux communes et CCAS pour leur approvisionnement et sourcing produits; Soutien à la banque alimentaire pour la récupération et la redistribution des invendus” agent collectivité, Grenoble, 20 mai). Remontent plus particulièrement des difficultés auxquelles ces communes ont été confrontées pour mettre en oeuvre leurs actions : Suite au recensement par les élus et les agents de 500 personnes âgées de plus de 70 ans, “On a constaté que les réseaux de solidarité (famille, voisins, amis) fonctionnaient très bien. Dès lors, nous avons mis les gens isolés en lien avec la superette qui pouvait assurer la livraison de courses. Nous téléphonons régulièrement à ceux qui sont vraiment seuls. En revanche, ce qui passe sous nos radars sont les jeunes potentiellement isolés ou en danger ». Il est compliqué pour les élus de repérer les situations de grande difficulté car ils n’ont pas de moyens d’identifier ces personnes (familles monoparentales, ou jeunes subissant des violences notamment)” (maire de commune bretonne, 22 avril). Dans un échange entre villes sur les conséquences de la crise, une chargée de mission déclare : “on s’est rendus compte que notre cantine dimensionnée pour 23 000 repas par jour a du mal à fonctionner quand il faut en faire 10 fois moins pour les besoins sociaux”. Une autre renchérit : “nous sommes en train de construire une nouvelle cuisine centrale, et envisageons d’inclure dans le programme le besoin de pouvoir y recourir pour la solidarité alimentaire en cas de nouvelle crise” (2 juin) Et après la crise ? Face à l’augmentation du nombre de personnes en détresse alimentaires, certains s’interrogent : “Ma grande crainte c’est que la crise économique qu’on va traverser va faire exploser la demande [d'aide alimentaire]... Si on reprend le cycle économie/argent et qu’on oublie le côté social, on repartira de plus belle et encore plus égoïstement qu’avant” (entretiens menés auprès des élus de Rennes Métropole par Morgane Avenel, rapport le 26 mai). Et certains proposent : -Par exemple, de “Définir un plan de lutte contre la dénutrition des personnes précaires et des personnes âgées, dont la part dans la population augmente fortement et qui sont très exposées à ce risque pour des raisons physiologiques, psychologiques ou sociologiques” (Extrait du rapport d’information présenté au Sénat, “Vers une alimentation durable : un enjeu sanitaire, social, territorial et environnemental majeur pour la France, par Mme Françoise Cartron, sénatrice de Gironde, et M. Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère, 28 mai). Ou de créer une sécurité sociale de l'alimentation (article de Dominique Paturel précité; voir aussi article publié le 21 mai 2020 sur Novethic). Ou de s’inspirer du “concept d'assurance alimentaire” selon lequel “Les marges effectués sur les produits grâce aux acheteurs servent à payer des dons. Cette idée peut être développée de plein de manières, dons, prix réduits sur les produits, prix indexés sur le coefficient familial, sur les revenus, etc. “ (membre de l’association “la cinquième Saison”, homme, 34000, 4 juin). Présentation du bulletin n°5 Article précédent : Les circuits courts de proximité, de nouveaux adeptes et des désillusions| Article suivant : La mise en avant des politiques territoriales

  • Bulletin de partage 5 -Les circuits courts de proximité, de nouveaux adeptes et des désillusions

    Les premières semaines de déconfinement, sources de beaucoup d’interrogations pour les acteurs des circuits courts de proximité, apportent quelques réponses et tendances. Les situations sont contrastées pour les agriculteurs, certains ayant pu réunir de nouveaux adeptes et d’autres connaissant des baisses importantes de ventes. Ces tendances restent à confirmer, “le vrai test sera en septembre”. Retour sur la période de confinement Le déconfinement est tout d’abord l’occasion de revenir sur la période de confinement pendant laquelle les circuits courts et notamment la vente directe ont été largement plébiscité. L’enquête d’Agrobio 35 auprès de 63 producteurs (soit 20% des agriculteurs bio en vente directe d’Ille et Vilaine, à venir dans la rubrique éclairage) indique, par exemple, que pour “57% des producteurs interrogés l’activité commerciale a augmenté avec une augmentation du chiffre d’affaires de 50% en moyenne”. Cet engouement, détaillé dans les précédents bulletin, ne doit pas faire oublier les producteurs en circuits courts pour qui cette crise a eu un impact négatif, ainsi, dans cette enquête, 25% des répondants indiquent avoir subi une baisse de leur chiffre d’affaires de 40% en moyenne. Les structures fragilisées par cette crise étant notamment celles avec des débouchés qui ont été stoppés, ou fortement limités, comme les marchés, la restauration collective ou la restauration commerciale mais aussi celles avec des productions de spécialité ou de niche peu diversifiées. Nous pouvons également souligné que cette période de confinement a généré de multiples difficultés pour les acteurs des circuits courts, à commencer par une surcharge de travail (pour la logistique et la commercialisation), pour les producteurs mais aussi les bénévoles et salariés de structures. Ainsi dans l’enquête d’Agrobio 35, 52% des producteurs interrogés ont connu une surcharge de travail à cause de la vente directe. Une autre difficulté, liée à des ventes en forte hausse, a été l’écoulement prématuré des stocks ce qui a généré la mise en place de limitation de commandes pour certaines structures qui ont par exemple mis en place des listes d’attentes : “jusqu’à 850 personnes” (salariée d’un système de panier, Bretagne, 10 juin). Enfin, certains producteurs ont connu des difficultés notables pendant le confinement. Il s’agit d’une part de producteurs de produits spécialisés ou “de niche” (escargots, cailles, plantes aromatiques). Ils n’étaient pas prioritaires sur les marchés et leur gamme restreinte ne générait pas de déplacements spécifiques “risqués”. D’autre part, les producteurs ayant un système de vente concentré sur les marchés ou la restauration collective ont dû organiser en urgence de nouveaux débouchés, ce qui prend un certain temps. Dans un cas comme dans l’autre, les ventes devraient reprendre avec le “retour à la normale”. Le déconfinement Après une période d’intense activité, les premières semaines de déconfinement laissent place à des ressentis contrastés entre joie de “consolider un noyau de nouveaux clients” (agricultrice en circuits courts) et déception de voir les ventes baisser chaque semaine. De manière générale, nous pouvons noter une baisse des ventes en circuits courts par rapport à la période du confinement, comme souligné dans les rubriques “approvisionnement” et “chaînes alimentaires”. Celle-ci est plus ou moins importante et permet quand même, le plus souvent, un niveau de vente supérieur à celui de l’année passée. Certains évoquent un “maintien des ventes entre 50 et 60% plus élevé qu’avant la crise” (agricultrice en circuits courts, Bretagne, 26 mai) alors que d’autres sont à “+ 5 à 10% par rapport à l’an passé” (magasin de producteurs, Bretagne, 10 juin). Ceci peut s’expliquer par différents paramètre, à commencer par “ les jours fériés et la possibilité de partir à nouveau de chez soi” mais cela reste difficile à expliquer alors que “l’offre est plus importante que pendant la période de confinement” (animatrice d’un système de panier, Ille et Vilaine, 10 juin). Cette baisse des ventes peut être une vraie désillusion pour certains comme le reflète le témoignage d’un maraîcher (page facebook La Ferme de Cagnolle, 30 mai) ayant connu une forte montée des ventes avec des produits “qui partaient comme des petits pains” et pour qui “après la fin du confinement, ça diminue encore et encore et on va bientôt retrouver le nombre de paniers qu’on vendait avant le confinement. Et ça, c’est vraiment dur pour nous, parce qu’on se galérait à vendre nos légumes et pendant un instant tout se passait bien et maintenant on revient à cette réalité de difficulté : un métier dans lequel c’est dur de produire et où il faut se battre pour pouvoir commercialiser dans un univers de compétition, de libre concurrence.” Ce constat est partagé par un producteur de volailles, d’oeufs et de légumes bio de la Côte d’Or : “on s'est bien rendu compte que après le déconfinement, les gens sont moins venus, constate Frédéric Ménager. En tout cas, chez nous, ceux qui viennent encore, ce sont ceux qui venaient déjà avant. Mais des nouveaux clients, on n’en a pas. Donc on est bien obligé de constater que les grandes surfaces sont reparties à fond et que les gens n’ont rien changé à leur mode de consommation.” (France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin, page facebook La ferme de la Ruchotte, 18 mai). Ces producteurs partagent leurs désarroi sur les réseaux sociaux et interpellent : “N'oublions pas de continuer à soutenir nos éleveurs et les producteurs locaux même après le confinement.” (gérant de magasin bio dans France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin et sur la page facebook Jardin bio du bois Ram’eau, 4 juin) Plusieurs acteurs engagés depuis longtemps dans les circuits courts s’attendaient cependant à cette baisse, comme l’illustre ce témoignage : “La vente de produits fermiers en circuits court comme toute autre vente de produits se construit dans la durée. Il faut donc construire sa clientèle tout en développant sa ferme. Penser que la crise actuelle va amener des clients à foison pour toujours est un raccourci qui mène à la désillusion. Par contre les fermiers qui travaillent depuis longtemps en circuits courts ont senti une accélération qui a de fortes chances d’être pérenne pour eux, leur modèle étant opérationnel. C’est un choix stratégique. Néanmoins il y a un début à tout et c’est peut être le moment de se lancer ou tester par exemple sur 5 ou 10 % de son activité” (entrepreneur, 9 juin). Béatrice Rozé indique ainsi dans Ouest France que “les anciennes habitudes reviennent vite. Deux mois, ce n’est pas suffisant pour créer véritablement un nouveau mode de consommation.” (Ouest France, 27 mai). Selon elle, et d’autres témoignages notamment dans la presse, "le vrai test, ce sera en septembre, une fois les vacances terminées.” Ainsi, un témoignage suggère que cette tendance du local était liée au confinement et n’a pas généré d’habitudes assez fortes : “Plus personnellement, mes voisins ont fait appel à moi pour avoir des légumes frais. Ça m'a permis de mieux les connaître. Ils étaient très contents, mais ils ne se sont pas abonnés par la suite. En général je dirais que les gens se sont plus tournés vers le local pendant le confinement.” (animateur, Rhône-Alpes, 1 juin) Certains se réjouissent tout de même car malgré le fait “qu’avec la sortie du confinement, les consommateurs qui cherchaient de la tomate en avril ont retrouvé leurs habitudes dans la grande distribution.” “beaucoup d’entre eux sont restés”, se réjouissent, Damien Pouder et Steven Pennec.” (respectivement maraîcher et bénévole animateur de la plateforme Mangeons-local.bzh) (Le Télégramme, 10 juin). Pour ceux-ci, la crise a renforcé l’envie d’essaimer, comme l’explique Damien Pouder dans ce même article : “«Il faut favoriser les nouvelles installations, martèle le jeune producteur. Moi, je n’ai pas la volonté de produire plus. J’ai trouvé mon équilibre ». Il ouvre sa porte aux porteurs de projets pour partager son expérience.” Ce tassement des ventes peut aussi être une sorte de soulagement pour des producteurs très sollicités “on a été énormément sollicité pendant 3 mois. Aujourd’hui, on est toujours sur un rythme soutenu. Sur internet, on a multiplié nos ventes par 7 en moyenne. Je ne vais pas dire qu’on était proche du burn out. Mais on est crevé !” (maraîcher, Bourgogne dans France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin). Pour ce maraîcher, les ventes ont “légèrement baissé” mais rien d’inquiétant, “ce sont notamment quelques clients qui ont repris leur activité et pour lesquels les horaires ne correspondent plus forcément pour venir chercher des légumes à la ferme. “ Dans certain cas, les ventes ont même pu se maintenir : “selon notre principal maraîcher, il n'y a pas eu de baisse des ventes. Par ailleurs, le fait pour les consommateurs de venir chercher les produits à la ferme a été bien apprécié par les uns et les autres ; cela a permis aux consommateurs de s'intéresser davantage aux conditions de production ; en somme, un rapprochement humain. Fidélisation accrue ?” (consommateur, Jura, 3 juin). “Les ventes en boutique n’ont pas baissé. On est satisfait !” (éleveuse de boeuf, Nièvre, France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin ) Certains clients, fidèles, soulignent ainsi l’importance de ces circuits : “la filière courte est la seule qui puisse nous éviter l’effondrement, revenir aux nécessités vitales, agriculture de type familial et de qualité, en finir avec les usines agroalimentaires, revaloriser la transformation artisanale, petites unités dispersées sur tous les territoires, proches des consommateurs, moins d’invendus, de transports, plus d’emplois, moins de crises, plus d’économie locale, et d’autonomie politique et citoyenne, stop à la mondialisation” (consommatrice, Ille et Vilaine, 20 mai) Les initiatives La période du confinement a vu naître énormément d’initiatives portées par les acteurs des circuits courts détaillées dans les précédents bulletin. La question se pose aujourd’hui du maintien de celles-ci. Des témoignages nous indiquent que certaines vont se maintenir, voire prendre de l’ampleur, ce qui pourrait permettre d’attirer les clients à la rentrée : “les producteurs locaux rennais sont en train de se structurer en association et négocient avec la chambre d’agriculture pour continuer d’avoir accès à son parking, où se font les distributions.” (Ouest France, 27 mai) “création d’un distributeur à l’extérieur qui permet au client de venir quand il le souhaite” (producteur, Drôme, 11 mai) Certains ont par ailleurs prévue des actions pour septembre : “nous avions un plan de communication prévu pendant le confinement que nous avons décalé à la rentrée pour expliquer notre démarche de magasin de producteurs et faire revenir les clients.” (producteur, Ille et Vilaine, 10 juin) Présentation du bulletin n°5 Article précédent : La lente reprise des chaînes alimentaires et un premier bilan | Article suivant : Face aux détresses alimentaires, la solidarité continue et le temps du bilan approche

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