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Bulletin de Partage 2 - Difficultés et adaptation des chaînes alimentaires longues et courtes

Si la première vague d’achats massifs est passée, les produits alimentaires de grande consommation sont encore très demandés et les ruptures d’approvisionnement sont régulières. Les acteurs de la production s’adaptent en conséquence, et doivent par ailleurs gérer les surplus résultant de la disparition des débouchés pour de nombreux produits. Les circuits d’approvisionnement se réorganisent, tissant de nouveaux liens entre acteurs. A l’exception de certaines filières, la production n’accuse pas encore de recul, mais l’ensemble du système alimentaire doit composer avec des effectifs réduits.


 

Entre surplus et pénuries

Le bouleversement des débouchés traditionnels et les changements dans les comportements d’achats et la consommation des ménages ont des conséquences très hétérogènes sur les filières alimentaires. De nombreux témoignages s’en font l’écho :

“La pénurie d’œufs contraste avec les aliments prêts-à-manger qui s'amassent dans la gondole Zérogachis.” (consommatrice en supermarché, Pays de la Loire, 24 mars)

“Le rayon frais (légumes en vrac et boucherie, fromagerie, poissonnerie à la demande) est complètement déserté par les clients et plein de produits. À l'inverse, l'ensemble des rayons frais sous vide sont dévalisés. Notamment les fromages, jambon et lardons, ainsi que le rayon salades et légumes préparés. La pire étant le rayon des œufs qui est intégralement vide. Le chef de rayon me précise que les 5 caisses livrées ce matin sont parties en 2 heures.” (consommateur en supermarché, Bourgogne-Franche-Comté, 26 mars)

“Au bout d'une semaine de confinement, mon mari n'arrivait pas à trouver de farine dans les supermarchés du coin.” (consommatrice, Auvergne-Rhône-Alpes, 26 mars)

“Le rayon de fromage râpé est totalement vide depuis plusieurs jours. Les étalages de fruits et légumes frais, en particulier bio, sont pleins.” (consommateur en supermarché, 27 mars, Centre-Val de Loire)

Confrontées à des surplus devenus impossibles à écouler, certaines filières connaissent d’importantes difficultés économiques. La filière laitière en est un exemple emblématique : de nombreuses laiteries ont appelé les éleveurs à réduire leur production, en plein pic printanier (Le Figaro, 31 mars 2020). Paradoxalement, des produits laitiers de grande consommation sont fortement sollicités – tout comme la farine, les pâtes ou les œufs – et des pénuries touchent régulièrement les rayons. Des situations qui mettent en évidence la période de tension que traversent les acteurs en amont, notamment dans le secteur de la logistique. Alors que le niveau des stocks reste important à l’échelle nationale, les flux deviennent le facteur limitant. Les lignes de production se réorganisent et privilégient les standards de consommation retrouvés en grandes surfaces. La meunerie par exemple tourne à plein régime pour produire des sachets de farine de petit volume destinés aux ménages, cependant que la boulangerie artisanale connaît une chute importante de son activité (France 3 Régions, 5 avril 2020). Les efforts redoublent pour transporter les denrées depuis les usines vers les plates-formes logistiques puis vers les points de vente. Une intensification souvent confrontée aux retours à vide des camions, provoquant des coûts supplémentaires et des tensions entre les acteurs.


La relocalisation des circuits d’approvisionnement et de distribution


L’appel du ministre de l’économie Bruno Le Maire au « patriotisme économique » a été en partie entendu par la grande distribution. Certaines grandes surfaces renforcent leurs approvisionnements auprès de producteurs locaux, voire leur permettent de venir vendre directement sur place leurs produits. Plusieurs témoignages y font référence :

“Cet Intermarché fait une campagne d'affichage sur l'orientation de son carnet de commande vers le producteurs locaux et français.” (consommateur, 2 avril, Nouvelle Aquitaine)

“Le supermarché nous offre gratuitement un espace à l’intérieur où nous pouvons vendre nos produits comme dans un marché classique, avec notre propre caisse.” (productrice de fromage de chèvre, 3 avril, Auvergne-Rhône-Alpes).

Mais la cohérence générale de ces démarches est parfois questionnée :

“Je suis agacée par la publicité et les annonces des grands distributeurs (CARREFOUR, AUCHAN, LECLERC, ALDI....) qui profitant de la crise actuelle se déclarent respectueux envers les agriculteurs et disent leur venir en aide en les aidant à écouler les surplus de fruits et légumes. Mais continuent à vendre des produits exotiques ou hors saison (tomate, courgette...)” (consommatrice, 27 mars, Auvergne-Rhône-Alpes).

Pour les grossistes, dont les débouchés en restauration hors domicile ont disparu, la distribution se reporte de différentes manières : vente directe, épiceries de proximité, grandes surfaces, dons aux associations (La Tribune, 31 mars 2020). Le marché d’intérêt national (MIN) de Rungis par exemple a mis en place un service de livraison directe auprès des ménages franciliens, tandis que de nombreux Promocash ouvrent leurs portes aux particuliers. En Loire-Atlantique, l’un des établissements de l’enseigne a mis en place un système de point relais entre les producteurs, restaurateurs locaux et consommateurs (Ouest France, 4 avril 2020).


La main d’œuvre : une contrainte transversale


Frontières fermées pour les travailleurs saisonniers, personnel malade ou vulnérable, gardant ses enfants ou exerçant son droit de retrait, le manque d’effectifs est un problème tout au long des chaînes alimentaires. Dans le secteur agricole, la dépendance à la main d’oeuvre étrangère a été particulièrement mise en lumière en début de confinement, avec l’appel du ministre de l’agriculture Didier Guillaume à rejoindre les champs.

Deux semaines plus tard, au 1er avril, 200 000 personnes s’étaient inscrites sur la plate-forme “Des bras pour ton assiette”. Un succès, mais le nombre de travailleurs allant réellement apporter leur aide reste incertain.

Les secteurs aval du système alimentaire sont eux aussi concernés par le manque d’effectifs. Dans l’agroalimentaire, l’absentéisme atteint 40 % dans les régions les plus touchées par l’épidémie (Le Figaro, 1er avril 2020). Il en serait de même pour la grande distribution d’après la CGT (Ouest France, 28 mars 2020). Dans ces conditions, les horaires sont revus à la hausse et plusieurs usines tournent la nuit et le week-end pour répondre aux fortes demandes sur certains produits.



 
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