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Actualités COREnet - Circuits courts alimentaires : quand formation et conseil transforment l'agriculture durable

Cet article a été écrit par Diego Giuliani pour Icons dans le cadre du projet COREnet dont le RMT Alimentation Locale est partenaire.


Le projet COREnet vise à créer un réseau européen de conseillers spécialisés dans les circuits courts alimentaires, favorisant l'échange de bonnes pratiques et le développement de formations adaptées. En renforçant les compétences des conseillers et en promouvant des approches diversifiées, l'objectif est d'accompagner les agriculteurs dans la transition vers des systèmes alimentaires plus durables et résilients.


Article original (en anglais).


Traduit pour le RMT Alimentation Locale par Anne-Cécile Brit (INRAE)


Marché de producteurs - Caligari - Italie
Marché de producteurs - Caligari | Photo credits : Leonardo Improta - Icons

Les circuits courts alimentaires révolutionnent l'agriculture, mais le succès ne se limite pas aux ventes directes. Des formations adaptées et des conseillers experts jouent un rôle crucial pour aider les agriculteurs à relever de nouveaux défis et à construire des systèmes alimentaires durables, équitables et résilients.


Vous recevez peut-être chaque semaine un panier de fruits et légumes de votre agriculteur local, mais il est difficile d'imaginer à quel point les racines de ce modèle économique sont profondes. Elles remontent à une initiative d'un groupe de consommateurs japonais dans la région de la baie de Minamata dans les années 1960, visant à contrer une maladie neurologique causée par les poissons qu'ils consommaient. Connue sous le nom de "maladie de Minamata", elle résultait du rejet de méthylmercure dans la mer par une usine chimique. La solution trouvée s'appelait à l'origine teikei, signifiant "collaboration". "Les habitants de la région ont conclu un accord avec les agriculteurs locaux, s'engageant à acheter leurs produits pendant plusieurs mois. Ils étaient ainsi assurés de consommer des aliments plus sains ; en retour, les agriculteurs recevaient un paiement à l'avance", rappelle l'auteur et documentariste français Tristan Thil dans son roman graphique Circuit Court, consacré à la première AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) créée en France en 2001 sur des principes similaires. "Il s'agit d'un contrat qui aligne les intérêts des consommateurs, en quête de produits de qualité, et des agriculteurs, qui ont besoin de stabilité financière", explique Thil.


Le Japon et la maladie de Minamata peuvent sembler éloignés dans le temps et l'espace, mais comme le souligne le livre de Thil, ils partagent de nombreux points communs avec l'histoire de la ferme de Daniel et Denise, Les Olivades. Leur modèle économique a non seulement répondu à la demande croissante d'aliments plus sains, alimentée par des préoccupations telles que la crise de la vache folle, mais a également surmonté des défis familiers à de nombreux agriculteurs, comme l'augmentation de la concurrence suite à la création du marché unique européen. "Leur histoire reflète une transition d'une pratique de monoculture intensive dépendante des pesticides et contrôlée par les réseaux de distribution vers des méthodes de production et de vente entièrement nouvelles", ajoute-t-il. Alors que l'urgence d'un système alimentaire plus durable se fait sentir, des initiatives comme les AMAP françaises ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Répondant simultanément à des enjeux environnementaux, sanitaires et socio-économiques, elles partagent également l'objectif clé de raccourcir la chaîne d'approvisionnement alimentaire en réduisant le nombre d'intermédiaires.


Directrice de recherche à l'INRAE, un institut public français dédié aux sciences agricoles, Yuna Chiffoleau étudie les circuits courts alimentaires depuis plus de 20 ans. Elle a également co-fondé le réseau d'experts RMT Alimentation locale. "Les circuits courts modifient la manière de produire, transformer et commercialiser les produits, nécessitant la maîtrise d'une large gamme de tâches", explique-t-elle. "Vous devez trouver vos clients, exceller en communication, gérer la logistique et bien plus encore. C'est beaucoup à gérer seul, c'est pourquoi les conseils et la formation sont si cruciaux." C'est aussi la raison pour laquelle son institut est parmi les partenaires de COREnet, un projet européen visant à encourager l'adoption des circuits courts alimentaires en développant un réseau de conseillers plus efficace. "Alors que produire et vendre une carotte via des modèles conventionnels est simple, les circuits courts impliquent de nombreux types de carottes et d'approches de vente. Ce que les conseillers doivent donc fournir, ce sont des repères, plutôt que des références uniques valables pour tous. Plutôt que d'appliquer des procédures standardisées, ils doivent promouvoir et soutenir la diversité des modèles", explique Yuna Chiffoleau.


D'où la nécessité pour le conseil de s'adapter à une large gamme de situations hétérogènes et de modèles de commercialisation, comme le souligne sa collègue de l'INRAE, ingénieure d'études, Anne-Cécile Brit : "Le conseil ne sera pas le même pour quelqu'un qui part de zéro que pour ceux qui travaillent déjà dans l'agriculture traditionnelle mais souhaitent passer aux circuits courts. Les conseillers peuvent aider les agriculteurs à aborder des questions non envisagées : comment allouer et gérer votre travail et votre temps pour que la transformation et la vente directe ne deviennent pas accablantes ? Comment fixer les prix de vos produits ? Comment communiquer efficacement avec les consommateurs ?". Le besoin d’un accompagnement personnalisé est confirmé par Didier Mahé, de la Chambre d’Agriculture de Bretagne, qui a travaillé sur un projet développé par l’Institut français de l’élevage (Idèle) pour soutenir les agriculteurs engagés dans les circuits courts alimentaires. « Pour ceux qui débutent dans les circuits courts, les premières questions concernent généralement la disponibilité des terres pour s’installer, qui ne sont souvent ni les meilleures ni les mieux situées stratégiquement par rapport aux consommateurs. Ensuite, ils s’interrogent sur l’aménagement des infrastructures et le respect des réglementations locales, l’identification des produits les plus adaptés à la vente, le choix des clients à cibler, etc. », explique-t-il.


Prenons l’exemple de Florence, une ancienne ingénieure devenue productrice de fromages de chèvre, qui a scrupuleusement suivi les conseils lors du lancement de son activité. Malgré tous ses efforts, vendre ses fromages s’est révélé être un défi, et « les jours de marché étaient un enfer », raconte Christine Guinamard, de l’Idèle. « Elle et son mari se levaient à 4 heures du matin pour traire les chèvres, puis elle rentrait à la maison pour s’occuper de leurs enfants et les emmener à l’école, avant de reprendre le relais de son mari sur le marché pour qu’il puisse partir travailler. Ce rythme était insoutenable, et après trois ans, ils ont craqué. » Grâce au conseil, Florence a compris qu’elle devait embaucher de l’aide, mais son expérience est loin d’être un cas isolé. « Le burn-out est une réalité dans les circuits courts, car ils exigent de gérer de multiples responsabilités. Cependant, les conseillers peuvent intervenir pour le prévenir. Ils aident à réorganiser le travail, à identifier l’équipement le plus adapté et à faciliter l’action collective pour partager les tâches, tout en fournissant des conseils pour maintenir la cohésion du groupe », explique Yuna Chiffoleau. Mais selon Christine Guinamard, les aspects organisationnels et économiques des circuits courts sont particulièrement cruciaux pour leur succès. « Pour assurer la réussite et éviter l’échec des entreprises, l’accompagnement doit mettre l’accent sur la gestion de la charge de travail, la fixation de prix réalistes et la planification financière », recommande-t-elle.


Une juste rémunération des agriculteurs est un autre élément essentiel, souvent négligé lorsqu’on parle de durabilité alimentaire. Pourtant, l’histoire de Daniel et Denise démontre son rôle clé dans la transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement. « Lorsque vos seuls clients sont les supermarchés et qu’ils ne veulent pas de pucerons sur leurs salades, vous êtes contraints de les éradiquer pour respecter leurs standards. Mais lorsque vous vous libérez de ces contraintes, vous pouvez adopter des méthodes durables et vous concentrer sur la qualité et le respect de l’environnement », expliquent-ils. Lorsqu’il travaillait sur son roman graphique, Tristan Thil a également recueilli le témoignage de Daniel, qui lui a expliqué que pour que cela soit viable, les prix ne doivent pas être fixés par l’offre et la demande, mais basés sur « des éléments réels, comme les dépenses de la ferme et la rémunération du travail, divisés par le nombre de personnes que la ferme est capable de nourrir ». « C’est ce qu’il appelait ‘le juste prix de l’alimentation’ », conclut Thil. « Il disait que si le prix est plus élevé, il y a de la spéculation, et s’il est plus bas, de l’exploitation. »


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