Les élus communaux ont été fortement sollicités pour organiser la vie collective. Outre leur responsabilité sur la qualité sanitaire dans les marchés, ils ont été amenés à trouver des solutions pour des lieux de distribution, l’appui aux personnes fragilisées, l’information aux citoyens... Ils ont mobilisé, et ceux des autres collectivités avec eux, une grande diversité de partenariats.
La quinzaine est marquée par la place importante prise par les collectivités, et tout particulièrement les communes, autant pour leur rôle spécifique que pour leur capacité de mise en relation des acteurs. Les élus communaux se sont retrouvés en première ligne pour le maintien ou la fermeture des marchés, propulsés au centre des préoccupations. Or, dans une note du 31 mars, France Urbaine estime que “si la rédaction du décret [sur la fermeture des marchés] mentionne clairement la possibilité donnée aux maires de demander des dérogations, c’est bien le préfet qui a le dernier mot. [...] Pour une même situation, les réponses apportées par le préfet peuvent être différentes. Certains préfets ont pu indiquer que les dérogations concernaient seulement les zones rurales et les villages, excluant de fait toute demande de dérogation en milieu urbain”.
Cette incertitude est confirmée par les remontées de terrain, qui mettent en évidence la gêne des maires : “suite à l'interdiction des marchés au niveau national, la Maire [...] n'a pas demandé de dérogation pour son marché. Elle évoque pour cela plusieurs raisons :
- en l'état, le marché ne peut être maintenu car plus de 60 commerçants alimentaires.
- choisir entre ces commerçants de façon arbitraire et dans l'urgence risquerait de créer des incompréhensions et des tensions au sein d'une "communauté de marché" qui pour l'instant fonctionne bien mais qui est déjà complexe à gérer. La Maire anticipe l'après-confinement.
- mettre en place une autre organisation nécessite une ingénierie technique pour appeler chaque commerçant, expliquer la démarche, etc... ingénierie technique que ne possède pas [...], contrairement à la ville de Rennes qui a pu mettre plusieurs de ses services sur l'organisation de ses marchés.” (consommateur, 2 avril, Ille et Vilaine)
3 jours après, changement de posture du Maire qui a [...] demandé une dérogation pour ses 2 marchés.
Les marchés sont devenus un sujet important, terrain de luttes d’influence : “Suite à l'annonce de l'interdiction des marchés, décision du Maire [...] de ne pas demander de dérogation pour ses 2 marchés [...]. Suite à cette décision, interpellation du Maire par certains de ses conseillers municipaux, par un interlocuteur local de la Confédération Paysanne et par l'AMAP elle-même pour dire qu'elle regrettait cette interdiction. 3 jours après, changement de posture du Maire qui a [...] demandé une dérogation pour ses 2 marchés.” (membre d’une AMAP en Ille et VIlaine).
Des témoignages font part du rôle important des mairies pour assurer la sécurité sanitaire “L’organisation des stands du marché couvert ont été délimités et la circulation revue. La sécurité est assurée par la police municipale. [...] Traitement de la situation plus sécuritaire qu’à la supérette juste en face.” (consommateur, Eure-et-Loir) ou le soutien économique aux producteurs : à Lyon “ suite à la fermeture des marchés, la mairie de la Croix Rousse en partenariat avec l'association du marché de la Croix Rousse et l'association de commerçants accompagne les producteurs locaux pour qu'ils puissent continuer à livrer les habitants du quartier en produits frais malgré la suppression du marché quotidien”. Des réunions ont rassemblé des acteurs peu habitués à travailler ensemble, dans un processus décisionnaire à court terme : Etat en région, collectivités, organisations de producteurs, commerçants…
Des organisations comme la chambre d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes ont formalisé un argumentaire pour la réouverture des marchés et nous avons nous-même pu constater la mobilisation de collectivités qui nous interrogeaient.
Une petite chaîne de relais s'est organisée pour que quelques familles du quartier plus en difficulté puissent en profiter. Il semble qu'aucun produit n'ait finalement été perdu, une satisfaction.
Comme déjà cité, les mairies ont aussi pu être (ou pas) facilitatrices : “réorganisation d'une livraison en AMAP en respectant les mesures de confinement et les gestes barrières : la livraison est délocalisée en extérieur avec autorisation de la mairie’ (consommatrice en Meurthe-et-Moselle). Un membre d’AMAP de Rennes révèle que “la Ville a distribué ces produits autant qu'elle pouvait à l'aide alimentaire mais il en reste. Un appel a été passé dans les AMAP et asso de quartier pour donner ce qui reste. J'ai organisé une distribution dans mon AMAP (avec gestes barrière) : 180 yaourts, 130 crèmes, 30 boites de 8 omelettes distribués en deux jours. Une petite chaîne de relais s'est organisée pour que quelques familles du quartier plus en difficulté puissent en profiter. Il semble qu'aucun produit n'ait finalement été perdu, une satisfaction”.
Tous les niveaux de collectivités, intercommunalités, départements, régions, Parcs Naturels Régionaux, pays, se sont engagés pour la diffusion de l’information, en lien avec la société civile, les agriculteurs, les commerçants… Une sélection de sites sur notre espace numérique en témoigne. Cette profusion peut donner aujourd’hui une impression de confusion et d'empilement, en alourdissant les sollicitations auprès des producteurs au point que “nous avons des producteurs qui nous demandent d'être enlevés des sites de géoloc des offres car ils n'ont plus de produits en vente ou assez de clients pour les écouler. Surtout vrai pour légumes.” (agent de chambre régionale d’agriculture)
Des relations inédites ont été tissées. Par exemple, entre producteurs et consommateurs “mise en place de point de vente multi-producteurs dans les fermes. Aide des "consommateurs" pour l'organisation, la gestion” (association Lororico! Haute-Garonne). Des collaborations se sont également nouées entre producteurs et commerçants locaux, comme à la Croix Rousse citée ci-dessus, ou des GMS. Le texte diffusé sur Facebook par l'Intermarché Mirecourt est révélateur d’une volonté de nouer de nouvelles relations sans nier les divergences : “AVIS À TOUS LES PRODUCTEURS LOCAUX
Nous lançons un appel mais aussi une main tendue à tous les producteurs régionaux, locaux, prenez contact avec nous.... Nous ne travaillons peut-être pas ensemble habituellement mais aujourd'hui c'est l'occasion de le faire. [...] Nous ne pourrons peut-être pas tout acheter mais nous sommes à votre disposition, à votre écoute pour trouver une solution d'écoulement de votre marchandise. Alors n'hésitez pas, contactez nous, faites nous part de vos besoins et nous serons présents. Mettons de côtés nos différents et montrons à tous que nous sommes capables d'être solidaires et de trouver des solutions intelligentes pour tout le monde”.
Autre exemple avec le lycée agricole de Carpentras :
des clients curieux et surpris de trouver à l'entrée d'un lycée agricole une boutique avec autant de diversité en produits locaux
L’action de l’Etat et ses services est par contre interrogée : “ L'annonce faite par le ministre de l’agriculture [pour recruter de la main d'oeuvre temporaire dans l’agriculture] a suscité des émois. [...] Les agris veulent se protéger et leur famille, s'ils tombent malades, c'est l'entreprise qui risque d'être en péril ! Ils risquent de passer plus de temps à former du personnel pour une période très courte qu'à faire le travail eux-mêmes.
On voit bien que ce genre de choses devraient être prévues en amont de la crise, avec des lieux, structures adéquates, des encadrements, des consignes, …” (consommateur sur île d’Yeu).
Pour proposer de nouvelles observations : https://framaforms.org/appel-a-retour-dexperience-manger-au-temps-du-coronavirus-1584194374
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