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Bulletin de Partage 1 - Les chaînes d’approvisionnement alimentaire en tension

Dernière mise à jour : 7 avr. 2020

Les chaînes d’approvisionnement, qu'elles reposent sur la proximité ou sur des organisations en filières longues, connaissent des difficultés communes, et partagent parfois des solutions de même nature. Les unes comme les autres ont à inventer des solutions d'urgence pour réorganiser leur logistique, adoptent des modes de distribution qui limitent les temps de contact, et constatent la fluidité de leurs clients vers l'un ou l'autre mode.


 

(Re)trouver des débouchés


Les restaurants, commerciaux et collectifs, ont fermé ou grandement réduit leurs activités. Leurs fournisseurs se retrouvent à devoir écouler leurs stocks, qu’ils soient producteur individuel, ou grossiste sur le marché de Rungis. Pour faire face à ces stocks disponibles et périssables, des systèmes alternatifs de distribution, souvent solidaires, se sont inventés sur le tas : achats groupés d’habitants, ventes flash de produits supplémentaires en AMAP, initiatives d’entreprises de la logistique amont des circuits courts (La Charrette, Mes producteurs Mes cuisiniers...), mais aussi dans les circuits longs : sur le marché de Rungis, “Intermarché qui est peu présent normalement s'est manifesté pour racheter des produits laissés pour compte” (Ouest France, 21 mars 2020*).

Des chaînes de solidarité se sont formées pour réduire le gâchis alimentaire dans le contexte de fermeture des restaurants et des cantines et concernent tout autant les circuits courts que des chaînes plus longues, avec des solutions similaires. Par exemple une crêperie, via une annonce diffusée sur les réseaux sociaux, propose, suite à l'obligation de fermeture, de vendre à prix modique les denrées alimentaires périssables composant ses stocks, et les restaurants Flunch les distribuent à leurs employés. Les producteurs livrant restaurants et restauration collective sont les premiers à subir la crise : “depuis samedi, ils [les producteurs] ont des décommandes de la part des restaurants, restauration collective, et certains marchés sont annulés. Ils se retrouvent donc avec des produits frais en surplus (fromages, fruits et légumes..)”. La plupart se sont adaptés en faisant des systèmes de paniers pour les particuliers ou en approvisionnant leurs clients commerçants plusieurs fois par jour depuis la veille du confinement. Des entreprises leur proposent des solutions logistiques :

Ils passent donc leur temps sur la route à livrer aux 4 coins du département. Nous sommes en train de recenser les besoins les plus fréquents pour mettre en place des tournées de livraisons vers les commerçants.

Entreprise de solutions logistiques pour les producteurs en circuits courts, 18 mars.


D’après l’un des témoignages recueillis, repris par la presse, un producteur de yaourts, face à 15 000 pots décommandés initialement prévus pour la restauration collective, en a vendu la moitié en quelques heures à la ferme grâce à un appel lancé sur les réseaux sociaux. Une cuisine centrale a aussi donné une partie de ses stocks de laitages et d’omelettes à l’aide alimentaire et aux consommateurs locaux via les AMAP et coopératives de consommateurs.


Livraison et Drives ont le vent en poupe, que ce soit dans les circuits courts ou longs


Les systèmes de commande en ligne direct producteur ont le vent en poupe : ils existaient déjà en nombre, mais d’après les témoignages recueillis, beaucoup de producteurs qui n’en avaient pas ont rapidement - avec leurs consommateurs - improvisé des systèmes de vente à la ferme avec précommande par téléphone ou mail, de drive / ecodrive, ou bien créé des sites internet de commande (témoignages en Drôme, Ille et VIlaine, Cantal). Ainsi, dans le Perche, la crise a permis au groupe “les paniers perchés” de faire aboutir son projet collectif dans un temps record.


Dans les commerces classiques, “Entre le 9 et le 15 mars, les ventes de drive ont augmenté de 61% et l'e-commerce de 90%. Face à ce fort engouement, des modes de livraison alternatifs, comme la livraison collaborative, commencent à être fortement mobilisés.”(LSA, 20 mars 2020**). De jeunes entreprises de livraison coopérative, qui travaillent avec la grande distribution, comme Shopopop ou Yper, ont vu leur activité fortement augmenter, mais aussi reçu des sollicitations de commerces locaux “tels que les traiteurs ou les boulangeries”.

Des consommateurs qui changent leurs habitudes et croisent les circuits


Des témoignages ont été reçus de la part de consommateurs fréquentant principalement des circuits courts et qui déclarent s’être tournés davantage vers la grande distribution ou vers des détaillants plus classiques (pas bio, pas local). Pour la première fois, je me dis « Avec ces histoires de confinement, il va falloir revoir nos critères d’achat, si on trouve à manger, ce sera déjà bien.»” (consommatrice, 20 mars 2020). “Nous faisons le constat que pour respecter le confinement, nous sommes beaucoup moins "stricts" sur nos achats. Nous privilégions les commerces locaux (Grandes surfaces) plutôt que de faire 25 km pour nous approvisionner en « bio »". Nous vivons bien ce choix .” (22 mars 2020). “Obligation de faire ses courses dans magasin de chaîne de supermarché en raison des restrictions de circulation. Ceci au lieu de marchés et des producteurs locaux” (20 mars 2020).


Au contraire, certains clients des circuits courts, qui achetaient uniquement les produits complémentaires en grande surface, ont diminué voire supprimé leurs achats en supermarché :


J’ai cessé d’aller dans les supermarchés, car les files d’attente à l’entrée sont très longues et au final je perdais beaucoup de temps.” (18 mars 2020)

Depuis longtemps nous donnons une importance au circuit court, mais avec la crise du coronavirus, nous allons au plus près pour nous nourrir : boulanger et boucher/charcutier à 2,5 km, verger avec produits locaux (fruits, légumes, viandes, fromages, jus de fruits, bières...) à 7 km. Le bio n'est pas indispensable, mais c'est un plus. Le seul changement est que nous allons moins chez les grands distributeurs.” (23 mars 2020)

La situation de confinement change peu nos habitudes, l'AMAP continue à livrer et le marché est maintenu. Nous avons juste diminué notre fréquence d'achats afin de limiter nos déplacements et essayons d'acheter le moins possible en supermarché pour soutenir les producteurs locaux.” (23 mars 2020)



Relations consommateurs - commerçants : entre liberté d’acheter et traitement individualisé, de la qualité à la quantité


Certaines supérettes et autres commerces insérés dans les circuits longs ont adopté des règles concernant la consommation individuelle : limitation des achats (maximum trois exemplaires d'un produit, ou “5 kg de patates par client maximum” chez ce primeur des Bouches-du-Rhône), horaires spéciaux réservés aux personnes vulnérables, etc. Ils ont également parfois mis en oeuvre des pratiques jusqu’ici utilisées par les systèmes de vente directe, comme la préparation de paniers tout faits, notamment pour les produits frais. Ce mode de distribution permet de limiter le temps d’exposition lors de l’échange.

Les acteurs des circuits longs ont dû gérer le premier mouvement de panique sur les stocks et, comme le montrent certains témoignages, faire face parfois à des incivilités : consommateurs qui se servent directement sur les palettes avant le réassort (observation le mardi 17 mars, juste avant le confinement), agressivité (“[le gérant] s'est fait incendier, le client voulait absolument ses 50 kg de patates”, témoignage d’un consommateur près de Marseille “), vols de cagettes au Marché d’Intérêt National de Marseille...

De leur côté, les acteurs des circuits courts ont vu un changement de préoccupations chez leur clientèle; Par exemple dans ce magasin bio vrac et cette AMAP, il y a “moins d’ambiance”, moins de discussions sur les produits. “La présentation du stand : ça ne compte plus”. Les clients veulent des paniers de produits base, “un peu dans l'urgence”. Ce relatif désintérêt pour la qualité au sens large se retrouve dans un autre témoignage qui nous indique que dans un supermarché, pour certains produits “il ne restait parfois que des produits bio.


 


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