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221 éléments trouvés pour «  »

  • Chaînes alimentaires durables : quelles recommandations pour un futur programme de recherche ?

    Yuna Chiffoleau, directrice de recherche à INRAE et co-animatrice du RMT Alimentation Locale, et Tara Dourian, ingénieure d'études à INRAE et membre du RMT Alimentation Locale, publient dans la revue Sustainability un article, que nous vous invitons à décourvir, intitulé "Sustainable Food Supply Chains: Is Shortening the Answer? A Literature Review for a Research and Innovation Agenda (en anglais uniquement) Résumé de l'article : Les chaînes alimentaires courtes et de proximité (CACP) retiennent de plus en plus l'attention dans la recherche sur les systèmes alimentaires, en raison de leur popularité croissante auprès des consommateurs, des producteurs et des décideurs politiques au cours des dernières décennies. Rédigée à la demande de l'IEEP (Institute for European Environmental Policy) dans le but d'appuyer le programme de recherche et d'innovation Horizon Europe, cette revue de littérature fait le point sur la définition et la caractérisation des CACP, ainsi que sur leur durabilité. S'appuyant sur des hypothèses sur la durabilité des CACP élaborées dans le cadre d'un réseau d'experts en France, cette revue synthétise un large éventail de publications sur les CACP mobilisant diverses disciplines et rédigées en anglais ou en français, tout en soulignant spécifiquement les résultats empiriques issus de projets européens. Bien que la littérature tende à s'accorder généralement sur les avantages sociaux des CACP, leurs impacts économiques et environnementaux montrent généralement des résultats plus hétérogènes, tandis que leurs dimensions santé/nutrition et gouvernance restent sous-explorées. Sur la base de cette revue, des recommandations sont formulées pour un futur programme de recherche et d'innovation, qui pourra traiter notamment de la contribution des CACP à la transition et à la résilience des systèmes alimentaires dans le contexte actuel de la crise Covid-19 et des objectifs du Green New Deal. Consulter l'article Illustration : par Jaredd Craig via Unsplash Date de publication : 26/11/2020

  • Colloque Reterritorialisation de l'alimentation - c'était il y a 1 an

    Il y a un an (pas tout à fait jour pour jour, car c'était le 28/11/2019), nous avions le plaisir de nous retrouver à l'occasion du colloque « Reterritorialisation de l'alimentation : quelle contribution à la durabilité des systèmes alimentaires ? » organisé par l'INRAE et le RMT Alimentation Locale, en collaboration avec le Ministère de l'agriculture et l'alimentation, le Ministère de la transition écologique et solidaire, le Commissariat général à l'égalité des territoires, la Caisse des dépôts et consignations et le GDR Policy Analytics. Un an après cet événement, qui a réuni 50 intervenant·e·s (ou personnes ayant contribué à des interventions) et plus de 200 participant·e·s aux profils très divers (agents de développement agricole et rural, acteurs institutionnels et économiques, représentants d’associations et chercheurs...), le débat autour de la reterritorialisation de l'alimentation s'est intensifié marqué par un contexte de pandémie et une période de confinement inédite. Nous vous invitons donc aujourd'hui à consulter le compte-rendu de l'événement et à voir ou revoir les différentes interventions du colloque qui, nous l'espérons, pourrons éclairer les débats actuels : Compte-rendu Introduction Vidéo Les grands enjeux économiques et environnementaux de la reterritorialisation de l'alimentation Présentation / Vidéo Présentation de l'enquête nationale "Reterritorialisation de l'alimentation" Présentation / Vidéo L'exemple des filières céréales territorialisées Présentation / Vidéo Session 1. Diversité et performances des circuits de proximité Présentation / Vidéo Session 2. Approvisionnement des villes, entre autonomie et résilience Présentation / Vidéo Session 3. Nouveaux environnements alimentaires et changement des pratiques de consommation Présentation / Vidéo Conclusion et perspectives Présentation / Vidéo Retrouvez tous les éléments en lien avec les événements organisés par le RMT Alimentation Locale sur la page dédiée (page en cours de construction). Illustration : Jean-Paul Andrieu pour le RMT Alimentation Locale. Date de publication : 30/11/2020

  • Guide des bonnes pratiques pour initier ou s’intégrer dans des filières locales en grandes cultures

    Des circuits courts aux filières de proximité Les circuits courts alimentaires ne sont pas nouveaux en France mais sont en plein renouvellement depuis la fin des années 1990. Définis officiellement en 2009 comme des modes de vente mobilisant, au plus, un intermédiaire entre producteur et consommateur - quelle que soit la distance géographique -, ils restent surtout pensés pour les fruits et légumes. Leur renouveau, pourtant, concerne aussi les produits transformés et le secteur des grandes cultures s’inscrit aujourd’hui dans ce mouvement. Longtemps structuré autour des filières longues, des procédés industriels et de l’agriculture intensive, ce secteur s’enrichit en effet de nouvelles filières de proximité, ancrées dans les territoires, valorisant la biodiversité et l’agroécologie : d’un côté, ces filières rapprochent producteurs, transformateurs et consommateurs d’un même territoire, d’une même région ; de l’autre, les produits qui en sont issus sont également souvent commercialisés en circuits courts dans d’autres territoires mais leur origine et leurs fabricants sont dans ce cas bien identifiés par les consommateurs. Guide "Grandes Cultures : développer son activité en filières de proximité" Le guide "Grandes Cultures : développer son activité en filières de proximité", publié en juin 2020, donne des clés pour franchir le pas de la relocalisation de filières et de l'aventure en collectif, notamment en grandes cultures. Il s'appuie sur l'expérience et le recul de plusieurs filières locales d'Occitanie et sur l'expertise d'accompagnateurs et accompagnatrices de ces filières au sein de la FR CIVAM Occitanie, de la FD CIVAM du Gard, du Bio CIVAM de l'Aude et de INRAE. Découvrir le guide Ce document a été réalisé dans le cadre de deux projets : - le projet ACTIVA Blé coordonné par INRAE, financé par la Région Occitanie dans le cadre de l'appel à projets "Recherche et société" et soutenu par le RMT Alimentation Locale (voir la rubrique des projets soutenus) - le projet Diffusion d'informations et d'expérience de filières locales en grandes cultures mené par la FD CIVAM du Gard, la FR CIVAM Occitanie et le BioCIVAM de l'Aude et financé par l'Union Européenne dans le cadre du FEADER Il a été rédigé conjointement par : Alice Mulle, animatrice à la FR CIVAM Occitanie - Camilla Villajos, animatrice à la FD CIVAM du Gard - Kristel Moinet, animatrice au BioCIVAM de l’Aude - Yuna Chiffoleau, directrice de recherche à INRAE UMR Innovation Relecture avisée : Anaïs Echchatbi, doctorante à INRAE UMR Innovation Contacts : FD CIVAM DU GARD : villajos@civamgard.fr INRAE : yuna.chiffoleau@inrae.fr Illustration : Claude Rizzo sur Unsplash Date de publication : 04/12/2020

  • Covid-19 et Systèmes alimentaires, "Manger au temps du coronavirus" - Bulletin Conclusif phase 1

    Ce bulletin conclusif propose un regard transversal sur l’ensemble des contributions de la première phase de l’enquête “Manger au temps du coronavirus” qui se base sur des témoignages recueillis du 16 mars au 11 juin 2020. Il est différent des autres bulletins car le collectif de travail y propose, en plus d’un retour synthétique sur l’enquête, une mise en perspective et des recommandations pour l’action. Il propose également une ouverture internationale avec des témoignages de personnes hors de France reçus tout au long de notre enquête et que nous n’avons pas diffusés jusqu’à présent. Retour sur les productions de la première phase de l’enquête “Manger au temps du coronavirus” Près de 800 témoignages reçus du 16 mars au 11 juin 2020, synthétisés dans 5 bulletins de partage, relayés via les réseaux sociaux et adressés individuellement aux contributeurs qui ont donné leur adresse. 2 analyses lexicométriques du corpus de témoignages pour croiser avec l’analyse qualitative réalisée par le groupe de travail. 19 articles d’éclairages rédigés majoritairement par des partenaires que nous tenons à remercier pour leur contribution : situations à l’international, effets sur les systèmes alimentaires locaux à Rennes, éclairages thématiques sur la production agricole et la précarité alimentaire…. 5 vidéos de retour sur l’enquête par des membres du collectif de travail De nombreux relais dans la presse généraliste (Le Monde, Ouest France, l’Humanité, la Nouvelle République, Mediapart, 20 minutes, Télérama, France Inter, RFI, France Culture, France Bleu...) et spécialisée (L’autre cuisine, La grenouille à grande bouche, La gazette des communes, Le magazine de la santé, Sous cloche, Alternatives économiques, Histoires ordinaires, Le journal du CNRS...) ainsi que sur les réseaux sociaux. Un article dans une revue scientifique : “Les systèmes alimentaires de proximité à l’épreuve de la Covid-19. Retours d’expérience en France” Un ouvrage “Manger au temps du coronavirus, enquête sur nos systèmes alimentaires“ publié le 18 novembre 2020 par les éditions Apogée. Ce bulletin conclusif se compose de 3 rubriques, chacune ayant des sous parties : 1. Retour sur la première phase de l'enquête Manger au temps du coronavirus Frise chronologique de la crise Caractéristiques essentielles des répondants et situations couvertes par l’enquête. L’importance de l’alimentation et des circuits courts en temps de crise Des solutions multiples, nées de toutes parts, pour assurer l’alimentation des Français 2. Mise en perspective de nos résultats et ouverture Les systèmes alimentaires de proximité à l’épreuve de la Covid-19 - Retours d’expérience en France | Article scientifique publié dans la revue Systèmes Alimentaires Des orientations au prisme de la résilience alimentaire 3. Regards internationaux Retour sur les observations venues d'ailleurs Regards d'experts Avec le second confinement, nous lançons une seconde phase de cette enquête, avec un nouveau questionnaire ouvert disponible ici N’hésitez pas à contribuer et à partager ce questionnaire autour de vous. Notre rubrique “éclairages” demeure ouverte, vous pouvez également nous contacter pour enrichir cette rubrique. L’enquête “Manger au temps du coronavirus” a été initiée par des membres de l’Unité Mixte de Recherche Espaces et Société (C. Darrot, G. Maréchal), avec le cabinet coopératif Terralim (B. Berger, V. Bossu, T. Bréger, D. Guennoc, G. Maréchal, C. Nicolay), et les CIVAM de Bretagne (A. C. Brit), grâce à la stimulation du Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement de Belle-Île en Mer (G. Février) et l’association Fert'Île de Bréhat (F. Le Tron). Le bulletin de partage conclusif est rédigé collectivement par : G. Akermann (Inrae), B. Berger (Terralim), L. Bodiguel (CNRS), A.C. Brit (FR CIVAM Bretagne), Y. Chiffoleau (Inrae), C. Darrot (Institut Agro), F. Lallemand (Greniers d'abondance), G. Maréchal (Terralim), D. Guennoc (Terralim), avec l'appui de F. Egal (Réseau des politiques alimentaires) et sous la coordination éditoriale de Y. Chiffoleau , C. Darrot et G. Maréchal. Sa réalisation est appuyée techniquement par A.C. Brit, C. Lecouteux, T. Muller et F. Peyrin et C. Adelheim pour la frise chronologique. L'initiative est soutenue par le RMT Alimentation locale, S. Linou, consultant résilience alimentaire, le Centre d'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales à Lille (S. Makki), l’association Résolis (H. Rouillé d’Orfeuil, M. Cosse) et H. Torossian, consultante en sécurité civile et résilience. Avec le soutien financier de la Fondation Daniel et Nina Carasso, de la Fondation de France et le Laboratoire Droit et Changement Social de l'Université de Nantes Date d’édition : 23/11/2020

  • Bulletin de partage conclusif - Retour sur la 1ère phase de l’enquête Manger au Temps du Coronavirus

    Dans cette première partie du bulletin conclusif, nous revenons sur les temps forts de la crise du covid-19 et plus particulièrement les éléments impactant notre alimentation. Nous proposons ensuite un retour sur les caractéristiques des répondants et les situations couvertes par les témoignages reçues. Nous revenons également sur les faits marquants de cette première phase d’enquête : l’importance prise par l’alimentation et la capacité des circuits alimentaires territorialisés à répondre à une explosion de la demande. Pour finir, nous faisons un bilan des initiatives inspirantes mises en place pendant le premier confinement qui nous ont été partagées. Frise chronologique Nous vous proposons une frise chronologique interactive pour revenir sur les temps fort de cette première phase d'enquête. Cette frise permet de revenir sur les événements ponctuels ou longs entre mars et juillet 2020 avec des articles de presse, des vidéos, des manifestes... Vous pouvez consulter cette frise en plein écran ici. Caractéristiques essentielles des répondants et situations couvertes par l’enquête Les presque 800 contributions reçues, après que nous ayons écarté celles qui sont brèves ou imprécises (par exemple “je suis allé faire mes courses”), ont été classées en 3 groupes : le premier groupe rassemble des témoignages, où les contributeurs décrivent leur expérience personnelle, comme « je mange plus qu'avant », « je vais désormais faire mes courses dans la supérette du quartier », « je suis allé m'approvisionner dans une ferme » ou « je partage du pain avec mes voisins » ; le second groupe concerne les récits qui relatent des actions, des déclarations observées à l'extérieur, chez des voisins, dans un lieu d'approvisionnement, lors d'une conversation avec un producteur, comme « je vois que mes parents mangent plus qu'avant », « la supérette du quartier est très fiable sur le plan sanitaire », « le producteur que j'ai rencontré est épuisé » ou « mes voisins se sont mis à faire et partager leur pain » le troisième groupe comprend, les contributions mixtes qui associent les deux types précédents. Sur les 606 contributions que nous avons traitées, 194 relèvent du témoignage, 251 du récit extérieur et 161 associent les deux. La proportion est variable au fil du temps. Au début (c’est le cas par exemple des 17 premiers dépôts), les personnes apportant un témoignage nous ont surtout confié ce qu’elles observaient en dehors, puis ont progressivement de plus en plus apporté des témoignages personnels. Les témoignages Sans surprise, ils parlent avant tout de l'univers domestique, pour les deux tiers d'entre eux. S'y adjoignent les voisins et amis pour plus d’un sur dix. L'horizon spatial de ces témoignages est centré sur le foyer pour plus de la moitié, et parle peu de ce qui est vécu en dehors. Cependant, la moitié mentionne des acteurs de la chaîne alimentaire, principalement les commerces et les agriculteurs (99 contributions sur les 194 mentionnent des lieux de distribution). L'information à en tirer reste toutefois limitée puisque les pratiques de ces acteurs ne sont pas décrites. Les lieux d'approvisionnement évoqués sont principalement les marchés, les hyper/supermarchés et les commerces spécialisés. La « crise des marchés » et la comparaison des ressentis sur la sécurité sanitaire, en dehors de faits observés, sont amplement abordés. Plus d’un témoignage sur cinq, enfin, relate les actions de jardinage ou d'auto-production. Les récits Ils décrivent « ce qui se passe à l'extérieur ». L'espace décrit est la commune dans plus de la moitié des cas, le quartier une fois sur cinq et l'intercommunalité (repérée par des textes comme « je suis allé au supermarché de la commune d'à côté », « il me faut vingt minutes de route pour aller dans la biocoop la plus proche») une fois sur sept. L'espace communal, parfois centré sur le quartier ou légèrement élargi, semble donc l'espace de référence pour la « vie alimentaire » de nos déclarants. Les auteurs de récits sont aussi les plus prolixes en discours généraux sur l'alimentation, qu'il s'agisse de la perception de différences de traitements entre acteurs, ou des inégalités entre pays, bien qu’ils restent rares. Les lieux « vedettes » des récits sont les marchés de plein vent et les ventes à la ferme, fréquemment associés dans des déclarations comme « vu l'absence de mon producteur sur les étals qui restent sur le marché, je suis allé chercher mes légumes directement à la ferme ». Les autres lieux les plus fréquemment cités sont les supermarchés, les AMAP et les plateformes en ligne. Les récits comportent souvent des observations multiples : alors que le nombre de récits est de 251, on compte 407 mentions de lieux d'approvisionnement et seuls 11 récits n'en disent rien. De quels acteurs les gens parlent-ils ? Principalement des acteurs non-agricoles (commerçants, membres d'associations), pour la moitié des déclarants, mais aussi des agriculteurs dans une proportion très voisine. Ce chiffre vient conforter l'analyse qualitative qui identifiait une grande attention au monde agricole (sans doute révélatrice de la sociologie des déclarants). Les récits sont les plus diserts sur l'action des collectivités ou pouvoirs publics puisqu'un sur six aborde le thème (contre moins d'un sur dix pour les deux autres catégories). Sans surprise, cinq personnes sur six nous décrivent des faits observés dans leur environnement économique lié à l'alimentation : précautions sanitaires prises à la ferme, files d'attente au supermarché, réorganisation de l'AMAP… Les déclarations mixtes Elles rassemblent des traits observés dans les témoignages et les récits : cinq sur six parlent de l’environnement économique de l'alimentation, mais aussi un sur deux de ce qui se passe au foyer. Ces déclarations mixtes sont aussi de loin les plus complètes, puisqu'elles ciblent voisins et amis dans presque un cas sur cinq. Encore plus que les purs récits, elles cherchent à donner une vision synoptique de la situation : 442 mentions sont faites de lieux de distribution, pour 161 déclarations, soit en moyenne 2,5 lieux mentionnés dans chaque déclaration. Elles présentent l'intérêt d'expliciter les inter-relations entre ces lieux, de type « je préfère aller à la supérette de quartier, plus sûre que l'hyper » ou « le groupe de voisins qui s'est réuni pour aller faire les courses adresse désormais une commande collective à un producteur ». Presque autant que les purs témoignages, les déclarations mixtes parlent de jardinage et d'auto-production (une sur cinq). Encore plus que les récits, les déclarations mixtes parlent des acteurs non-agricoles (plus de deux sur trois), du mouvement collectif de citoyens (associations ou groupements créés pendant la crise), à proportion de presque une déclaration sur trois, et toujours des agriculteurs. Les marchés, les ventes à la ferme, mais aussi les supermarchés et les magasins bio sont mentionnés dans des proportions voisines (une sur six ou sept) et c'est dans ce type de déclaration que les commerces spécialisés sont les plus présents. La taille du périmètre décrit vaut aussi en matière géographique, puisque ce sont ces contributions qui se situent le plus à l'échelle de l'intercommunalité, au détriment du quartier. En résumé La possibilité de s'exprimer a été utilisée selon des modalités très différentes par les déclarants. La formulation de l’appel, à commencer par le titre « manger au temps du coronavirus », ouvrait la porte à une sur-représentation des témoignages de consommateurs. En fait, les purs témoignages ne représentent qu'un tiers des déclarations recueillies. Ils se centrent sur l'univers domestique, en présentant l'expérience de mangeur du déclarant, aussi préoccupé par la reconfiguration des approvisionnements (à la ferme lors de la fermeture des marchés). Les récits, au contraire, nous décrivent majoritairement à l'échelle de la commune qui semble le lieu de la vie alimentaire en période de crise, les actions des participants économiques à la chaîne alimentaire : commerçants mais aussi très largement producteurs. Malgré la rareté de leurs déclarations directes, le monde de ceux-ci est donc largement documenté, bien qu'indirectement, par l'enquête. Nous pouvons résumer les grandes caractéristiques dans le tableau ci-dessous. Caractéristiques des participants à l’enquête Les contributions ont été produites par 451 participants à l’enquête. Ces personnes ont été recontactées au cours de l’été dans le but de mieux les connaître. Au final 255 personnes ont répondu au questionnaire complémentaire, soit 56% des participants. Avec une moyenne d’âge de 45 ans (légèrement plus pour les hommes) et une amplitude qui s'étend de 22 ans à 84 ans, l’échantillon que nous avons pu caractériser apparaît comme relativement équilibré en termes d’âge. Il l’est en revanche moins en ce qui concerne le genre, puisque les deux tiers des participants sont des participantes. La répartition des participants selon leur statut d’emploi fait apparaître une majorité d'employés en CDI ou fonctionnaires (43%) suivis des professions libérales et indépendantes (18%), des retraités (13%), des personnes en CDD (9,7%), des étudiants (4%) et des chômeurs (3%). Ces deux dernières catégories apparaissent comme sous-représentées au regard de leur part au sein de la population française, tout comme les retraités. L’échantillon des participants est en moyenne très diplômé, plus de 60% ont un niveau bac +5 et plus de 84% disposent d’un niveau Bac+2 et plus, soit 4 fois plus que la population française. La moitié de l’échantillon a un statut de cadre, soit trois fois plus que la population française et vit au sein d’un foyer dont les revenus sont supérieurs à 2 300€ par mois, ce qui est également supérieur au revenu médian des ménages dans la population française. Les participants vivent au sein de ménages variés : si 12,5% d’entre eux vivent seuls, 55% vivent avec un conjoint, 40% avec des enfants et 8% sont en colocation. Les personnes seules sont donc légèrement sous-représentées, au contraire des foyers avec enfants qui ne représentent que 28% des ménages au sein de la population française selon l’Insee. La plus forte surreprésentation est sans doute celle des personnes inscrites dans les circuits alternatifs de distribution alimentaire. Avec 30% de l’échantillon appartenant à une AMAP ou à un groupement d’achat alimentaire, alors que l’on peut estimer à moins de 1% la part des ménages recourant à ce type de circuit en France, nous sommes clairement face à des participants qui s’engagent dans leur consommation alimentaire. On observe également que seuls 36% des participants fréquentent la grande distribution (hypermarché, supermarchés, supérette et drives), ce qui est deux fois inférieur à la part des Français qui fréquentent ces magasins. Ainsi la population des participants à l’enquête pourrait être considérée comme peu représentative de la population française, notamment en ce qui concerne la part des femmes, la part des personnes très diplômées et la part des personnes inscrites dans les circuits alimentaires alternatifs. La surreprésentation des femmes parmi les répondants des enquêtes sur l’alimentation est un phénomène largement observé qui s'inscrit dans la division du travail domestique dans notre société, les femmes prenant en charge plus souvent que les hommes les tâches d’approvisionnement alimentaire et de préparation des repas. La sous-représentation des personnes peu diplômées et des pauvres est un biais fréquemment observé dans les enquêtes auto-administrées en ligne. Enfin la surreprésentation des participants insérés dans les systèmes alternatifs peut être imputée au mode de recrutement des participants à l’enquête, qui s’est principalement appuyé sur une diffusion dans les réseaux professionnels des chercheurs impliqués dans le projet. Toutefois, 44% des répondants à l’enquête n’ont pas répondu au questionnaire complémentaire visant à les caractériser si bien que ces surreprésentations restent à confirmer. De plus, bien que ces différents biais possibles aient sans doute contribué à invisibiliser une partie des pratiques et des activités sociales déployées durant la période de confinement autour de l’alimentation, l’approche participative de l’enquête - visant non seulement à recueillir des témoignages sur l’expérience personnelle, mais aussi et surtout des récits que les participants pouvaient faire au sujet des systèmes alimentaires dans lesquels ils étaient insérés - a permis d’obtenir des descriptions sur une très grande variété de situations, allant des champs des producteurs jusqu’aux magasins discounts ou de la simple solidarité de voisinage jusqu’aux actions des associations d’aide alimentaire et des collectivités locales. De plus, une large revue de presse est venue confirmer une grande partie des tendances identifiées à travers l’enquête. L’importance de l’alimentation et des circuits courts en temps de crise L'ensemble des contributions permet de souligner deux faits particulièrement marquants : l'importance prise par l'alimentation, dans toutes ses dimensions (sanitaire, hédonique, sociale, relationnelle, économique,…), laissant présager que les régimes alimentaires n’en sortiront pas indemnes; la capacité des circuits alimentaires territorialisés à répondre quasi-instantanément à une explosion de la demande, conjuguant croissance du nombre de clients et augmentation du panier moyen. La réponse a reposé sur le renforcement des dispositifs existants et l’éclosion de nouveaux dispositifs. De façon plus analytique, ceux qui nous ont écrit convergent sur de nombreux points. 1 - le déploiement d'une forte créativité pour des innovations tous azimuts. Cette créativité s’est exprimée partout : consommateurs entre eux, producteurs qui créent un réseau de livraison ou font aboutir un projet qui piétinait, commerces de bouche qui adaptent leur réseau de fournisseurs, collectivités qui allouent des lieux de livraisons ou montent des circuits d’aide alimentaire. Ces innovations sont parfois assumées comme réponse temporaire à la crise, d’autres pourraient être institutionnalisées et perdurer ; 2 – une boussole orientée vers la mise en place de solidarités. Les contributions décrivent majoritairement des solidarités de proximité : entre voisins, à l’échelle d’un quartier ou d’une commune, entre consommateurs et producteurs. Elles se construisent par l’action (magasin de producteurs qui accueille un collègue en difficulté, cuisine centrale pour l’aide alimentaire, livraison à des personnes âgées ou isolées), en incluant la sociabilité (échanges de recettes, de levain, de plats préparés). Ce déploiement de solidarités semble spécifique à l'alimentation, alors qu'une étude de l'INED sur les solidarités en général pendant la période du confinement ne discerne pas plus de services rendus entre voisins qu'à l'ordinaire (INED, juin 2020. Comment voisine-t-on dans la France confinée ? Population et société n°578.) ; 3 - l'agilité de la chaîne logistique. Les chaînes logistiques longues ont globalement bien résisté à la crise, un mouvement social chez les opérateurs du transport ayant avorté. A cause de l'intensification de l'approvisionnement local, la logistique du premier(1) et du dernier kilomètre(2) a été mise à l’épreuve (temps passé par les producteurs sur la route et dans les points de distribution). Ce constat invite à renouveler les chantiers sur ce thème, évoqué avec insistance depuis plus de 10 ans, et lié au changement climatique ; 4 – la polarisation des pratiques alimentaires. L’impact de la crise sur la relation des consommateurs à l’alimentation a été profond. Le confinement, la fermeture des restaurants et des marchés, les précautions dans les commerces ont vite affecté leurs habitudes. Certains ont cherché à les changer le moins possible, pendant que d’autres profitaient de la crise pour expérimenter de nouvelles pratiques, contraintes ou volontaires. Cette polarisation a été favorisée par la recomposition des ménages, avec par exemple l'arrivée d’enfants chez leurs parents. Augmentation du temps de repas, sociabilités autour de l’alimentation, autoproduction (pain, jardinage et micro-élevage), partage (recettes, levain, semences) ont marqué la période. Des apprentissages ont été acquis, et leur maîtrise permettra par la suite de conserver certaines nouveautés. Mais le retour des injonctions professionnelles contraindra les habitudes développées ; 5 - la polarisation des modes d'approvisionnement. Pendant que certains consommateurs se repliaient sur les supermarchés ou supérettes, par commodité, pour la sécurité sanitaire ou pour le prix, d'autres s'orientaient vers le local, pour les mêmes raisons. Les usages culinaires se sont adaptés aux réponses des ménages pour l'approvisionnement plus qu'ils ne les ont déterminées. Des démarches actives ont été engagées, comme le développement du jardinage. Différents modes de distribution se sont renforcés : les drives (présentés comme efficaces et hygiéniques) et les distributions en paniers pré-commandés (inspirés des AMAP et adoptés par les stands de primeurs, ou à la ferme), les commerces de proximité en ville. Beaucoup parlent de la découverte ou redécouverte de dispositifs de distribution inhabituels, notamment en circuits courts. Pour ne pas rajouter une menace alimentaire à celles du virus, le local est ressenti comme un indice de qualité. Certains consommateurs se sont lancés dans l’achat groupé. Pour d’autres, l’approvisionnement local a été vu à la fois comme un moyen pratique, transparent et sûr pour faire ses courses ; 6 – les usages variés du numérique. Les sites de commande par internet avant livraison se sont multipliés pendant la crise. Mais des solutions à partir d'outils basiques (sms, page Facebook, tableau en ligne) ont aussi émergé, à la demande de producteurs peu à l'aise avec le numérique qui devaient compenser des ventes devenues impossibles (marchés). 7 – la reconsidération du poids relatif des modalités de vente en circuits courts. L'effacement temporaire des achats des restaurants et de la restauration collective n’a pas généré de problème majeur. L’accroissement de la demande des particuliers et des commerces a facilement compensé la perte de ce marché, sauf pour les fournisseurs spécialisés. L’affirmation qui présente les achats des restaurations collectives comme pivot de la santé économique de l’agriculture de proximité est infirmée par l’expérience. La fermeture des marchés a eu des effets plus intenses. Le marché a été réhabilité dans son importance économique et sociale, défendue par toutes les organisations agricoles comme une urgence. Mais la plupart des producteurs ont trouvé des compensations, signe de résilience de la production de proximité, quand elle passe par une multiplicité de canaux. La puissance de l’engagement de la société civile a été déterminante par rapport aux politiques publiques ; 8 – la diversité individualisée des réponses sanitaires. Les témoignages montrent que ce sont avant tout des décisions à l’échelle des ménages et des unités économiques (de production, de transformation, de vente) qui déterminent l’efficacité sanitaire ressentie. Pour le même type de distribution (marché, ferme, GMS), les appréciations sont très divergentes. Certaines « bonnes pratiques » se sont diffusées très rapidement (distribution au panier, espacements de sécurité, « marche en avant » des acheteurs). L’enquête montre que les dispositifs de circuits courts, à l'image des AMAP, ont été particulièrement vigilants craignant d’être, plus que les autres, la cible de critiques en cas de manquement. 9 - la place de l’alimentaire dans les budgets des ménages. Les consommateurs signalent parfois une hausse des prix quand les courses sont faites dans le lieu habituel. Peu de choses ont été dites sur le différentiel quand les gens découvrent d'autres sources, à part ceux qui y trouvent confirmation de leurs jugements antérieurs (supérette de quartier plus chère que l'hyper) ou s'étonnent (par exemple de trouver des prix compétitifs dans les fermes). Les arbitrages entre capacités financières et « objectifs de crise » (assurer la sécurité sanitaire, manger plus sain, maintenir ses habitudes, expérimenter, se faire plaisir…) ont été difficiles, surtout vers la fin du confinement. Des ménages ont repensé leur budget alimentaire. Quand le confinement a augmenté les effectifs du foyer, les dépenses ont augmenté mécaniquement. Le recours à des aliments jugés « sains » (pour ne pas rajouter une menace) ou commodes (supérette de quartier qui limite les déplacements) est décrit comme un « bon investissement » de crise. Sur la fin de la période, des ménages ont « plongé » sous la ligne de détresse alimentaire, par perte de revenus ou augmentation des dépenses (par exemple pour des familles dont les enfants accédaient gratuitement à la cantine). Ces personnes constituent de nouveaux publics pour les organisations de l'aide alimentaire, dont ils ne connaissent pas les codes ; 10 - la réinterprétation des mots « proximité » ou « local ». Avant la crise, le terme « proximité » était utilisé pour désigner un mode d’approvisionnement alimentaire centré sur la provenance des produits. Pendant la crise on a parfois assisté à un glissement de sens qui a conduit à l'utiliser pour les lieux de distribution les plus proches, donc moins risqués et plus dynamisants pour la vie de quartier ; 11 - le rôle des pouvoirs locaux. L’échelon communal a joué un rôle fondamental, décisionnel et opérationnel, dans les réponses à la crise : maintien ou pas des marchés, habilitation des lieux de distribution, surveillance des mesures sanitaires, réorganisation de l’aide alimentaire, fermeture ou réaffectation des restaurations collectives. Le rôle du maire a été mis en lumière par rapport aux intercommunalités, en raison des compétences dévolues aux communes et de leur proximité avec « le terrain ». Les relations avec l'Etat et ses services, conflictuelles ou constructives, ont été nombreuses, comme le montre l’exemple des marchés. Des débats ont été lancés sur le rôle stratégique des collectivités, en interrogeant notamment les Projets Alimentaires Territoriaux, et les enseignement à tirer pour l’avenir. 12 – les interrogations sur la pérennité : demain c’est tout de suite. Des habitudes et des organisations d'intérêt collectif sont apparues avec la crise, sur un principe de solidarité. Certaines initiatives assument d’être temporaires, le temps de passer la crise. D’autres au contraire ont vocation à perdurer, soit parce que la crise a simplement eu un effet déclencheur sur des envies latentes, soit parce qu’elle a éveillé l’intérêt sur certaines pratiques expérimentées pendant la période de confinement. Les solidarités de quartier passeront-elles la cap de l'institutionnalisation ? Les habitudes culinaires développées pendant le confinement résisteront-elles au retour du temps contraint ? (1) de la ferme jusqu'au lieu de groupage des produits (2) du lieu de distribution ultime jusqu’au domicile des mangeurs Des solutions multiples, nées de toutes parts, pour assurer l’alimentation des Français Cette partie est destinée à faire le bilan des initiatives positives qui ont été mises en place pendant le confinement et nous ont été partagées. Les solutions partagées dans ce bulletin couvrent trois grands objectifs : aider les producteurs à écouler leurs productions et les consommateurs à accéder facilement aux denrées alimentaires, assurer la sécurité sanitaire de la vente aux consommateurs, aider les plus vulnérables à se procurer leur nourriture. 1) Des actions pour trouver de nouveaux débouchés aux producteurs et fournir des consommateurs inquiets Développement de nouveaux modes de distribution Pour gérer le surplus de marchandises et limiter le gâchis, des producteurs qui fournissaient habituellement les restaurants et la restauration collective se sont très vite tournés vers des systèmes de paniers, à livrer au domicile des particuliers ou à des commerçants ayant besoin d’approvisionnements. Beaucoup de producteurs locaux et d’AMAP ont proposé des systèmes de commande en ligne avec récupération des courses à la ferme ou des systèmes de Drive avec livraison à domicile. Des épiceries itinérantes ou des ventes ambulantes de produits bio et locaux se sont aussi mises en place. Certains dispositifs ont été créés ex-nihilo, d’autres étaient en gestation et la crise a servi d’accélérateur pour les faire aboutir. Des entreprises se sont proposées pour aider des producteurs à organiser la logistique de leurs tournées de livraisons. Des citoyens bénévoles, des associations, des collectivités ont proposé leur aide à des producteurs en manque de main d’œuvre pour effectuer des livraisons collectives de paniers commandés ou à servir de relais pour vendre leurs produits à leurs voisins. Producteurs et consommateurs ont mis au point des stratégies logistiques permettant de diminuer le nombre et la durée des trajets destinés aux livraisons : des voisins se sont organisés entre eux pour faire des commandes groupées, et des producteurs pour regrouper leurs livraisons dans un seul camion. Les réseaux sociaux ont été utilisés par des personnes qui ne les utilisaient pas, ou pas à cette fin, afin de partager ces nouvelles méthodes d’approvisionnement et écouler la marchandise rapidement. Des collectivités, de tous niveaux, ont ouvert des répertoires de producteurs locaux à destination des consommateurs (certains étaient renseignés de façon participative). D’autres cartes participatives ont été proposées directement par des particuliers, associations ou entreprises. Certains producteurs se sont organisés avec les commerces locaux pour venir y vendre leurs produits. Des magasins d’enseignes de la grande distribution ont aussi fait ce geste ou ont renforcé leur approvisionnement auprès de producteurs locaux. Des épiciers, des restaurateurs, des commerçants de bouche ont joué le rôle de point de distribution pour des producteurs locaux. Certains comptent d’ailleurs continuer. Devant l’affluence de la clientèle, des supérettes, mais aussi des AMAP ou des dispositifs de commande-livraison, ont mis en place un système de rationnement pour que tout le monde puisse avoir accès à certains produits. Certains ont plafonné le nombre de clients pour conserver leur niveau de qualité du service et des produits. Des restaurants, cantines et cuisines centrales ont mis en place des initiatives solidaires pour revendre leurs denrées et réduire le gâchis alimentaire (ventes à prix cassés, redistribution aux employés, dons à l’aide alimentaire, à des AMAP ou à des coopératives de consommateurs). Des équipements publics (cuisines centrales) ont été réorientés vers la production de repas au bénéfice des personnes précaires (ménages à bas revenus, habitants de la rue…). Des changements de comportements de consommation D’abord, les habitués des circuits courts (tels que les consommateurs en AMAP), puis les consommateurs plus novices, et enfin leurs voisins, leur entourage, ont fait attention à consommer des produits locaux en soutien aux producteurs. La période a en outre permis de promouvoir les circuits courts comme éléments de résilience. Pour certains, le confinement, mais aussi les difficultés économiques, ont provoqué une réflexion sur l’alimentation, qu’il s’agisse du budget consacré, du gaspillage ou de la qualité des produits. Les citoyens se sont davantage tournés vers l’auto-production, pour tous ceux en capacité de produire chez eux. Certains ont fait leur propre pain, d'autres se sont remis davantage à la cuisine et ont commencé à partager leurs productions culinaires à leurs amis et voisins. Ces pratiques relevaient d’une volonté de gagner en autonomie alimentaire. De nouvelles compétences ont été acquises dans le champ de la cuisine. Certains ont mis en place des groupes de partage de recettes, de graines, de levain, de proximité, en famille ou par les réseaux. Des aides citoyennes dans les champs ? Face à la capacité de récolte brutalement limitée pour les producteurs suite au blocage à la frontière des travailleurs étrangers, certains citoyens ont proposé leur aide dans les champs via la plateforme « Des bras pour ton assiette » à l’initiative du Ministère de l’Agriculture. Le nombre de travailleurs qui ont réellement apporté leur aide par l’intermédiaire de cette plate-forme est demeuré faible. Les coups de main ponctuels à l’échelle locale ont été limités par les interrogations sur les protocoles sanitaires. 2) Réorganisation des modalités de vente pour se protéger de la Covid 19 Les livraisons et systèmes de Drive se sont largement développés au niveau de la grande distribution sur demande des consommateurs qui souhaitaient limiter leur exposition par précaution sanitaire. De nombreuses actions spontanées, à l’initiative des producteurs puis d’autres acteurs locaux, ont été mises en place pour garantir la sécurité de tous sur les lieux de vente en circuits courts : service par les personnes du stand, mise en place de marquage au sol pour les files d’attente, proposition de créneaux spécifiques pour les personnes fragiles, pour le personnel soignant, limitation du temps d’attente par la réalisation de paniers, etc. Des collectivités ont mis du personnel à disposition pour veiller au respect des protections sanitaires. Ces “surveillances” ont été bien acceptées, voire ont été demandées, par les vendeurs et les acheteurs. 3) Solidarité vis-à-vis des personnes vulnérables (les personnes âgées, isolées, sans ressources) Portage des courses pour ceux dont la santé est plus fragile Beaucoup de citoyens ont proposé leur aide à leurs voisins fragiles en profitant de leurs courses pour faire les leurs. Le voisinage s’est montré propice à la solidarité et l’existence d’une petite communauté, formée autour d’un village, a semblé rendre plus facile le recensement des difficultés et des personnes qui avaient besoin d’aide. L’action sociale privée (associations de quartier, circuits d’aide alimentaire tels que le Secours Populaire et le Secours Catholique) s’est aussi réorganisée en urgence pour tenter d’ajuster les modalités de l’aide alimentaire aux contraintes du confinement, d’organiser des portages de repas ou des livraisons collectives au domicile des personnes fragiles. La Croix-Rouge française a également lancé un dispositif d’aide psychologique, d’écoute, et de livraison solidaire pour les personnes vulnérables en situation d’isolement social. Des communes ont parfois directement proposé leur aide pour un service de portage des courses aux personnes âgées qui ne reçoivent pas d’aide et ne peuvent pas sortir. Elles appelaient directement ou mettaient à disposition un numéro. Beaucoup ont mobilisé les ressources des CCAS pour mettre en place des dispositifs de secours alimentaire. Nombre d’élus ont directement participé à ces secours, et ont été en contact avec les personnes concernées. Des institutions se sont également mobilisées, comme l’AGIRC-ARRCO qui propose un service de courses destiné aux plus de 75 ans. Aide alimentaire aux personnes les plus précaires (sans abris, sans ressources) Des initiatives destinées aux sans-abris se sont mises en place. Par exemple à Rennes, la Ville a pris l’initiative de produire et livrer des repas dans des lieux d’hébergement pour les sans-abris dans certains quartiers de la ville ou de préparer des kits alimentaires dans des cantines pour les distribuer à des personnes en situation de grande précarité. Des associations ont également mis en place des maraudes. L’ONG « Pour eux Lille » a proposé de cuisiner un repas supplémentaire à la maison, de l’indiquer sur leur plateforme afin que des volontaires viennent le chercher et le redistribuent à ceux qui en avaient le plus besoin. Les ONG historiques d’aide alimentaire (Secours Populaire, Secours Catholique, Croix Rouge...) ont distribué des paniers aux plus précaires et leur ont donné accès à des banques alimentaires, souvent en collaboration avec des associations d’aide alimentaire plus petites. Des aides financières pour les plus démunis Des CROUS ont mis en place des programmes d’aides financières d’urgence pour les étudiants en détresse alimentaire et sociale. Le collectif citoyen “Solidarité Continuité alimentaire Bordeaux”, monté dans l'urgence, a mis en place une cagnotte pour les étudiants en détresse alimentaire, ce qui a permis d’acheter des denrées alimentaires et sanitaires, et de préparer des colis ensuite livrés à leur domicile. L’Etat a renforcé son plan d’aide de financements. Des collectivités se sont aussi mises à la manœuvre. Les communes et intercommunalités ont mis en place des dotations financières ou des sortes de “bons d’achat” pour compenser les dépenses supplémentaires supportées par les familles à faible revenu dont les enfants ne pouvaient plus manger à la cantine gratuitement ou à coût réduit. Par exemple à Brest, certaines familles qui bénéficiaient, à la cantine, de la gratuité ou du tarif de la tranche la plus basse, ont pu bénéficier d’une aide financière sous forme de chèque alimentation. Présentation du bulletin conclusif | Article suivant : Mise en perspective de nos résultats et ouverture

  • Bulletin de partage conclusif - Mise en perspective de nos résultats et recommandations

    Dans cette partie nous détaillons certaines recommandations que notre collectif souhaite mettre en avant. Elles visent dans l’ensemble à transformer notre système alimentaire afin d’en réduire la vulnérabilité face aux incertitudes du contexte actuel. Elles s’adressent principalement à l’Etat et aux collectivités mais aussi aux citoyens et citoyennes engagé·e·s. Mise en perspective scientifique au regard de l’actualité Le travail mené dans le cadre de l'enquête "Manger au temps du coronavirus" a été valorisé à travers une publication scientifique intitulée : "Les systèmes alimentaires de proximité à l’épreuve de la Covid-19 - Retours d’expérience en France" publiée dans la revue scientifique Systèmes alimentaires / Food Systems 2020, n° 5. varia. Cet article présente l’analyse qualitative et lexicométrique de 540 réponses à notre enquête en ligne ouverte le 15 mars 2020, invitant à des retours d’expériences dans le domaine alimentaire durant le confinement lié à la crise de la Covid-19. Le matériau recueilli porte surtout sur les systèmes alimentaires de proximité. Analysé selon trois approches (perspective multi-niveau, innovation sociale, gouvernance territoriale), il témoigne des adaptations et innovations dans ces systèmes. Auteurs : Darrot (Catherine), Chiffoleau (Yuna), Bodiguel (Luc), Akermann (Grégori), Maréchal (Gilles) Découvrir l'article Des orientations au prisme de la résilience alimentaire Dégager des enseignements de la crise et pérenniser les initiatives qui en sont nées. Les collectivités peuvent organiser des conférences et rencontres dans leur territoire pour faire le bilan des problèmes rencontrés au cours de la période et des réponses apportées. De multiples formats d'échange sont initiés sur les territoires à différentes échelles par différents types d’acteurs, souvent sous forme de webinaires comme le forum alimentation et territoire. Les contributions à l’observatoire participatif open source/open access de l’Alimentation locale (bientôt hébergé sur le site du RMT Alimentation locale) permettront de mettre en évidence les structures de transformation ou de distribution contribuant à la reterritorialisation de l’alimentation. L’objectif de ce bilan est de pouvoir accompagner les groupements informels créés pendant la crise, ainsi que les nouveaux venus dans l’agriculture et l’alimentation de proximité. Les collectivités peuvent faciliter l'interconnaissance et optimiser la logistique des circuits courts pour “monter en volumes” sans que cela ne se fasse au détriment des rapports humains ou par la mise en place de nouveaux intermédiaires captant la valeur ajoutée. Une multiplicité de plateformes numériques sont apparues pendant le confinement à différentes échelles et les collectivités pourraient animer un processus engageant l'interopérabilité des différents outils pour faciliter leur actualisation et leur pérennité. La dimension sociale de la restauration collective a été mise au jour par le confinement. Des initiatives sont nées pour initier la modularité et la diversité des approvisionnements (repas pour l’aide alimentaire, pour les personnes vulnérables…). L’organisation de la restauration collective et la conception de ses équipements doivent être pensées pour s’adapter aux périodes de rupture comme celle du premier confinement. Relocaliser certaines activités et productions pour renforcer la résilience du système alimentaire Pouvoir subvenir aux besoins alimentaires de base de la population avec les ressources locales ou grâce à des liens de coopération solides avec les territoires voisins est un gage de résilience important. Plusieurs mesures peuvent aider à aller en ce sens. La préservation des terres agricoles en périphérie des villes est l’une des priorités et doit devenir un critère déterminant des plans d’urbanisme. Ces terres sont particulièrement indiquées pour installer des fermes maraîchères en circuits courts et rééquilibrer le déficit de nombreuses villes et territoires en fruits et légumes locaux. Des dispositifs de préservation de terre agricole sont expérimentés avec la réglementation actuelle (information transaction vigifoncier, portage foncier, préservation terre agricole…) et les élus, notamment communaux, peuvent mobiliser des processus d’apprentissage (formation, journée d’échange…) pour mieux appréhender ce sujet. Des outils de simulation en libre accès sont par ailleurs disponibles (PARCEL, CRATER, …).. Les collectivités peuvent mettre en place des plans de résilience alimentaire à différentes échelles (intercommunalités, départements, régions). Ces dispositifs pourraient être rendus obligatoires à l’image des Plans Climat Air Energie Territoriaux et dotés de moyens ad hoc pour leur réalisation. Les communes, dont le rôle est sorti renforcé par la crise sanitaire, pourraient être les chevilles ouvrières avec un volet risque alimentaire intégré au plan communal de sauvegarde (PCS) (commune de Dompierre sur Yon, Vendée). Ces plans viendraient se substituer ou s’ajouter aux actuels Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) et chercheraient à rendre les politiques alimentaires plus opérationnelles, ascendantes et démocratiques. Le volet agricole du Plan de Relance prévoit un soutien d’investissement qu’il serait intéressant de conditionner à l’amélioration de la résilience alimentaire par exemple en augmentant la capacité de stockage ou en facilitant l’installation d’unités de transformation de denrées locales (moulins, pressoirs, conserveries, etc.). Un des objectifs est de relocaliser ce qui est possible (y compris l’alimentation des animaux d’élevage) en installant des agriculteurs, en diversifiant les productions des fermes, en rééquipant les territoires en outils de transformation. Pour les territoires trop denses ou pour les productions peu adaptées au terroir, des circuits d’approvisionnement auprès des territoires voisins peuvent être mis en place dans une perspective de commerce équitable Nord-Nord assurant une juste rémunération des producteurs. Ces évolutions doivent conduire au rééquilibrage de certaines productions aujourd’hui largement importées, en particulier les fruits et légumes et les protéines végétales pour l’alimentation animale ou humaine. L’élaboration de volet "protéines végétales” dans les démarches de PAT pourrait être une piste à l’exemple de la démarche initiée dans le PNR du Perche. Les circuits courts de proximité sont une réponse éprouvée pour relocaliser les chaînes alimentaires. Il est nécessaire d’accompagner la diversification des exploitations en circuits longs vers une partie de leur activité en circuits courts. Pour les circuits longs comme pour les circuits courts, le développement de marchés d’intérêt local est un moyen de maintenir une proximité géographique entre producteurs et consommateurs en bénéficiant des avantages d’une mutualisation des commandes et des livraisons et en visant de nombreux débouchés (commerces alimentaires, restaurants, cantines, groupements d’achats...). Améliorer la transparence du système alimentaire Une information fiable est nécessaire à tous les niveaux pour transformer le système alimentaire. Les statistiques agricoles, notamment le Recensement Général Agricole, agroalimentaires et celles concernant les transports doivent être révisées pour mieux connaître et réguler les flux alimentaires. Par ailleurs, l’observatoire de la formation des prix et des marges doit être étendu aux circuits courts et prendre davantage en compte la qualité des produits. La transparence sur la répartition de la chaîne de valeurs pourrait renforcer l’attractivité des consommateurs proposant une décomposition des prix à l’image des affichages développés dans le commerce équitable (comme Voisins de paniers, Côtes d’Armor). Une plus grande transparence sur les conditions de travail des salariés agricoles ou de l’agroalimentaire, étrangers ou non, est également nécessaire. Il en va de même pour les activités et sources de revenus des personnes siégeant dans les Chambres d’agriculture ou les SAFER. Côté consommateurs, l'étiquetage des produits et de leurs matières premières doit être renforcé pour indiquer de manière transparente l’origine et les conditions de production. Les marques de territoire ou de consommateurs proposant un cahier des charges ambitieux basé sur des pratiques agroécologiques et garantissant une juste rémunération des producteurs sont à encourager (comme Terres de sources, Ille et vilaine). La démarche Ici.C.Local qui se diffuse en France est aussi à signaler, associant étiquetage des produits “locaux” et “durables”, selon des critères définis localement, et développement d’une démocratie alimentaire (www.iciclocal.fr). Changer les règles du jeu pour permettre une transformation du système alimentaire Plusieurs actions transversales sont nécessaires pour lever le verrouillage socio-technique qui caractérise le système alimentaire dominant. Quelques idées sont signalées ici. La mise en place d’une branche alimentation au sein de la sécurité sociale est une mesure globale ayant le potentiel d’agir à tous les niveaux du système alimentaire : rémunération des agriculteurs, conditions de production, accès à l’alimentation… Comme pour la santé, elle consiste à instaurer un véritable droit à l’alimentation basé sur l’universalité et la solidarité. Des collectivités pourraient expérimenter localement ce nouveau système et les formes de gouvernance qui l’accompagnent. Les contrats locaux de santé portés par des collectivités pourraient être un cadre à investir pour cette expérimentation (voir le réseau environnement en lien avec le département de Seine Saint Denis). La gestion des instances agricoles pourrait également être ouverte aux citoyens, par exemple dans les élections des représentants des Chambres d’agriculture. L’accès au foncier, aux outils de production (bâtiments, machines) ou à un logement, sont des enjeux majeurs pour le renouvellement des générations d’agriculteurs. Leur gestion doit être repensée pour favoriser l’installation. En particulier, le rachat d’une partie du capital d’une ferme donnée et sa transformation en “communs” est une réponse pertinente. Les agriculteurs conservent le droit d’usage des terres ou des outils mais leur gestion est soumise à certaines conditions décidées collectivement. Ce type de rachat pourrait être financé par un fonds national géré par l’État ou délégué aux collectivités territoriales, par des groupements et des coopératives d’habitants, ou encore par des organismes d’épargne citoyenne solidaire (comme le propose l’association Terre de Liens). Le rôle des élus locaux et notamment communaux a été mis en avant durant le confinement et réinterroge la gouvernance alimentaire en temps de crise. Des processus continus d’apprentissage sur l’articulation entre les différentes échelles destinés aux élus locaux et aux services des collectivités pourraient être réalisés à travers des animations territoriales ou régionales (voir les initiatives du Réseau rural PACA). Enfin, les règles d’approvisionnement pour la commande publique pourraient être davantage renforcées en faveur de produits locaux, issus de pratiques agricoles durables et garantissant une juste rémunération des producteurs. L'application de la loi Egalim offre de nombreuses opportunités pour faire évoluer la restauration publique et commencer par la réalisation d’un diagnostic participatif, appuyé sur les compétences des acteurs des territoires plutôt que par des auditeurs externes. Présentation du bulletin conclusif | Article suivant : Regards internationaux

  • Bulletin de partage conclusif - Retour sur les observations venues d'ailleurs

    Plusieurs contributions à l’enquête nous sont parvenues depuis l’étranger. Certaines d’entre elles apportent un regard critique sur les systèmes agricoles et alimentaires actuels. Il s’agit ainsi de faire le point sur ces témoignages. Nous constatons que malgré des contextes agricoles, politiques et sociaux très différents, des réflexions communes se dégagent à l’échelle mondiale : retours sur des questionnements abordant de nouvelles formes d’adaptation, des modalités d’action et des incertitudes sur l’avenir. Les témoignages liés à l’enquête Tout au long de l’enquête des témoignages de pays étrangers nous ont été transmis. Dans un premier temps, nous les avons reçus par mail ou via les réseaux sociaux. Puis, les réponses nous sont parvenues par le biais du questionnaire de l’enquête suite à sa traduction en portugais, en anglais et en espagnol. Au total nous comptabilisons 55 déclarations provenant de 14 pays d’Europe, d’Amérique du nord, d’Amérique du sud, d’Afrique et d’Océanie. Le nombre relativement limité de témoignages ainsi que la pluralité de leurs origines et des thématiques abordées ne nous permettent pas de réaliser une analyse statistique et de généraliser des enseignements. Ces retours sont cependant d’une valeur importante grâce à la diversité des pays concernés et à la mise en lumière des spécificités des contextes sanitaires, culturels, agricoles, économiques et politiques locaux. De manière générale, les thèmes abordés dans ces témoignages sont ceux de la solidarité, de l’adaptation des modalités d’achat et de distribution (circuits-courts), des nouveaux modèles alimentaires, ainsi que des enjeux de sécurité ou souveraineté alimentaire. Nous avons classés l’ensemble de ces contributions selon ce qui relève : - de l’observation : il s’agit des éléments d’analyse sur l’environnement proche et sur les pratiques collectives appréhendées d’un point de vue extérieur ; - des pratiques et des initiatives locales : nous avons analysé les passages de témoignages qui traitent des démarches individuelles. Il s’agit par exemple des changements de régime alimentaire ou des initiatives de petits groupes locaux ; - des perspectives et craintes pour l’avenir : Nous avons capitalisé ce qui a trait aux inquiétudes concernant l’impact de la crise à court et long terme. Pour chacune de ces catégories de contributions nous faisons ressortir ce qui a semblé commun aux observations faites en France et ce qui nous a paru spécifique à d’autres pays. Les observations La majorité des observations réalisées concernent sans grande surprise les points de distribution alimentaire. Comme dans certaines régions de France, les premières semaines de confinement ont été marquées par une rupture de stock de certains produits dans les supermarchés. Dans un premier temps les rayons de produits secs comme le riz et les pâtes ont été pris d'assaut mais aussi les rayons de bouteilles d’eau dans des régions ou l’habitude de boire au robinet est peu développée comme ici à Evora au Portugal : « Les bouteilles d'eau ont presque disparu des étagères des grandes surfaces commerciales (LIDL, Intermarché, Pingo Doce) Les acheteurs qui ont commencé à stocker des aliments sont pour la plupart à la retraite. » (Evora, Portugal, 12mars). Deuxième fait marquant, la fermeture des marchés qui a eu un impact majeur dans d’autres régions du monde. En effet, de nombreux témoignages ont été reçus dans ce sens aussi bien au Brésil, qu'en Serbie ou qu’au Burkina Faso. Des producteurs pratiquant la vente sur les marchés ont été amenés à repenser totalement leur logistique pour vendre leurs productions. «Les agriculteurs bio ont perdu leur espace de commercialisation, avec la fermeture de la foire bio hebdomadaire et la mise à l’arrêt des repas scolaires, pour lesquels ils ont un contrat d'approvisionnement. La commercialisation est passée par d'autres voies comme le téléphone et les réseaux sociaux, avec des livraisons à domicile pour faciliter les flux de production. » (Pinheiral , RJ, Brésil, 23 mars) On remarque que les systèmes de paniers, communément appelés CSA (Community-Supported Agriculture), ont été mobilisés avec des arguments similaires à ceux de l’hexagone. Il s’agissait notamment de limiter les risques d’exposition au virus en évitant les supermarchés très fréquentés, de soutenir les petits producteurs locaux et de consommer des produits sains et de qualité en termes de goût et en termes nutritionnels pour renforcer son système immunitaire. Ainsi le nombre d’adhérents à des groupes de consommateurs mentionnés dans les témoignages a fortement augmenté pendant la crise. Depuis le début du mois de mars 2020, FairShare CSA Coalition (une organisation à but non lucratif basée au Wisconsin qui sert plus de 40 producteurs biologiques CSA) a noté une nette augmentation de la vente d'actions CSA. Les fermes que nous soutenons vendent plus rapidement que les années précédentes et la fréquentation de site Web et de notre outil de recherche de fermes est plus intense que la normale à cette période de l'année. Upper Midwest, USA, 4 avril Cependant l’augmentation du nombre de commandes de paniers n’a pas systématiquement permis de compenser les pertes de chiffres d’affaires. Les nouvelles formes de livraisons ont eu un coût non négligeable et des contrats ont par ailleurs dû être abandonnés pour certains producteurs. Cela a été le cas pour cette AMAP togolaise : « Egalement, ServAir Togo qui est un client important de l'AMAP-TOGO, a cessé ses commandes de légumes et fruits suite à la fermeture provisoire de leur site, le 20 mars 2020. AMAP -Togo continue toujours la distribution des produits comme: légumes, fruits et d'autres produits agricoles à ses consommateurs et nous constatons une augmentation des adhésions à nos paniers. » (Togo, 3 avril) Par ailleurs, l’espoir de maintenir les nouveaux clients arrivés pendant la crise au sein de groupes de consommateurs a pu s’estomper avec un retour à un niveau de ventes habituel dès les premières semaines de déconfinement. Ce constat avait également été mis en évidence en France lors de l’enquête. « Avec l'arrivée de la pandémie de la COVID-19 au Portugal dans la deuxième semaine de mars 2020 et le début du confinement, nous avons assisté à une forte et soudaine augmentation de la demande en nourriture. Nous avons pu constater un état d'anxiété, de peur et de panique générale engendrant une grande demande de nourriture en quantités beaucoup plus importantes que d'habitude. Nous avons remarqué que les clients ont commencé à accumuler des stocks de nourriture chez eux. Il y avait également une forte demande pour les livraisons à domicile, pour éviter d'avoir à quitter la maison. Après environ 6 semaines, la demande a ralenti et après deux mois, nous sommes revenus au niveau habituel pré-COVID en termes de nombre de commandes et de ventes.(Portugal, 28 mai) Cependant, malgré une rapide reprise des habitudes des consommateurs, certains producteurs ou acteurs associatifs ont espoir que la crise permettra de renforcer la visibilité des réseaux alternatifs à l’agro-industrie et favorisera une prise de conscience sur leur capacité à fournir des produits alimentaires à des communautés parfois fragiles. Concernant les observations spécifiques à ces contributions étrangères, la question de la concurrence par les intermédiaires a retenu notre attention. Un répondant brésilien fait en effet part de ses inquiétudes quant au positionnement d’acteurs intermédiaires qui ne produisent pas mais dominent tout de même les réseaux sociaux pour la vente directe. Les foires, lieux où une bonne partie des produits est vendue, restent fermées limitant ainsi les revenus de nombreuses familles. Dans ce contexte apparaissent des intermédiaires et opportunistes qui ne produisent rien, mais qui dominent tout de même les réseaux sociaux, les mettant dans une position favorable pour la confection et la commercialisation de paniers et mettant ainsi à mal l'un des préceptes de base des circuits courts, puisque la figure de l'agriculteur est remplacée par l'intermédiaire. Volta Redonda, RJ, Brésil, 24 juin Les pratiques et initiatives locales Les retours des contributeurs étrangers pendant le confinement ont, comme en France, fortement portés sur la sphère domestique et notamment sur le renforcement de pratiques culinaires du « faire soi-même » ou au contraire l’expérimentation de nouveaux régimes alimentaires pour favoriser le bio et le local. Depuis que nous sommes confinés (aux alentours du 22/03), nous avons décidé de nous mettre au "régime", sur le modèle de la cure Cabot. Nous avons totalement banni les laitages, la viande rouge, les sucres raffinés et limitons le gluten. Nous consommons beaucoup de légumes (le plus bio possible) et de légumineuses. Nous avons également adopté la lacto-fermentation des aliments. Dublin, Irlande, 22 mars Au-delà de leurs pratiques individuelles, les contributeurs nous ont fait part d’initiatives qui ont été mises en place pendant le confinement. Certaines font écho à des démarches observées en France : priorisation des achats en ligne par les particuliers pour soutenir les producteurs organisés de cette manière, initiatives d’urgence d’aide alimentaire avec la mobilisation de cantines scolaires pour organiser la distribution. Ici à Milan pendant les premiers jours de fermeture des écoles, la Banco Alimentare (la principale banque alimentaire italienne, très active à Milan) a aidé l'entreprise publique de la Municipalité qui gère les cantines scolaires à écouler des produits qui se trouvaient dans les entrepôts et à gérer le don et la redistribution de la nourriture dans diverses structures caritatives. Italie, 17 mars Des réseaux d’entraide entre voisins semblent également avoir fleuri dans de nombreuses régions du monde. “Augmentation du nombre d'initiatives d'aide aux voisins, en particulier les personnes âgées.” ( Pologne, 17 mars) Nous avons cependant pu observer quelques initiatives spécifiques au contexte du pays dans lesquelles elles ont été mises en place, en réponse à des besoins réels de la population autant du côté des producteurs que des consommateurs. Nous avons notamment retenu celles faisant apparaître un lien entre société civile et pouvoirs publics. Sur ce sujet nous remarquons ainsi une initiative particulière au Burkina-Faso de mise en place de système de paniers distribués aux entrées de la ville de Ouagadougou, sous la surveillance de la gendarmerie, organisé directement par les producteurs et les consommateurs en contact par les réseaux sociaux. « En effet suite à cette crise, la fermeture des marchés a occasionné une forte pression sur la commande des produits surtout bio pour la conservation. Du coup une des stratégie trouvée était de revoir et réaménager l'organisation commerciale entre producteurs-clients. Dans un premier temps il s'agissait de lancer la commande en ligne à travers les réseaux sociaux (NB: Existence d'une plateforme whatsap clients-producteurs), enfin s'accorder à un lieu de RDV avec le producteur pour la livraison. Les lieux de RDV se trouvent généralement aux différents Check-point à l'entrée de la capitale qui est surveillée par la gendarmerie. La gendarmerie quant à elle est du coup sensibilisée sur l'activité pour également faciliter les transactions en produits agricoles et financières à l'achat de ces produits. » (Burkina Faso, 7 mai) En Serbie, c’est une structure gouvernementale chargée de la mise en place des marchés qui s’est adaptée pour permettre la vente en ligne pour les producteurs ayant perdu leurs débouchés habituels (restaurant, marchés etc .) « Dans l’optique de résoudre les problèmes de distribution pour les agriculteurs, il y a quelques jours, la société publique "JKP" qui gère les marchés (“greenmarket”), a créé une plate-forme en ligne pour les agriculteurs qui ont des contrats légaux / concession avec eux et dont le but est de créer du lien entre agriculteurs et consommateurs. La plateforme vise à faciliter la livraison des produits des agriculteurs pour qu’ils livrent directement aux portes des clients. » (Belgrade, Serbie, 4 avril) Au Portugal, un projet existant intitulé km 0, porté par des acteurs de la recherche, des restaurants, des producteurs et des collectivités locales a permis de mettre rapidement en place une liste de producteurs conservant leurs activités et effectuant des livraisons qui a été diffusées dans de nombreux réseaux afin d’écouler leur production par de nouveaux biais. Perspectives et craintes pour l’avenir A l’échelle mondiale, les craintes exprimées portent sur le niveau de sécurité alimentaire qui se dégrade notamment pour les populations déjà précaires. Les inquiétudes à court terme ont été liées à l’impact de la fermeture des cantines scolaires qui permettaient d’assurer au minimum un repas par jour, ou encore à la qualité de l’aide alimentaire constituée de produits uniquement industriels souvent de mauvaise qualité. Hier, New York a fermé le plus grand arrondissement scolaire des États-Unis qui sert 1,1 million de repas par jour. 750 000 de ces enfants dépendent de la nourriture servie à l’école pour leur sécurité alimentaire, aussi choquant que cela puisse paraître... New-York, USA, 6 avril Les contributeurs ont également partagé leurs inquiétudes sur la capacité des territoires à subvenir aux besoins de leurs populations sur le long terme. Ces inquiétudes concernent notamment le monde agricole. Lors de la première vague, les agriculteurs ont dépensé beaucoup d’énergie pour répondre aux besoins des populations locales notamment en adaptant leurs modes de vente. Ils ont pris des risques en maintenant des livraisons, en accueillant du public dans leurs fermes, cela avec beaucoup d’incertitudes sur l’avenir et donc sur les stratégies à adopter dans ce contexte. Certains témoignages ont été accompagnés d’une contextualisation sur les modèles agricoles dominants dans la région concernée. Ces retours sont précieux pour comprendre les inquiétudes soulevées sur la capacité du pays à résister aux chocs. C’est le cas notamment d’un témoignage en provenance de Serbie, où les petites fermes familiales constituent la majorité du paysage agricole et ont été particulièrement impactées par les mesures sanitaires. Dans un premier temps les couvre-feu imposés sur les plages horaires très restreintes puis dans un deuxième temps les autorisations accessibles en ligne au plus tard 48h en avance, étaient incompatibles avec le travail agricole et les habitudes de cette population dont près de la moitié à plus de 65 ans. Ces paysans qui vendent en générale leur production sur les marchés ont ainsi été bien plus impactés par la crise que les plus grosses exploitations avec des débouchés pour les supermarchés. Les supermarchés et les chaînes de vente au détail poursuivent leurs activités comme d'habitude. Ils travaillent principalement avec de grands producteurs et de grandes entreprises agroalimentaires. En ce sens, jusqu'à présent, ils n'ont pas montré l'intention de soutenir ou d’offrir des solutions aux petits agriculteurs. Belgrade, Serbie, 7 avril Focus à partir de regards d’experts Des témoignages et retours d’experts permettent de faire échos aux contributions étrangères issues de l’enquête et synthétisées précédemment. Nous recensons ici partie quelques ressources affichant des questionnements et positionnements sur l’organisation des systèmes alimentaires actuels et leur résistance face à la crise dans différentes parties du monde : Quel avenir pour le monde agricole et les petites fermes familiales ? Quelles sont les transitions agricoles et écologiques à opérer pour renforcer la résilience alimentaire des territoires ? Quels seront les impacts de la crise Covid sur la sécurité alimentaire des populations déjà fragilisées ? Agrisud : Article sur l’agriculture familiale agro-écologique pour des systèmes alimentaires durables WWF Cymru : Rapport proposant des évolutions système alimentaire Gallois pour répondre aux besoins des générations futurs et les leviers pour y parvenir Moacir Darolt (chercheur au centre d'expérimentations en agroécologie du Parana - Brésil) : vidéo sur le système alimentaire de la région métropolitaine de Curitiba et sa résilience Leila Xavier (centre culturel conexao das artes, Rio de Janeiro) : vidéo sur les initiatives alimentaires dans les quartiers populaires et les campagnes de l’état de Rio de Janeiro Présentation du bulletin conclusif

  • Forum Alimentation et Territoires - La résilience alimentaire des territoires - du 25 au 27 novembre

    La 4ème édition du Forum Alimentation et Territoires se consacre en 2020 à la résilience alimentaire des territoires. Le RMT Alimentation Locale a le plaisir de s'associer à cet événement qui traite d'un sujet particulièrement d'actualité auquel nous nous intéressons particulièrement à travers notre axe 2, intitulé : La relocalisation de l’alimentation dans la résilience des territoires : approvisionnement local, systèmes alimentaires territorialisés et transition alimentaire. Cette nouvelle édition du Forum Alimentation et Territoires organisée initialement à partir de différents territoires bretons en lien avec Ouagadougou et Rio de Janeiro a dû s'adapter à ce nouveau confinement. Elle se déroulera donc entièrement en ligne entre le 25 et le 27 novembre et sera accessible à toutes et à tous sur inscription. Au programme Mercredi 25, 16h30 - 18h00 | Session plénière : L'état des systèmes alimentaires au coeur d'une crise pandémique Jeudi 26, 11h00-12h30 | Session plénière : La résilience des systèmes alimentaires dans l'actualité Jeudi 26, 16h30-18h00 | 6 ateliers thématiques : - la place de la restauration collective dans la résilience - l'agriculture urbaine pour la résilience des villes - les initiatives citoyennes pour la résilience alimentaire - la résilience dans la production agricole - les systèmes hydriques et la résilience des territoires - pour des réponses à court terme et une vision de la résilience à long terme Vendredi 27, 14h00-15h30 | 2 ateliers thématiques : - le foncier, l'installation et la transmission en agriculture - la place de la souveraineté médicinale dans la résilience Vendredi 27, 14h00-17h00 | Table Ronde : Transport de marchandise à la voile : enjeux et perspectives pour la résilience des territoires Inscriptions De nombreuses ressources sont mises en ligne par l'équipe d'organisation du forum dans les espaces dédiés aux sessions et ateliers ainsi que sur la chaine youtube dédiée. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site internet du Forum Alimentation et Territoires.

  • SMARTCHAIN – un questionnaire à destination des producteurs et transformateurs en circuits courts

    SMARTCHAIN est un projet européen visant à développer les circuits courts, en encourageant le changement vers des chaines alimentaires plus collaboratives, en identifiant des solutions innovantes pour lever les différents freins des circuits courts et en proposant des recommandations pour améliorer leur compétitivité. Il réunit 43 partenaires à travers 9 pays, dont 18 exemples de circuits courts qui servent d’études de cas tout au long du projet. Dans ce projet, une analyse socio-économique des circuits courts est réalisée et se base sur un questionnaire, à destination des producteurs et transformateurs en circuits courts pour comprendre les raisons à l’origine de ce choix de commercialisation et avoir un retour sur leurs expériences. Nous vous remercions de prendre quelques minutes pour remplir le questionnaire suivant : Questionnaire Votre aide nous sera précieuse ! Sur la base des résultats de ce questionnaire, diffusé dans plusieurs pays européens, un livrable (Évaluation de l'impact socio-économique de certaines chaînes d'approvisionnement alimentaire courtes - résultats finaux) sera préparé et un résumé sera traduit en français et disponible pour les répondants de ce questionnaire. Pour en savoir plus : https://www.smartchain-h2020.eu/

  • Manger au temps du coronavirus : nouvel appel à retours d'expérience

    L'équipe de l'enquête "Manger au temps du coronavirus" a collecté plus de 700 contributions entre le mois de mars et le mois de juin 2020. Nous remercions à nouveau celles et ceux qui nous ont fait partager leurs observations et leurs pensées. Le second confinement nous amène à relancer cette démarche participative pour en suivre en temps réel les effets Nous souhaitons à nouveau recueillir vos expériences et réflexions concernant les impacts de la crise sur vos comportements et sur l’organisation des chaînes d'approvisionnement alimentaire, courtes et longues, locales et non locales. Vos témoignages peuvent concerner ce que vous faites à la maison, à la ferme, dans une entreprise agro-alimentaire ou un commerce où vous travaillez ; elles peuvent aussi concerner ce que vous observez dans votre quartier ou votre village, dans les supermarchés, les commerces, les marchés, l'aide alimentaire, la restauration... Les retours d'expérience peuvent concerner le domaine personnel autant que professionnel. J'apporte mon témoignage Merci pour votre aide et vos réflexions sur le sujet ! Merci également de partager cette enquête largement autour de vous pour nous permettre de recueillir des témoignages aussi variés que possible. L’enquête “Manger au temps du coronavirus” a été initiée le 15 mars 2020 par des membres de l’Unité Mixte de Recherche Espaces et Société (C. Darrot, G. Maréchal), avec le cabinet coopératif Terralim (B. Berger, V. Bossu, T. Bréger, D. Guennoc, G. Maréchal, C. Nicolay), et les CIVAM de Bretagne (A. C. Brit), grâce à la stimulation du Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement de Belle-Île en Mer (G. Février) et l’association Fert'Île de Bréhat (F. Le Tron). L'équipe constituée pour analyser les contributions a associé : Akermann G. (Inrae), Berger B. (Terralim), Bodiguel L. (CNRS), Brit A.C. (FR CIVAM Bretagne), Chiffoleau Y. (Inrae), Darrot C. (Institut Agro), Grimonpont A. (Greniers d'abondance), Lallemand F. (Greniers d'abondance), Maréchal G. (Terralim), Nicolay C. (Terralim), avec l'appui de F. Egal (Réseau des politiques alimentaires) et de D. Guennoc (Terralim). L'enquête a reçu le soutien de la Fondation de France, de la Fondation Daniel et Nina Carasso et du Réseau Mixte Technologique (RMT) Alimentation locale, réseau national d'experts sur les circuits alimentaires de proximité. Retrouvez toutes les productions de la première enquête dans notre espace dédié.

  • Éclairage Covid-19 | Au Brésil : entre déni, règlements de compte politiques...

    ... et organisation de la société civile face à l'urgence sanitaire et alimentaire. Cet article se base sur des informations collectées depuis le début de l'arrivée du coronavirus au Brésil au mois de février 2020. L'ensemble des observations proviennent d'articles et de vidéos de presse ou d'ONG, d'une vingtaine de contributions brésiliennes à l'enquête publique « Partilhe sua experiência: comer nos días do coronavirus » (« Partager votre expérience : manger au temps du coronavirus »), ainsi que de quelques échanges directs par messages. Loin d'offrir une exhaustivité, cet éclairage tend à donner une vue d'ensemble de l'ampleur de la crise sanitaire dans un des pays les plus touchés afin de comprendre les enjeux actuels, mais aussi tenter d'apercevoir les capacités de résilience des systèmes alimentaires et des populations. Cette contribution est le fruit d'une réflexion personnelle et les interprétations qui en sont issues n'engage que son auteur. Auteur : Anaël Fièvre, stagiaire auprès de l’association Acteurs dans le Monde Agricole et Rural (AMAR) dans le cadre du Master ESS – Appui de Projet et Développement Durable (Université de Rennes 1) ; Relecture : Julie Terzian, administratrice et représentante de l’association AMAR à Rio de Janeiro. Ce texte n'engage que ses auteur·e·s et pas l'ensemble du collectif qui rédige les bulletins de partage. Un marasme politique, social et institutionnel amplifié par la crise sanitaire A l'heure où le Brésil est devenu le second centre pandémique mondial après les Etats-Unis, retour sur les débuts de la crise pour mieux comprendre son évolution et son influence sur les systèmes alimentaires. Dans un pays dont la population dépasse les 210 000 000 d'habitants, où des millions de personnes sont déjà confrontés quotidiennement à la faim et la malnutrition, l'arrivée de la pandémie n'a fait qu'accentuer les crises sociétales (politiques et institutionnelles) déjà en cours. Depuis le 26 février (date du premier cas avéré), le Brésil compterait officiellement plus de 3 800 000 de cas confirmés de la COVID-19 dont plus de 120 000 morts[1]. Ces chiffres sont toutefois contestés, le gouvernement brésilien étant accusé de sous évaluer les données réelles (avec le manque de tests, de nombreux.ses mort.e.s sont classé.e.s comme relevant de syndromes respiratoires aigus sans être diagnostiqué.e.s comme contaminé.e.s par la COVID-19). Les tensions n'ont jamais été aussi prégnantes entre le président brésilien Jair Bolsonaro, ses opposant.e.s et toute personne contredisant sa politique, ses déclarations ou son autorité. Plusieurs de ses ministres en ont déjà fait les frais dont deux en charge de la santé en seulement deux mois, démontrant toute l'instabilité et les conflits qui règnent autour de Jair Bolsonaro. Le gouverneur d'extrême droite de l'Etat de Rio, Wilson Witzel, pourtant loin d'être un opposant au président en appui duquel il s'était présenté aux élections, a lui aussi été la cible de Jair Bolsonaro. Le 25 mai 2020, alors que le gouverneur mettait en place des premières mesures de semi-confinement pour faire face à la propagation de la COVID-19, il s'attirait les foudres du président au motif de la contradiction avec les orientations nationales. Nul doute que la volonté de Bolsonaro réside dans le contrôle d'éventuels outsiders politiques à deux ans des prochaines élections présidentielles, et non pas dans une gestion responsable et coordonnées de situation de crise. Malgré sa contamination au coronavirus depuis le 7 juillet, Jair Bolsonaro affirmait sur les réseaux sociaux aller très bien et déclarait le samedi 1er août être guéri. Le chef de l'Etat a à plusieurs reprises exprimé son insensibilité ou son indifférence aux personnes touchées par le virus comme le rapporte la revue brésilienne Piauí : « Le président est honnête. L'une des phrases les plus sincères de l'histoire politique brésilienne est la brève : "Et alors ?" »[2] au moment où Jair Bolsonaro était interrogé sur la quantité de mort·e·s au Brésil. Entre le déni des risques de la COVID-19 et la division politique avec la majorité de ses gouverneur.e.s qui mettent en place des mesures de confinement ou semi-confinement pour limiter la propagation du virus (notamment à São Paulo et Rio de Janeiro, deux des régions les plus touchées), la gestion de crise du président brésilien est décriée, en particulier concernant les conséquences sur les populations les plus vulnérables, les plus précaires, premières victimes face au virus. La diversité voire les contradictions des discours officiels sur les comportements à respecter ne facilitent pas la compréhension des informations, des bons ou mauvais gestes à adopter. Face à ce manque de coordination entre les différentes échelles, la société civile (ONG, associations, habitant.e.s, gangs...) s'organise tout de même dans l'urgence avec des moyens souvent limités. Les tensions de pouvoir entre les acteur·rice·s politiques rendent la situation d'autant plus dangereuse pour les populations qui attendent des institutions une aide qui tarde à venir. Une crise qui bénéficie aux opportunistes de l'agri-business L'attention médiatique rivée sur la crise sanitaire, les opportunistes n'ont pas attendu pour saisir leur chance de faire passer des mesures en toute discrétion. Et le domaine agroalimentaire n'est pas en reste. L'occasion était trop belle pour les entreprises de l'agrobusiness, soutenues par le gouvernement, pour ne pas accélérer la course au profit. En Amazonie, la dynamique expansionniste de la colonisation et la déforestation pour l'agroindustrie du soja, l'élevage intensif ou l'industrie minière par exemple, prend une ampleur destructrice inégalée. Le cas du Brésil pose sérieusement question, lorsque rien qu'au premier semestre 2020, l'INPE[3] estime à presque 26% l'augmentation de la déforestation en Amazonie, soit plus de 3000 km2, un record. Le 30 juillet, 1007 incendies ont été recensés simultanément en Amazonie brésilienne. Certain.e.s ministres soutiendraient même un projet de légalisation de l'accaparement des terres protégées pour des grands propriétaires, à l’image des propos du ministre de l’environnement Ricardo Salles qui déclarait vouloir se passer de l’avis du Congrès : « il faut donc que nous fassions un effort ici pendant que nous sommes dans ce moment de tranquillité en ce qui concerne la couverture médiatique, car il ne parle que de COVID et de faire passer le troupeau [à savoir les réformes juridiques de dérèglementation en Amazonie] et de changer toute la programmation et de simplifier les normes[environnementales] ». Le maintien du contrôle de la région, au-delà des logiques économiques, représente un enjeu de pouvoir qui pourrait pourtant être préjudiciable à l'un des principaux soutiens du gouvernement fédéral qu'est l'agroindustrie. João Moreira Salles, dans sa tribune A morte e a morte, Jair Bolsonaro entre o gozo e o tédio[4], rappelle que l'intérêt opportuniste sur le foncier immobilier soutenu par l'Etat prévaut sur la déforestation productiviste. Par ailleurs, selon lui, l’« État n'aurait aucune difficulté à les réprimer s'il le voulait, comme il l'a fait dans le passé. Le fait qu'il ne veuille pas - et plus encore : qu'il encourage effectivement la déforestation en diabolisant ceux qui tentent de la freiner - est en contradiction avec les intérêts non seulement du pays, mais aussi de l'agroalimentaire, base solide du soutien aux Bolsonaro ». En outre, dans un communiqué publié en avril dernier, L'IPES[5] déclare que l'agroindustrie et la destruction des espaces naturels par certaines activités humaines exacerbent les risques d'émergence de foyers épidémiques et de pandémies. Les chercheur.se.s commencent à observer une augmentation de l'apparition et de la diffusion de maladies épidémiques (Ebola, Sras, grippe aviaire, COVID-19) dont la transmission passe de l'animal à l'humain (les zoonoses). Il est fort à parier que l'Amazonie pourrait devenir l'un de ces futurs foyers dans les années à venir si l'intrusion destructrice des écosystèmes s'y perpétue. En plus du désastre environnemental et écologique avec les risques sanitaires et épidémiologiques qu'une telle destruction des écosystèmes représente, la déforestation est un drame pour les habitant.e.s de la forêt. L'Articulation des peuples autochtones du Brésil (APIB) déplore une « tragédie humaine sans précédent » pour les indigènes face à l'arrivée de la COVID-19 dans leurs communautés : « Les populations autochtones font partie des groupes les plus vulnérables à l’avancée de la pandémie et sont privées des conditions nécessaires pour faire face à la maladie. » Pour tenter de s'opposer à l'opportunisme des entreprises qui profitent du coronavirus pour accélérer l’exploitation des ressources négligeant les risques de santé des autochtones, différentes instances locales s'organisent soutenues par des organisations internationales. Ainsi, le Plan de lutte contre la COVID-19 au Brésil est prévu pour mettre en place des actions locales et régionales et permettre une mise en réseau des communautés en résistance. Cependant, la défense des droits humains devient une tâche ardue face au lobby des grands propriétaires, d'autant plus dans des communautés rurales lutant pour l'accès à la terre et la souveraineté alimentaire. Les menaces, les expulsions et les assassinats de représentant.e.s autochtones et activistes politiques sont en nette hausse. Dans ce contexte, comment envisager les mois à venir alors que la liste des victimes s'allonge de jour en jour ? Face à cette énième crise, comment assurer les besoins de base et la sécurité alimentaire des plus précaires dont le quotidien est déjà confronté à cette réalité ? Menace de l'inaction politique sur la sécurité alimentaire Dans un discours du 9 juin 2020, António Guterrez, secrétaire général des Nations-Unies alertait sur les dangers qui pèsent sur la sécurité alimentaire globale : « Si aucune mesure immédiate n'est prise, il est de plus en plus évident qu'il existe une urgence alimentaire mondiale imminente qui pourrait avoir des répercussions à long terme sur des centaines de millions d'enfants et d'adultes. Cette année, près de 49 millions de personnes pourraient tomber dans l'extrême pauvreté en raison de la crise Covid-19. [...] Même dans les pays où la nourriture est abondante, nous constatons des risques d'interruption de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. » Les plus exposé.e.s face à la famine, la malnutrition et l'extrême pauvreté sont en première ligne et voient leur situation se dégrader. Un rapport de l’IPES affirme qu’ « [a]vant la crise du COVID-19, 820 millions de personnes souffraient déjà de sous-alimentation, tandis que 2 milliards de personnes étaient touchées par l'insécurité alimentaire. Des millions de personnes vivent également dangereusement proches du seuil de pauvreté : elles ne disposent pas des moyens physiques et économiques pour se procurer de la nourriture compte tenu de l'isolement social, des restrictions de mouvements, des interruptions de l'approvisionnement, de la perte de revenus, et même de hausses de prix relativement modestes. » Les personnes les plus discriminées (les femmes, les indigènes, les noir.e.s, les travailleur.se.s informel.le.s, les migrant.e.s...) voient les inégalités dans le monde professionnel renforcées et sont d'autant plus vulnérables au manque d'accès alimentaire. L'exemple des favelas brésiliennes cristallise ces inquiétudes avec un risque de propagation du coronavirus qui renforce la précarité de ses habitant.e.s. Aux fortes inégalités déjà présentes d'accès à des services de santé et à des logements décents s'ajoute une hausse de la précarité alimentaire notamment pour les travailleurs et travailleuses informelles (plus de 50% des salarié.e.s) qui se retrouvent la plupart du temps sans revenus suffisants, accentuant les difficultés d'accès aux besoins de bases comme l'alimentation. Bien que « 65 millions de brésiliens ont pu bénéficier de l'aide d'urgence » souvent jugée insuffisante, « 2,8 millions de personnes ont perdu leur emploi depuis mai et parmi eux 2,4 millions étaient des travailleurs informels ».[6] Autres victimes de la crise : les jeunes, que la contamination au Brésil n'épargne pas. Les fortes inégalités sociales et économiques systémiques présentes dans le pays modifient les profils des personnes décédées du coronavirus en comparaison à des pays dont le système de santé reste accessible. Parmi les victimes, même si l'on dénombre majoritairement des personnes âgées, les classes d'âges plus jeunes sont plus touchées que dans certains pays. Au 17 juin, « 95% des morts du coronavirus ont plus de 60 ans dans des pays comme l’Italie ou l’Espagne » contre 69% au Brésil. Plusieurs spécialistes brésilien.ne.s interrogés par RFI imputent cette différences à plusieurs facteurs : une "pandémie d'obésité" (60% de la population selon le gastro-chirurgien Eduardo Grecco) qui renforce les risques pour la santé, une proportion de la population plus jeune que dans certains pays européens, mais aussi des profils socio-économiques précaires de la jeunesse dont la majorité vit dans des milieux très densément peuplés comme dans les favelas, où les jeunes sont très présent.e.s. Les éléments exposés ici tendent à démontrer que les problèmes d'alimentation sont à prendre au sérieux dans l'analyse de la crise et de l'exposition des personnes mortes de la COVID-19. Encore une fois, ce sont les plus précaires qui en payent l'addition : pas de ressources financières suffisantes, une consommation alimentaire moins équilibrée (entre autres de produits industriels ultratransformés mais apparemment moins chers) faute d'accès suffisant à une nourriture saine, renforçant ainsi les risques de santé et la vulnérabilité face aux pathologies, elles-mêmes accrues par le manque d'accès aux services de santé. Est aussi évoquée, enfin, l'influence de Jair Bolsonaro par sa communication qui incite ses partisan.ne.s aux rassemblements en minimisant les risques de contagion. Au-delà de l'accès à la nourriture se pose la question du niveau de qualité dans le choix (quand il est possible) des aliments. Les pratiques alimentaires, les modes de production et d'accès à des aliments sains deviennent des enjeux centraux pour limiter les risques de mort.e.s et faciliter la gestion de crises sanitaires majeures. Le cas français a démontré l'impact qu'une telle pandémie peut avoir sur les systèmes alimentaires avec toutes les conséquences économiques, logistiques, sanitaires et sociales que cela implique sur l'agroalimentaire. Qu'en est-il de l'autre côté de l'Atlantique, chez l'un des pays poids lourds du secteur ? Pratiques alimentaires dans les foyers : une adaptation complexe Les données récoltées pour le moment ne sont pas suffisantes pour avoir une vision assez claire de possibles changements des pratiques alimentaires dans les foyers brésiliens. Néanmoins, l'apparition de certains comportements, sans en faire de généralités sont à souligner. Santé et défenses immunitaires : le choix d'une alimentation de qualité Un florilège de vidéos de nutritionnistes et de médecins sont apparues ces derniers mois sur les réseaux. Elles vantent les bienfaits de certains aliments sur la santé et vont même jusqu'à « vendre » leur pouvoir immunitaire face aux maladies et au coronavirus. Si ces vidéos n'attestent en rien d'une découverte ni d'une recette miracle, elles rappellent néanmoins en faisant la promotion de produits riches et diversifiés qu'une alimentation de qualité prévient des risques de maladies. Et c'est en cela que réside tout l'enjeu de l'accès à ces aliments. Les personnes les plus pauvres n'ont pas toujours les moyens de s'en procurer en diversité, qualité ou quantité suffisante, et sont de fait plus exposées à des risques de santé dus à cette mauvaise alimentation. Elles sont d'autant plus vulnérables en temps de crise sanitaire : « [u]ne étude au Royaume-Uni a révélé que 76,5% des patients atteints du coronavirus dans un état critique sont en surpoids. Les maladies liées à l'alimentation ont une étroite corrélation avec la pauvreté »[7] Dans cette lignée, certaines organisations de défense d'une production alimentaire agroécologique réaffirment que la valeur nutritionnelle des aliments issus de l'agroécologie est supérieure aux produits conventionnels. « Les haricots biologiques contiennent 75 % de fer en plus que les haricots conventionnels, car comme ces derniers sont traités avec un produit toxique, l'urée, ils poussent plus vite et n'ont pas le temps d'avoir les minéraux nécessaires », explique Debora Varoli, dirigente du Mouvements des Petits Agriculteurs (MPA) à Ametista do Sul (Etat de Rio Grande do Sul), suite aux dons de fruits et légumes des producteur.rice.s à un hôpital de la région début juin. « Tous les agriculteurs qui ont fait cette première donation ont leurs propriétés certifiées biologiques », précise-t-elle. Ces revendications se sont intensifiées dès les premiers mois de la crise sanitaire par l'appel le 30 mars, de la Via campesina associée à diverses organisations paysannes et de solidarité dont le MPA. L'engagement n°2 exige notamment de "[s]timuler la production d'aliments agroécologiques, en particulier les immunostimulants - tels que le gingembre, le safran, la propolis, le citron et l'ail -, maintenir l'offre de denrées alimentaires à des prix abordables et développer des actions visant à l'approvisionnement alimentaire populaire des populations urbaines." Le slogan de cette inter-organisation : "En temps de crise : défense de la vie, la solidarité, l'organisation et la lutte !" L'isolement et la crainte de la contamination modifient certaines habitudes alimentaires Certains témoignages attestent d'une méfiance ou du moins d'une attention plus aigüe sur la provenance et le type de denrées en pleine pandémie. « En cette période de pandémie, ma famille a choisi, par prévention, de ne consommer que des aliments préparés à la maison. Les repas contiennent au moins deux types de légumes, des haricots ou des lentilles, du riz et un type de protéines », déclare une consommatrice de Residência (Rio de Janeiro, le 29 avril dernier). Les considérations de précautions alimentaires qui priment ici visent non seulement à équilibrer les repas mais aussi à limiter les contacts extérieurs pouvant accroître les risques de contamination. Mais ces changements de consommation ont d'autres répercussions. Cette même consommatrice explique que « les aliments préparés dans les restaurants peuvent contenir plus de graisse ou des éléments qui favorisent le gonflement, comme le bicarbonate de soude, et une fois que nous avons cessé d'en consommer, nous avons obtenu une réduction de poids. Je n'avais pas l'habitude de grignoter, mais j'ai inclus du pop-corn et du pain au fromage faits maison dans le goûter. Au dîner, nous avons pris un repas similaire à celui du déjeuner. » (consommatrice, Residência, RJ, 29/04/20). De nouveaux substituts apparaissent dans les régimes alimentaires, au nom de l'immunité. « Mon régime alimentaire n'a pas changé, j'ai juste ajouté du Vita, C, D, du magnésium, de l'huile de noix de coco... sous forme de capsules, pour améliorer l'immunité. » Pour cette consommatrice la défiance envers certains aliments s'est vue renforcée. Elle privilégie une « alimentation de la manière la plus naturelle possible, en évitant les produits industrialisés. » (à la maison, 28/04/20). Une fois de plus, on observe chez ces consommatrices une volonté de contrôle sur la provenance et la composition des repas, souvent dans le cadre familial. La consommation de la production de la maison ou la constitution de réserves sont parfois citées pour des raisons de sécurité sanitaire aussi dues aux déplacements limités dans la période confinement. Cela se concrétise dans certains foyers par l'autoproduction d'une partie de leurs aliments : « Résidence d'une famille de quatre personnes. L'espace dispose d'un potager et d'arbres fruitiers. [...] La plantation est destinée à la consommation familiale. » (consommatrice, Residência, RJ, 30/04/20). Une habitude similaire pour Luiz, en isolement chez lui avec deux autres personnes dont une femme de 87 ans. Leur « nourriture est entièrement produite à la maison, à part quelques exceptions, des haricots avec du riz » (B. Paraíso, 30/04/20) Certains foyers prévoient même de la conservation comme l'une des consommatrices répondantes qui « congèle des aliments prêts à l'emploi » (Largo dos Leões, Humaitá, RJ, 15/05/20). Mêmes observations chez un acheteur de la Rede Ecológica[8] de Rio qui anticipe une réserve de nourriture : « [e]n ce qui concerne l'utilisation, tout ce qui est possible de congeler pour en profiter tout au long du mois est fait par moi, car l'achat avec la Rede se fait une fois par mois, il faut donc planifier cette consommation. La nourriture est utilisée par moi. C'est moi qui utilise la nourriture la plupart du temps, mais parfois, mes parents aussi la consomment. » (São João de Meriti/RJ/BRA, 7/06/20). Une sensibilité pour des modes de consommation engagés : l'utilisation des circuits courts réaffirmée durant la pandémie Les profils des témoignages recueillis via l'enquête montrent des mangeurs et mangeuses sensibles voire militant.e.s (même si pas forcément représentatif.ve.s de la population) pour qui consommer la nourriture s'inscrit dans des pratiques déjà bien ancrées. Un consommateur confiné avec sa femme et sa fille depuis le 17 mars note sa « [p]référence dans la mesure du possible, à l'achat de fruits et légumes biologiques ainsi que d'autres aliments. » (Volta Redonda, 02/05/20). Le bio et les circuits-courts sont aussi mis en avant comme avec cette « [c]onsommatrice de la Rede Ecológica, [qui] privilégie l'alimentation biologique. Exceptionnellement, j'achète des produits en dehors de la chaîne dans un magasin proche de la résidence » (consommatrice de Largo dos Leões, Humaitá, RJ, 15/05/20). Un autre consommateur de la Rede conforte cette importance des circuits-courts : « L'achat collectif de produits de la Rede Ecológica joue un rôle fondamental dans ma vie. Ma base alimentaire, environ 80%, provient de la Rede, par le biais du groupe du quartier de São João de Meriti qui fonctionne dans le CAC, explique-t-il. L'ensemble du processus, de la plantation par les agriculteurs dans différentes régions du Brésil à mon assiette, revêt une importance énorme, surtout en cette période de pandémie. Ce constat était déjà observé depuis longtemps, mais il est maintenant possible de comprendre encore plus profondément tout ce processus que la Rede a commencé il y a 18 ans ». Ici, les revendications vont bien plus loin. Elles revêtent une analyse systémique de la production et l'approvisionnement en nourriture biologique et de leurs limites environnementales : « Les origines des produits sont diverses, il y a de nombreux États impliqués, évidemment nous avons de nombreux produits de Rio de Janeiro, cependant, d'autres sont lointains, et cela a un impact environnemental ». Mais cette importation reste selon lui nécessaire car leur « qualité est biologique et respectueuse des animaux » (São João de Meriti/RJ/BRA, 7/06/20). Ces initiatives, même minoritaires sont toutefois à souligner dans un Brésil où le modèle d'agrobusiness industriel et dominé par l'exportation est un frein au développement de production intégrée dans une économie locale et plus respectueuse des milieux naturels. Une mobilisation des producteur·rice·s et des consommateur·rice·s face à l'urgence Adaptation de l'approvisionnement dans l'urgence en fruits et légumes face à la perturbation de circuits habituels. Dès les premières semaines de la crise, nombre de producteurs et productrices ont dû rapidement s'adapter pour assurer la distribution de leur production, chamboulée par le virus. Les réseaux de vente directe ou de circuits courts vers les consommateurs et consommatrices finales étaient au Brésil relativement peu développés, en comparaison avec la politique d'achat institutionnel pour l'approvisionnement des cantines. Les ventes directes se sont beaucoup développées : que ce soient par les livraisons de paniers (livraison de façon collective ou en taxi à domicile, ou récupération en lieu de vente directe), la vente sur les marchés, voire à la ferme. Beaucoup de producteur.rice.s ont organisé leur système de commandes par réseaux sociaux (whatsapp surtout) et le bouche à oreille a fait le reste. Enfin, une partie de l'écoulement de la production s'est faite via des achats d'ONG ou d'organisations locales qui ont disponibilisé des fonds pour acquérir des aliments frais et les distribuer à des populations en situation d'extrême vulnérabilité sociale afin que ces dernières puissent s'alimenter correctement durant la pandémie. Certains témoignages recueillis via l'enquête « Comer nos dias do coronavirus », malgré un nombre de réponses très restreints (20 témoignages) pour permettre une représentativité suffisante, montrent quelques tendances confirmées par les reportages en immersions auprès des organisations et bénévoles sur le terrain, notamment dans l'Etat de Rio de Janeiro (13 de l'ensemble des témoignages recueillis). Dans différentes régions, les CSA (Communauté de soutien à l’agriculture)[9] ont permis de répondre à la demande alimentaire en produits bio face à la fermeture de certains marchés locaux. A Manaus en Amazonie, « un groupe de 6 agriculteurs fournit directement au moins 80 familles de consommateurs qui paient à l'avance les produits de verdure et les fruits de saison, en partageant les risques et les bénéfices et en se partageant également la récolte. La demande en produits biologiques s'est rapidement développée dans cette région, si bien qu'un deuxième CSA a été mis en place après que quelques marchés d'agriculteurs aient été fermés parce qu'ils ne pouvaient plus occuper les espaces en plein air ou les espaces institutionnels/privés. La CSA, avec beaucoup de force parmi nos membres, a donc maintenu son fonctionnement et ses points de ramassage hebdomadaires, en suivant de nombreuses règles de restriction en raison de la covid 19, ce que les marchés normaux ne peuvent pas offrir. » (Manaus, 4/04/20). Un autre témoignage de Brasilia fait le même constat sur les changements soudain de la demande dans cette autre grande région urbaine : « Pendant la pandémie, les habitants de la région appelée Plano Piloto, en plein centre-ville de Brasília, ont commencé à commander beaucoup plus souvent des produits alimentaires frais, provenant directement de fermes familiales ou d'entreprises qui fournissent des produits biologiques. » (Plano piloto de Brasilia, 29/04/20). A Rio le réseau de consommateur.rice de la Rede Ecológica s'est aussi interrogé sur le maintien des modes et lieux de commercialisation en début de crise sanitaire. « Lorsque la crise a commencé, chaque groupe s'est demandé s'il fallait continuer ou arrêter d'acheter de cette manière, en raison du danger potentiel d'être infecté. Tous les groupes ont choisi de continuer à acheter via la Rede Ecológica, comprenant qu'il est beaucoup plus sûr de retirer ses achats dans un endroit semi-ouvert que d'aller au supermarché, un endroit complètement fermé et avec un plus grand potentiel d'infection. », explique Julie, membre et consommatrice de la Rede. Le système d'organisation du réseau par la distribution alimentaire autogérée des consommateur.rice.s a permis de préserver son fonctionnement en respectant les nouvelles contraintes. « Chaque groupe (organisés par quartiers) de la Rede Ecológica compte environ 25 familles (paniers), soit un total de quelque 270 familles dans la ville de Rio de Janeiro. [...] Pour s'adapter à la pandémie chaque groupe a développé des stratégies. Dans le cas du groupe de Santa Teresa, les paniers ont été organisés en équipes et en horaires. Au lieu d'être libre de ramasser les paniers dans la matinée du samedi, des horaires précis par petits groupes sont proposés. Les gens portent des masques et l'espace d'accueil propose du gel hydroalcoolique. » (membre de la Rede Ecológica, RJ, 28/04/20). Alors que certains marchés fermaient d'autres ont pu être maintenus grâce à l'approvisionnement de l'agriculture familiale locale comme l'explique Flaviano, conseiller technique agricole dans l'Etat de Rio de Janeiro : "Les marchés sont devenus un espace de commercialisation important pour l'agriculture familiale et une grande opportunité pour les consommateurs d'acheter des produits de qualité. » (Conceição de Macabu – RJ, 26/04/20). Voir aussi : Mapa de feiras orgânicas, la carte qui recense les initiatives pour bien se nourrir pendant la pandémie (lieu et modalité de vente selon les villes). D'autres alternatives ont été intensifiées de par les difficultés d'accès à des denrées de base de qualité tout en limitant les risques sanitaires : à Rio, le Mouvement des Petits Producteurs (MPA) et le Mouvement des Sans Terre (MST) est passé de 200 à 1400 paniers de produits agroécologiques en livraison à domicile en partenariat avec les taxis du quartier. Apparition et renforcement de nombreuses actions de solidarité alimentaire L'arrivée de la COVID-19 dans un contexte d'abandon dans sa gestion d'une grande partie de la classe politique brésilienne a fait naître ou se renforcer les solidarités. La société civile et les organisations de solidarité et de producteur.rice.s ont été en première ligne pour permettre à ces initiatives de répondre à l'urgence alimentaire. Dans différentes localités du pays les dons se comptent en tonnes d'aliments. L'action de solidarité de paysan.ne.s Sans Terre du Paraná a par exemple permis de rassembler 5 tonnes d'aliments pour plus de 500 familles (un total de 90 tonnes dans tout l'Etat depuis le début de crise jusqu’au 12 mai). L'organisation réaffirme le soutien des paysan.ne.s Sans Terre aux familles des quartiers périphériques exclues de l'économie par la crise même dans l'achat de produits de base tels que les haricots et le riz. L'assentado[10] Vilmar Moreira témoigne : « C'est avec une grande satisfaction que j'apporte ces aliments de la ferme. J'ai eu très faim dans ma vie et je sais ce que c'est que de n'avoir rien à mettre dans la marmite, et aujourd'hui je me trouve dans la condition d'aider les gens ». Le mouvement rappelle que ces dons permettent d'offrir une variété d'aliments : « des haricots, du manioc, des pommes de terre, des citrouilles, du maïs, des légumes et d'autres produits frais. Le tout planté, cultivé, récolté et rangé par les familles sans terre, avec le soutien de la Coopérative de crédit rural des petits agriculteurs et de la réforme agraire du Centre-Ouest du Paraná, Crehnor ». Dans l'Etat du Rio Grande do Sul ce sont 170 kg d'aliments (riz, haricots, miel, farine de maïs, manioc, patates douces, fruits, légumes divers) de paysan.ne.s du MPA qui ont été le 4 juin, offerts au personnel hospitalier de Ametista do Sul dans la continuité de l'action déjà inscrite dans la campagne nationale du MPA, « Mutirão Contra a Fome » (Coup de main contre la faim). Au-delà de ces gestes de solidarité pour répondre au court terme, différentes campagnes ont été lancées dans le but de rassembler et pérenniser ces actions de solidarité. Ainsi le 5 juin, le MST lançait le Plan d'Urgence de Réforme Agraire Populaire. Dans un entretien, Kelli Mafort, représentante de la coordination nationale du MST revendique des changements systémiques : « La réforme agraire populaire et les mesures d'urgence de cette réforme sont un moyen efficace pour nous de répondre à ces besoins humains, tant en termes d'accès au travail, à la nourriture, au logement, mais surtout à la vie. Les travailleurs sans terre comprennent que nous sommes dans une situation de lutte pour la défense de la vie, nous vivons dans un système qui nous tue de différentes manières, et ces différentes formes sont également liées à cette caractéristique de la crise du capital. » La campagne repose sur quatre piliers : terre et travail, productions d'aliments sains, protéger la nature l'eau et la biodiversité, des conditions de vie décente dans les campagnes. Selon elle, les actions menées sont essentielles afin d'assurer la résilience alimentaire des populations pour les années à venir. Kelli Mafort insiste sur la nécessité de diversifier les actions « autour de la préservation de l'environnement, telles que la plantation massive d'arbres et la production d'aliments agro-écologiques, en soulignant que la réforme agraire est fondamentale pour assurer l'approvisionnement des grandes villes en aliments sains à des prix abordables. » La campagne Vamos precisar de todo mundo (Nous aurons besoin de tout le monde) du Frente Brasil Popular (Front Brésil Populaire) et du Frente Povo Sem Medo (Front Peuple Sans Peur) présageait déjà des dynamiques de solidarité engagées par les mouvements paysans pour « combattre la pandémie de la faim ». Dès le mois de juin le MST affirmait avoir déjà distribué plus de 600 tonnes d'aliments. Ce sont ainsi plus de 40 000 paniers de base qui ont été donné dans les quartiers périphériques des grandes villes. Les liens entre les milieux urbains et les campagnes sont d'autant plus essentiels dans l'approvisionnement alimentaire en période de crise. O Campo e a Favela de Mãos Dadas (La campagne et la favela se donnent la main) de la Rede Ecológica est une campagne qui a permis au réseau de consommateur.rice.s de mettre en place les mesures d'hygiène nécessaires tout en maintenant les livraisons de paniers, assurant la continuité des activités des producteur.rice.s partenaires. Des actions d'ampleur ont également été organisées en soutien à des organisations de solidarités notamment auprès des habitant.e.s des favelas. Ce mouvement a finalement dépassé les frontières brésiliennes avec l'appui d'association partenaires en Suisse (Bem Vindo) et en France (AMAR -Acteurs dans le monde agricole et rural) qui ont pu collecter plusieurs dizaines de millier de reais en relayant la campagne de dons dans leurs réseaux de solidarité européens. La multiplication des actions de solidarités peine pourtant à affronter les crises cumulées. Les confrontations politiques, les repressions des minorités, des paysans, des consommateurs précaires s'intensifient et l'hécatombe en cours a rendu incertain l'avenir du pays. Les témoignages et les alertes se multiplient pour dénoncer la gestion de la crise, toujours plus complexe, où les actions d'intérêt collectif ont du mal à faire plier l'obstination d'un pouvoir autoritaire. Les services publics de l'Etat pendant la pandémie et la réorganisation des programmes d'achats alimentaires publics La forte mobilisation de la société civile et des organisations de solidarité, bien qu'exceptionnelle, ne suffit pourtant pas à répondre à l'ensemble des besoins quotidiens. Malgré son manque d'engagement, la pression sur l'Etat a tout de même permis de débloquer un dispositif d'aide d'urgence intégré à la loi, une aide financière du gouvernement de R$ 600 (environ 110 €) par personne et R$ 1200 par famille « pour minimiser les dommages sociaux causés par la pandémie de Covid-19 ». Néanmoins, Stéphane Guéneau, spécialiste des politiques publiques au Cirad[11] et Catia Grisa, chercheuse à l'Université du Rio Grande do Sul émettent des doutes sur l'efficacité de ces aides face aux dysfonctionnements systémiques. Ils expliquent que dans « un pays où 13,5 millions de personnes sont dans une situation d’extrême pauvreté (moins de 1 dollar par jour), toute chute brutale des revenus dans le secteur informel [40% des travailleurs] entraîne une recrudescence rapide du problème de la faim. » L'application (le 7 avril) et la mise en œuvre (le 9 avril) tardive du décret, sans parler des contraintes d'accès des plus précaires et des populations rurales aux moyens techniques et aux services sociaux pour effectuer les démarches, ont empêché les candidat.e.s d'en bénéficier assez tôt, les obligeant ainsi à retourner travailler et risquer d'être contaminé.e.s. Dans ces conditions, des organisations de solidarité prennent le relai et tentent de se substituer aux services de l'Etat. Ainsi, en plus des dons de nourriture, la campagne Periferia Viva, par exemple, a fait des donations pour aider les femmes victimes de violence pendant l'isolement social, et a également guidé les travailleur.euse.s sur la façon d'accéder à cette aide d'urgence. Face aux manques des pouvoirs publiques, plusieurs organisations, acteurs et actrices locales s'organisent mais réclament des moyens et une mise en œuvre de mesures des institutions. C'est notamment le cas concernant la réattribution de denrées alimentaires normalement dédiées à la restauration collective, paralysée suite à la fermeture des écoles. José Arimathéa, ancien élu de Pinheiral (Etat de Rio de Janeiro), déplore la perte de l'espace de commercialisation des petites production rurales biologiques qui non seulement fournissent le marché bio, mais aussi le déjeuner scolaire en contrat avec les écoles. Il ajoute néanmoins que ces producteur.rice.s « ont été mobilisés pour une commercialisation par téléphone via les réseaux sociaux, avec des livraisons à domicile pour faciliter le flux de production. » (Pinheiral, RJ, 23/03/20). Observation partagée par un agent de développement de Volta Redonda (RJ) concernant le Programme Nacional d'Alimentation Scolaire (PNAE) dont « la livraison des biens contractuels est donc compromise, et bien qu'un contrat ait été signé, cela ne garantit pas que les agriculteurs recevront la valeur du contrat, puisque d'autre part les biens n'ont pas été livrés ». Il pointe également les impacts de l'inaction politique sur le manque d'accès de certaines populations précaires à une alimentation de qualité : « [d]ans certaines villes, de nombreux étudiants reçoivent des paniers contenant des produits alimentaires (industrialisés), mais en raison du manque de volonté administrative et politique des responsables des municipalités, les produits de l'agriculture familiale n'entrent pas dans ce processus ». Dans l'appel publié par la Via Campesina en mars 2020, les organisations signataires réclament une prise de position « de défense de la vie, de solidarité, d'organisation et de lutte ». L'une de ses réclamations concerne justement la « [p]roduction et fourniture de denrées alimentaires populaires » afin d'étendre les programmes alimentaires (PNAE/PAA- Programme d'Achat Alimentaire) en s'adaptant aux contraintes de la crise sanitaire. Le frein que représente ce manque de volonté institutionnelle est confirmé par le CIRAD. Les chercheur.se.s affirment que des solutions aux niveaux local et régional sont possibles et ont déjà fait leur preuve dans la prise en charge par les pouvoirs publics de l'approvisionnement alimentaire. Les chercheur.se.s expliquent que des « mesures d’urgence complémentaires pourraient être impulsées au niveau fédéral, à l’image de ce que le Gouvernement de l’état du Maranhão a mis en place avec succès : achat public de produits de l’agriculture familiale pour composer des colis alimentaires à distribuer directement chez les habitants, pour les plus pauvres, et dans des restaurants populaires, afin que les sans domicile fixe puissent les récupérer facilement. » (S. Guéneau & C. Crisa, 2020) Dans cette continuité, les organisations signataires de l'appel (cf. Via Campesina ci-dessus) réclament le renforcement de ces mesures permettant non seulement de subvenir aux besoins des consommateur.rice.s dans le besoin tout en sécurisant l'activité des producteur.rice.s et du secteur de la petite agriculture (voir réclamation n°3 en annexe). Cependant, malgré une situation qui a mis en grande difficulté les systèmes alimentaires pointant les incohérences de leur fonctionnement jusqu'alors, on peut toutefois voir apparaitre les débuts ou le renforcement d'initiatives alternatives, principalement au niveau des gouvernements locaux. A Rio, le gouvernement local a approuvé une loi (Lei nº 8.841 de 21 de maio de 2020) en faveur de l'autorisation l'achat différencié de produits auprès de producteur.rice.s spécifiques, sous trois conditions (article 1) : l'état d'urgence ou de calamité officiellement reconnue des producteur.rice.s ; des produits provenant de l'Etat de Rio ; des ventes par les agricultrices et agriculteurs familiaux de leur propre production agro-écologique, bio, pêche artisanale, production extractiviste (pour les communautés quilombolas, indigènes ou caiçaras). L'article 2 de la loi évoque même la possibilité d'une application de ces mesures à plus long terme dans les politiques publiques avec la participation de la société civile. A noter qu'une démarche similaire est déjà engagée à São Paulo depuis quelques années. Le Programme Paulista d'Agriculture et d'Intérêt Social (PPAIS) s'inscrit dans le programme « Cultiver les entreprises », lancé en 2012 par le gouvernement de São Paulo, émanant d'un partenariat entre le Secrétariat de la justice et de la citoyenneté et la Fondation de l'Institut de la terre de l'État de São Paulo (Itesp). Ce programme vise par l'achat public d'aliments par l'Etat, à fournir des structures comme les hôpitaux, les prisons, les universités... en produits sains, soutenant ainsi la paysannerie locale. Difficile de dire si la crise sanitaire et les risques alimentaires qu'elle renforce vont faire bouger les lignes. Des premiers signes apparaissent toutefois au niveau fédéral à l'instar de la loi « Assis Carvalho », ratifiée à l'unanimité par le sénat brésilien le mercredi 5 août 2020. Il s'agit d'un Plan d'Urgence à L'Agriculture Familiale en soutien aux producteur.rice.s affecté.e.s par la crise du coronavirus. Reste à savoir si une fois la crise passée face à un horizon plus qu'incertain, les paroles se concrétiseront en actes afin de permettre aux paysan.ne.s de fournir une alimentation saine à l'ensemble de la population dans un pays où le lobby agroindustriel garde encore la plus grosse part du gâteau, soutenu par une présidence bien déterminée à faire passer l'économie du pays, avant la santé et le bien-être de ses habitant.e.s. "E depois da pandemia ? Reinventar o futuro" Le Brésil vit aujourd'hui une situation qui va bouleverser le pays, transformer en profondeur ses institutions et marquer durablement ses habitant.e.s. Les répercussions, même si elles ne sont pas encore toutes connues, offrent une opportunité voire imposent la nécessité de réinventer de nouveaux modèles économiques, politiques, sociaux, agricoles... Mais la capacité d'adaptation démontrée par les ONG, les organisations paysannes, la société civile et les personnes engagées dans la lutte contre les différentes crises et répressions suffira-t-elle pour absorber les chocs ? Et si oui, à quel prix ? "toda crise é feita de muitos riscos e umas poucas oportunidades" ("toute crise est faite de nombreux risques et de peu d'opportunités") Lorsqu'Arilson Favareto, sociologue et chercheur au Cebrap (Centre brésilien d'analyse et de planification) publie dans Estadão, « E depois da pandemia ? Reinventar o futuro » (Et après la pandémie ? réinventer le futur), il constate non sans étonnement, un rapprochement des économistes libéraux.les et hétérodoxes sur la gestion humanitaire de crise à court terme. Cependant, l'entente apparait selon lui moins certaine sur le plus long terme dans la pérennisation de mesures d'urgence comme par exemple l'attribution d'un revenu minimum élargi, qui suscitent des désaccords majeurs. Comme l'explique Favareto, « toute crise est faite de nombreux risques et de peu d'opportunités ». A contre-pied de l'opportunisme renforçant le système inégalitaire illustré auparavant (politique, économique, colonialiste...) incarné par le gouvernement brésilien et ses soutiens, pour le sociologue « l'opportunité consiste à aller au-delà d'une simple tentative de retour à la normale, ce qui dans le cas brésilien serait peu, et serait mauvais ». Il invoque la nécessité de recentrer les préoccupations de l'après coronavirus sur la question sociale, car selon lui « la réponse ne passera pas par des formules toutes faites mais par un nouveau contrat social ». Et d'ajouter qu'il faudra des mutations systémiques et non pas des réformes de surface pour sortir d'un système basé sur la production et la consommation, sans considérer le bien-être social. Pour Favareto l'élargissement des droits à la santé ou l'éducation par exemple est une condition sine qua non à la capacité d'un État de s'adapter aux crises à venir. En ce sens, la question agricole et alimentaire reprend toute sa dimension politique. Andrea Stocchelo, coordinateur à la Fédération Focsiv affirme que le droit à l'alimentation nécessite de « garantir le droit à la terre, ne pas être contraint à une urbanisation forcée et ne pas avoir à dépendre de l'aide. Le droit à la terre, à l'éducation, à la santé, préfigurent un système de droits qui garantit par conséquent le droit à l'alimentation. Sinon, tout est délégué aux aides d'État, à la charité dans un sens moindre, ou au marché. »[12] Ces changements passeront donc par une rupture avec le modèle agricole du siècle dernier, la destruction environnementale, la paupérisation du travail, la technologie et l'industrialisation à outrance. La dépendance au modèle exportateur, bien qu'ayant permis l'ascension économique internationale du Brésil, est également une source de risque. Pour Favareto, une « nouvelle économie moins concentrée, fondée sur la connaissance et des modes d'utilisation des ressources naturelles innovantes, est non seulement possible, mais nécessaire dans un contexte de changement climatique mondial et d'explosion des inégalités. Une approche beaucoup plus large que ce qui est souvent suggéré et une polarisation limitée entre les dépenses et l'austérité ». Quelles responsabilités des Etats et autorités internationales ? Renforcée par ces derniers évènements, la question alimentaire basée jusqu'alors sur ce système de latifundias, l'expansionnisme et l'exportation guidé par le marché s'en trouve déstabilisée. En déclarant vouloir sortir de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le président Bolsonaro pensait faire un premier coup d'éclat et montrer son autorité aux instances internationales en niant l'importance de la crise sanitaire. Mais qu'en sera-t-il des risques de ruptures dans le secteur économique et commerciale international ? Quels impacts sur le modèle agricole sont à envisager ? Jair Bolsonaro, au-delà des conflits politiques brésiliens a provoqué des tensions diplomatiques fortes avec certain.e.s homologues internationaux. Et le jeu pourrait bien coûter cher au premier pays exportateur mondial de soja, de viande bovine et de volailles. Les menaces économiques sur l'agroindustrie brésilienne tendent à se renforcer avec la perte de ses alliés commerciaux internationaux stratégiques suite à des attaques à l’encontre du président de plus en plus virulentes. Le 26 juillet, plus de 60 syndicats et organisations ont déposé devant la Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye, une plainte pour crime contre l'humanité à son encontre. Cette accusation qui fait suite à la dénonciation de son inaction politique dans la gestion de crise pourrait affecter de manière durable sa crédibilité et sa légitimité. D'autre part, le 20 juillet, la Coalition Solidarité Brésil composée de 18 organisations de solidarité internationale signait une tribune pour appeler au boycott des négociations commerciales avec Bolsonaro. La campagne « Le Brésil Résiste, Lutter n’est pas un crime » lancée en mai par la Coalition vise à informer et relayer les différentes actions des populations victimes du non-respect des droits humains et environnementaux. De plus en plus de voix s'élèvent face au gouvernement brésilien. Les organisations précisent qu'à Bruxelles, le vote d'un projet de légalisation de la déforestation de l'Amazonie « a été décalé une première fois après que des parlementaires allemands ont interpellé leurs homologues brésiliens sur l’impact environnemental d’une telle loi. » L'appel explique notamment que les États européens ont les leviers et le pouvoir nécessaire de faire pression sur des multinationales comme Vale (groupe minier) ou Electrobras (électricité) à l'instar de la Norvège, qui a durci sa politique d'investissements au Brésil en bloquant en août dernier 30 millions d’euros du Fonds normalement dédiés à la protection de la forêt amazonienne. Par ailleurs des mouvements comme le Collectif citoyen Gilets Verts en appelle au boycott des produits issus de l’agrobusiness brésilien. Le boycott commercial d'organisations comme L'Union Européenne et ses institutions politiques comme contestations de la gestion de crise sanitaire, du non-respect des droits humains et du désastre environnemental est décisif pour espérer un impact d'ampleur. Mais derrière les voix d’insurrections de quelques élu.e.s européen.ne.s, le parlement votait à la même période un traité de libre-échange avec le MERCOSUR (Marché commun du Sud) dont le Brésil fait partie. Un tel accord porterait préjudice à une partie de l'agriculture française en important des produits ne respectant pas les normes environnementales et qualitatives européennes (élevages intensifs de méga fermes, produits issus de la déforestation, utilisation d'intrants et d'antibiotiques interdits en UE...) sur des aliments que nos propres paysan.ne.s savent déjà produire. Le manque de traçabilité sur certaines filières alimentaires sud-américaines peut donc amener à un arrivage de produits non conformes sur le marché européen. Le territoire brésilien compte un nombre important d'initiatives d'accès à une alimentation pour tous de qualité. Leur mobilisation à l'échelle locale a démontré la capacité de résilience dont elles pouvaient faire preuve. Mais à quel prix car, comme le rappelle Andrea Stocchello, la « colonisation et l'invasion du marché ont fragmenté ce système de communautés locales, créant un grand vide. Ce que certaines de nos ONG essaient de faire aujourd'hui, c'est de reconstruire, en partant de la base. Dans ce vide, nous soutenons les possibilités de réponse aux chocs qui viennent de plus en plus de l'extérieur, qu'il s'agisse d'une pandémie ou de gros investissements qui expulsent des communautés ou imposent la monoculture. » Au Brésil, encore plus qu'ailleurs, une amélioration ne sera cependant possible que si les dysfonctionnements majeurs des systèmes alimentaires actuels mis en exergue par la pandémie font l'objet d'une remise en question commune et d'un changement radical des institutions. Face au climat qui règne désormais dans le pays, c'est un défi que la société doit relever, une bataille sociale, politique et environnementale, pour réaffirmer le droit à la terre, le droit à une alimentation de qualité, le droit à la dignité. [1] Source : OMS, au 01/09/20 https://covid19.who.int/region/amro/country/br [2] [6] Les Sociétés face à la pandémie, reportage à Rio de France Culture, août 2020 https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/les-societes-face-a-la-pandemie-quatre-etudes-de-cas-34-bresil-le-funeste-deni-de-bolsonaro [3] Institut National de Recherches Spatiales [4] La mort et la mort, Jair Bolsonaro entre le plaisir et l'ennui, Piauí, Juillet 2020 [5] Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables [7] Source : IPES [8] La Rede Ecológica est un groupe de consommateurs et consommatrices organisé.e.s en mouvement social visant à promouvoir une consommation éthique, solidaire et écologique. [9] Communautés rassemblant des agriculteur.rice.s et des « coagriculteur·rice·s », comparables aux AMAP [10] Habitant d'un assentamento, lieu de vie où se sont installés les travailleur.se.s sans terre dans le cadre de la Réforme agraire. [11] Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement [12] Focsiv. « La sicurezza alimentare non basta, il cibo richieda una serie di diritti», Luca Geronico, Avvenire.it, martedì 4 agosto 2020 Annexe Réclamation : « 3 - Production et fourniture de denrées alimentaires populaires : a) Programme spécifique - plan de récolte - pour la production et la fourniture d'aliments agro-écologiques ; expansion de l'approvisionnement alimentaire via le PNAE avec l'utilisation des écoles pour livrer des paniers de nourriture aux familles des étudiants inscrits ; maintien en fonctionnement des restaurants populaires, des banques alimentaires et autres équipements de sécurité alimentaire et nutritionnelle en adaptant des routines et protocoles pour assurer la sécurité des travailleurs et des consommateurs ; Fournir des paniers d'aliments de base à la population des périphéries directement touchées par les politiques de confinement, les aliments étant achetés par l'intermédiaire du PAA ; soutenir et stimuler l'approvisionnement en denrées alimentaires par l'agriculture familiale directement aux consommateurs - livraison ; maintenir les feiras (marchés) libres en fonctionnement en ajustant les horaires et la mise à disposition de stands avec une orientation systématique de la surveillance sanitaire." b) Maintien de la production et de l'approvisionnement alimentaire en garantissant la fourniture d'intrants de base pour la production agricole et l'élevage, notamment l'alimentation animale sous la coordination de la CONAB ; mise à disposition et débureaucratisation du crédit agricole (promotion, chiffrage et investissement) à taux zéro ; constitution de stocks dans les coopératives et les micro et petites entreprises : fonds de roulement et structure de stockage tels que silos, conteneurs et entrepôts) ; acquisition des excédents non commercialisés à la suite de l'épidémie : attention particulière aux produits horticoles concentrés dans le CEASAS et la chaîne du lait, extension du programme PAA Milk, soutien aux industries pour la transformation et le stockage des produits laitiers tels que le lait en poudre. » Source : « Via Campesina emite nota marcando posição e orientando organizações frente à crise sanitária, econômica e humana provocada pelo Coronavírus », mars 2020, https://mpabrasil.org.br/noticias/notaviacampesina/

  • Dynamiques d’attachement des productions alimentaires aux territoires par les marchés de proximité.

    Webinaire de la priorité Systèmes Alimentaires Urbains du département TERRA de l'INRAE par Jean-Michel Sorba (INRAE -unité LRDE) le 15/05/2020. Les webinaires de la priorité Systèmes Alimentaires Urbains (#SAurb) sont portés par l'INRAE et co-animés par le RMT Alimentation Locale. Ils ont pour objectif de partager des travaux de recherche sur un temps court (environ 30 minutes) puis de proposer un temps de questions-réponses. Jean-Michel Sorba (INRAE - unité LRDE) a présenté le 15/05 un webinaire intitulé : Dynamiques d’attachement des productions alimentaires aux territoires par les marchés de proximité. L’expérience de la labellisation d’une Fédération de foires et de marchés en Corse. Résumé : De quoi les places marchandes, les foires et les marchés de plein vent, sont-elles les matrices ? Comment leur organisation et leur régulation peuvent-elles participer à la construction de liens entre des pratiques de production et des pratiques d’usage ? En quoi redonnent-elles une capacité citoyenne aux communautés de producteurs et de mangeurs ? La présentation prend pour objet une Fédération de manifestations associant des foires et des marchés autour du label « Fiere di Corsica » et pour cadre un territoire insulaire soumis à plusieurs déséquilibres. Revoir le webinaire : Télécharger la présentation Références bibliographiques : Sorba J.M., 2002, “Rôle des foires contemporaines sur les activités agricoles et artisanales”, in Le temps de l’échange, Sous la direction de Biancarelli, B., Ed. Albiana. Sorba J.M., 2019, “Comment les activités marchandes peuvent-elles contribuer à la valorisation de M1ères locales? Les foires de Corse et le label Fiere di Corsica”. In, “Et si les matériaux locaux redevenaient la signature territoriale de notre artisanat ?”, Apr 2019, Corte, France. Voir l'article Sorba J.M., Michon G., 2020, “Le marché peut-il devenir une ressource pour l’ancrage territorial des productions locales?, Les enseignements des foires à thème de Corse et du Maroc”, in Les impromptus du Lped, IRD, Chap., 14, L’émergence des spécificités locales dans les arrières-pays Méditérranéens”, n°5. Télécharger l'article Sorba J.M., Michon G., Aderghal M., Berriane M., (A paraître) “Contribution des marchés de proximité à l’ancrage territorial des aliments - Les enseignements des foires à thème de Corse et du Maroc », in « Annales Méditerranéennes d’Economie », Dossier « Connecting food to place » - L’ancrage territorial des produits alimentaires de terroir, n°6. Télécharger l'article Source : Jean-Michel Sorba (INRAE - Unité LRDE) dans le cadre de la priorité Système Alimentaires urbains de l'INRAE.

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